Lutte de classe
Se soigner en France, à quel prix
et dans quelles conditions ?
Je relate ici l'expérience de
Magueswary, mon épouse qui vient d'être hospitalisée du 18 avril au 11 juillet
2006 dans une clinique proche de Marseille. Suit quelques lignes sur la santé
et l'hygiène en Inde.
Suite à une infection n'ayant pas
été soignée en 1986 avec un antibiotique, une des deux valves situées au niveau
du cœur avait nécessité une intervention en urgence, à l'hôpital public Jipmer
de Pondichéry (Inde du Sud).
En 1995, puis en 2000, elle avait
dû subir une intervention bénigne en région parisienne, parce que l'orifice
d'une de ces deux valves s'était dangereusement refermé.
En avril 2006, le cardiologue qui
s'est occupé d'elle a déclaré que cette fois les deux valves étaient trop
endommagées pour qu'on puisse intervenir autrement qu'en procédant à la pose de
deux prothèses mécaniques en remplacement des deux valves usées. Il lui donnait
six mois à vivre tout au plus si elle n'était pas opérée immédiatement, en
précisant qu'il serait alors impossible de procéder à cette opération, qu'il
n'y aurait plus qu'à la laisser mourir. Nous avons donc opté sans hésitation
pour la pose des deux prothèses.
Elle s'est adressée naturellement
à plusieurs hôpitaux publics de Marseille et de la région : pas de place avant
plusieurs mois, donc impossible de se faire opérer dans un établissement
public.
Elle s'est donc rabattue sur une
clinique privée.
L'opération a eu lieu le 3 mai.
Elle est restée sept jours en salle de
réanimation avant de se réveiller avec un mal de tête insupportable.
Trois jours plus tard, à une heure
du matin, hémorragie au niveau du cœur, une course contre la montre s'engage
alors pour la sauver, chaque minute qui passait était déterminante. Une
nouvelle fois, elle était sauvée. Cela fera quatre fois qu'elle frôlera la mort
en comptant le tsunami du 26 décembre 2004 qui avait ravagé notre maison.
Quelques jours plus tard, elle
sent son bras "qui part", puis tout le côté droit, il s'agit
d'un début de paralysie.
Elle m'avait expliqué qu'à force
de lui faire des prises de sang, trois fois par jour, elle avait des caillots
de sang énormes, très durs et douloureux à chaque bras. Les infirmières lui
avaient répondu que c'était « normal ». Le lendemain, elle
retrouvera l'usage de son bras sans que l'on sache ce qui s'était
réellement passé.
Il faut savoir aussi qu'elle n'a
jamais revu le chirurgien qui l'avait opéré, qu'elle verra défiler des médecins
différents pendant toute la durée de son hospitalisation. J'apprendrai plus
tard qu'il s'agissait d'un chirurgien "ambulatoire", qui se
rend dans cette clinique pour effectuer des opérations et puis qui disparaît
une fois son chèque encaissé.
Toujours en proie à un mal de tête
à se cogner la tête contre les murs, les médecins la laissent dans cet état là.
J'envoie deux courriels pour
protester vigoureusement contre cette situation inacceptable. Je ne recevrai
aucune réponse. Par contre, ils décideront quelques jours plus tard de lui
faire passer un scanner de la tête. Là, ils découvrent une hémorragie au niveau
du cerveau. Vous imaginez notre consternation et notre colère.
Je téléphone à plusieurs reprises
à cette foutue clinique pour avoir des explications, en vain. Une infirmière
qui m'avait dit précédemment qu'il devait s'agir d'un mal de tête "classique",
m'explique que cela va se résorber "tout seul en quelques jours".
En même temps qu'il lui donne enfin un analgésique pour atténuer son mal de tête, il lui donne un traitement qui doit éradiquer l'hémorragie en deux semaines.
Et effectivement, deux semaines
plus tard, le mal de tête a presque totalement disparu et l'hémorragie semble
être en voie de résorption.
Elle devait encore passer un
scanner de la tête le 20 juillet.
La rééducation qui devait
initialement durée deux semaines sera finalement ramenée à quelques jours sans
que l'on sache pourquoi non plus.
Bien entendu, nous avons demandé
son dossier médical (les copies et les frais postaux sont à notre charge), car
en cas de complication dans l'avenir ou de séquelles, nous nous réservons le
droit de porter plainte contre cette clinique.
Sans la prise en charge à 100% par
la Sécurité sociale et la CMU, Magueswary n'aurait pas pu être opérée en
France, et étant donné qu'il s'agissait d'une opération très lourde sur le plan
médical et très onéreuse, nous n'aurions pas pu la faire opérer dans une
clinique privée en Inde, ni à l'hôpital public de Pondichéry comme en 1986.
Il faut savoir qu'elle avait été
opérée en 1986 à Pondichéry par un chirurgien américain qui lui avait sauvé la
vie, l'opération avait été beaucoup moins lourde que cette fois, et puis, nous
n'avons absolument aucune confiance dans les hôpitaux publics indiens qui sont
dans un état de délabrement plus qu'avancé, où la crasse et le manque d'hygiène
rivalisent, imaginez-vous du sang collé à vos semelles et vous aurez compris de
quoi je parle, c'est la cour des miracles !
En résumé, en France, non
seulement on ne peut plus se faire soigner dans un hôpital public, mais on est
obligé de s'en remettre à des officines privées pour lesquelles le patient est
avant tout un client, bref, une marchandise comme une autre.
Pendant son séjour, Magueswary a
eu le droit à une nourriture insipide surgelée provoquant des diarrhées, etc.
Il n'y a pas de petites économies pour ces gens là. De quoi haïr le
capitalisme, non ?
Hippocrate expliquait que le rôle
du médecin était de s'attaquer aux causes de la maladie et non de se contenter
de réduire la maladie. C'est un peu la même différence qui existe entre le
révolutionnaire et le réformiste. Il considérait l'alimentation comme la base
du premier traitement pour recouvrer la santé ou pour la conserver. Nous sommes
ce que nous mangeons effectivement, en très grande partie. Que la plupart des
médecins, pour ne pas dire plus de 90%, vous prescrivent un traitement
allopathique à base de produits chimiques de synthèse, sans vous donnez le
moindre conseil alimentaire, constitue une violation du serment d'Hippocrate,
dont personne ne se préoccupe ou n'a conscience, c'est vrai que nous vivons une
époque formidable où tout est normal !
Personnellement, lorsque je suis malade (en Inde), j'évite d'aller consulter un médecin, je vais directement m'acheter des antibiotiques dans une pharmacie. Mon dernier voyage en France, il y a quatre ans, avait été motivé par un mal de dent persistant qui risquait de devenir insupportable ! Je me contentais alors de mâcher des clous de girofle pour atténuer la douleur.
En Inde, en dehors de la morphine
administrée aux cancéreux en phase terminale, tous les médicaments sont en
vente libre sans ordonnance. On ne vous vend pas une boîte, on vous remet dans
une pochette en papier le nombre de comprimés que vous voulez.
Inutile de vous dire que nous
faisons particulièrement attention à notre alimentation pour ne pas tomber
malade, ou lorsque cela nous arrive, pour que nous nous rétablissions
rapidement sans consulter un médecin.
Placé dans une telle situation, on
est forcément amené à réfléchir à son mode de vie, à sa santé dans des termes
différents. Faire preuve d’inconscience peut se payer très cher parfois, cache
et sans délai.
Manger moins, moins souvent,
mieux, bannir les sources de problèmes comme le piment, ne pas boire de l'eau à
l'extérieur, éviter les échoppes, les magasins et les restaurants où le manque
d'hygiène est criant, surtout ne jamais mettre ses mains n'importe où, ne pas
se toucher les yeux ou les oreilles encore moins la bouche, j'ai été dans le
passé victime de plusieurs infections dues à un manque de précautions
élémentaires. Le plus délicat, c'est de refuser une invitation à déjeuner ou
dîner chez des gens que l'on ne connaît pas. Il faut prétexter une gêne
provisoire ou n'importe quoi.
Tous ces conseils valent encore
plus pour les touristes qui ne sont pas immunisés, évidemment. Ce n'est pas de
la parano, il m'arrive de partager le repas de pécheurs de mon village comme
aujourd’hui chez ma voisine, mais cela demeure exceptionnel. Comme ils n'ont
pas de réfrigérateur, tous les plats sont frais, cela limite les risques.
Attention, le pire, c'est l'eau
qui peut contenir des amibes dangereuses. Tous les ans, Le consulat organise au
moins un rapatriement sanitaire en urgence.