Causeries juillet 2017


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Le 26 juillet 2017

CAUSERIE

Les leçons d'Octobre. - Il faut étudier Octobre. - Léon Trotsky 1924.

Extrait.

- "Dans les révolutions bourgeoises, la conscience, la préparation, la méthode ont joué un rôle beaucoup moins grand que celui qu'elles sont appelées à jouer et jouent déjà dans les révolutions du prolétariat. La force motrice de la révolution bourgeoise était également la masse, mais beaucoup moins consciente et moins organisée que maintenant. La direction était aux mains des différentes fractions de la bourgeoisie, qui disposait de la richesse, de l'instruction et de l'organisation (municipalités, universités, presse, etc.). La monarchie bureaucratique se défendait empiriquement, agissait au petit bonheur. La bourgeoisie choisissait le moment favorable où elle pouvait, en exploitant le mouvement des masses populaires, jeter tout son poids social sur le plateau de la balance et s'emparer du pouvoir. Mais, dans la révolution prolétarienne, le prolétariat est non seulement la principale force combative, mais aussi, dans la personne de son avant-garde, la force dirigeante. Seul, le parti du prolétariat peut, dans la révolution prolétarienne jouer le rôle que jouaient, dans la révolution bourgeoise, la puissance de la bourgeoisie, son instruction, ses municipalités et universités. Son rôle est d'autant plus grand que la conscience de classe de son ennemi s'est formidablement accrue. Au cours des siècles de sa domination, la bourgeoisie a élaboré une école politique incomparablement supérieure à celle de l'ancienne monarchie bureaucratique. Si le parlementarisme a été pour le prolétariat jusqu'à un certain point une école de préparation à la révolution, il a été encore davantage pour la bourgeoisie une école de stratégie contre-révolutionnaire. Il suffit, pour le montrer, d'indiquer que c'est par le parlementarisme que la bourgeoisie a éduqué la social-démocratie, qui est maintenant le plus puissant rempart de la propriété individuelle. L'époque de la révolution sociale en Europe, comme l'ont montré les premières expériences, sera une époque de batailles non seulement implacables, mais raisonnées, beaucoup plus raisonnées que chez nous en 1917. "

Il faut étudier Octobre au format pdf

Le drame jusqu'à présent, c'est qu'on n'a pas voulu tenir compte que la bourgeoisie a multiplié, diversifié et amplifié dans des proportions gigantesques les instruments dont elle disposait pour conditionner les masses, les corrompre, les distraire, les détourner de l'essentiel, de sorte qu'elles subissent leur triste destin plutôt que le prendre en mains pour conquérir leur émancipation du règne de la nécessité, de l'exploitation de l'homme par l'homme, la liberté.

Il allait de soi que plus le niveau d'instruction du peuple s'élèveraient et son mode de vie s'améliorerait, plus la bourgeoisie développerait de puissants moyens pour les instrumentaliser, les détourner, les orienter, autrement dit, ils ne devaient servir qu'à justifier le maintien de son état de servitude ou concourir à faire inconsciemment son propre malheur. Tout progrès social devait l'enchaîner plus solidement encore au capitalisme au lieu de l'en délivrer. Il allait être aveuglé au point de croire que l'amélioration de sa condition matérielle et son épanouissement personnel jusqu'à un certain degré étaient le produit d'une plus juste répartition des richesses ou dû à davantage de liberté à laquelle auraient consenties tous les acteurs sociaux dont les capitalistes, quelle naïveté, cruelle illusion ou ignorance, car en réalité c'était au capitalisme et à ceux qui détenaient le pouvoir qu'elles profitaient en prévision du jour où d'une main ils lui reprendraient ce qu'il lui avait donné de l'autre à une autre époque, quand les conditions de la lutte de classes lui était moins favorable ; d'ailleurs c'est bien simple, durant toute cette période ils n'ont jamais cessé de renforcer leur pouvoir jusqu'au jour où ils décideraient d'en faire usage, un usage tyrannique, cela allait de soi puisqu'ils concentreraient dorénavant tous les pouvoirs.

Aussi longtemps que le capitalisme existera, tout progrès social se retournera contre ceux qui en bénéficiaient jusqu'au jour où il sera remis en cause ou sera annulé. Pourquoi ? Quelle question, mais parce que pendant ce temps-là la vie continue, le processus matérialiste dialectique se poursuit ! Cela va coûter très très cher d'ignorer le développement et le fonctionnement du capitalisme.

Quand votre salaire augmente, vous allez consommer davantage, vous allez contribuer davantage à faire tourner la machine capitaliste, et les capitalistes n'étant pas des philanthropes, vous pouvez être certain que ce ne sera pas à votre avantage à l'arrivée ou plus tard, il n'y a rien d'étonnant à cela, tout est dans l'ordre des choses. Vous pouvez aussi vous dire, que ce que vous consommerez en plus, c'est ce que d'autres travailleurs consommeront en moins, ce n'est pas seulement ce qui n'ira pas dans la poche du capitaliste puisque cela y retournera d'une manière ou d'une autre, si ce n'est pas dans celle de votre employeur ce sera dans celle d'autres capitalistes.

Maintenant on peut se dire qu'il y a un bon côté à notre affaire parce qu'on participe également à l'accélération de la crise du capitalisme, encore faudrait-il en avoir conscience et que cela se traduise sur le plan politique, or comme ce n'est pas le cas, c'est un argument sans valeur de jésuite qui se retournera contre ses auteurs un jour ou l'autre. A ce compte-là, si je spécule je fais une bonne action en tant que militant ouvrier, ben voyons !

Ce qu'on consomme, c'est de la force de travail renfermant le profit que les capitalistes ont extorqué aux exploités. Donc consommer toujours plus, c'est contribuer à renforcer toujours plus le pouvoir des capitalistes et accroître leur fortune au détriment des exploités. C'est pourquoi une meilleure répartition des richesses ne changerait rien fondamentalement, sinon aboutir à un meilleur partage de la responsabilité du maintien en place du régime entre les différentes classes, ce qui porte un nom, le corporatisme, où mène le réformisme.

Pour revenir au passage de Trotsky, 94 ans plus tard, il est plus que jamais d'actualité. Mon activité politique avait pour objectif d'en faire prendre conscience et j'ai échoué, ce qui ne voulait pas dire que je m'étais forcément trompé.

Je n'ai jamais été tenté de parodier les maîtres du marxisme, et pour autant qu'on puisse se servir de leurs précieux enseignements, force est de constater qu'ils commencent à dater et que dans bien des cas ils nous sont peu utiles un siècle ou un siècle et demi plus tard, hormis nous montrer l'orientation dont nous ne devons pas dévier sous peine d'abandonner notre objectif, il nous revient donc d'écrire la suite en nous inspirant de la réalité, en nous emprègnant de la situation, en s'octroyant le droit à l'erreur, c'est la moindre des choses.

On se sent bien seul parfois, incompris, ployant sous des critiques pour la plupart injustes, ce qu'on peut comprendre tant la situation semble inextricable ou désespérée, il y a de quoi en perdre la tête !

Je me suis souvenu d'un autre passage de Trotsky qui pourrait convenir à notre situation :

L. Trotsky : Oeuvres - avril 1939

- "Oui, la question est de savoir pourquoi nous ne progressons pas en fonction de la valeur de nos idées, qui ne sont pas aussi dénuées de sens que le croient certains de nos amis. Nous ne progressons pas politiquement. Ce fait est l'expression du recul général du mouvement ouvrier dans les quinze dernières années. Quand le mouvement révolutionnaire décline de façon générale, quand une défaite suit une autre défaite, quand le fascisme s'étend sur le monde entier, quand le marxisme officiel s’incarne dans la plus formidable machine à duper les travailleurs, il va de soi que les révolutionnaires ne peuvent travailler que contre le courant historique général. Et cela, quand bien même leurs idées sont aussi intelligentes et exactes qu'on peut le souhaiter. C'est que les masses ne font pas leur éducation à travers des pronostics ou des conceptions théoriques, mais à travers l'expérience générale de leur vie. C'est là l'explication globale : l'ensemble de la situation est contre nous."

Si l'ensemble de la situation n'est pas contre nous, c'est la manière dont on l'aborde, dont on aborde les travailleurs qui peut donner cette impression de nos jours. C'est à mon avis le principal problème que nous avons à résoudre. Je considère que l'orientation politique du POID est correcte pour ce que j'en sais tout du moins, pour autant je ne pense pas que c'est de cette manière-là qu'il faut s'adresser aux travailleurs.

Avant de vouloir planter quoi que ce soit sur un terrain afin de récolter ensuite quelque chose, il faut commencer par le déminer, le dépolluer, l'assainir, si vous plantez des plantes saines sur un terrain impropre à la culture, il n'en sortira jamais rien de bon. Entre nous, je tiens cela de ma piètre expérience de jardinier qui a hérité d'un champ de cailloux, et qui a cru qu'il suffirait de retourner la terre dur comme du béton sur quelques dizaines de centimètres pour obtenir une merveilleuse récolte, des prunes ouais, soit les racines ont brûlées à cause de la chaleur, soit parce que l'eau stagnait, il aurait fallu creuser beaucoup plus profondément et je ne l'ai pas fait, moi seul suis responsable ! Creuser, creuser et creuser encore chaque question qui se pose à nous, c'est préférable...

Je terminerai par une petite histoire indienne.

Ma compagne Selvi m'a raconté il y a quelques jours, qu'autrefois son père touchait un salaire de 3 roupies par semaine, 12 roupies par mois, il y a de cela environ 33 ans, 12 roupies cela fait 12 centimes d'euro (1 euro = 70 à 75 roupies). Selvi avait 14 ans et venait d'accoucher de son premier enfant. A l'époque mon salaire devait être de 3.000 frs, soit 550 euros environ, soit 41.200 roupies. Elle a 6 frères et soeurs, et elle m'a raconté qu'à l'époque ils ne mangeaient pas tous les jours à leur faim où ils se contentaient d'un seul repas, c'est un grand mot, je vous passe les détails, tu m'étonnes, quelle misère noire !

Vous voyez le rapport entre 12 centimes d'euro et 550 euros, l'écart est plus gigantesque encore qu'entre un ouvrier français et un patron du CAC40. Cela donne à réfléchir, surtout quand on se repasse les discours politiques de cette époque, c'est à se demander sur quelle planète on vivait (et certains continuent de vivre et ils sont très nombreux) ! Maintenant quand on intègre ce genre de facteur dans notre réflexion, on porte forcément un autre regard sur les classes, la société, etc. on comprend mieux pourquoi et comment nous en sommes arrivés là.