Lutte de classe
Front unique et perspectives
Lénine expliquait que la tactique
du front unique ne devait être employée qu'avec beaucoup de précautions, au
cours d'une période pré-révolutionnaire ou révolutionnaire, quand la question
et le combat direct pour la prise du pouvoir étaient à l’ordre du jour, ce qui
n'est évidemment pas le cas aujourd'hui en France.
Il précisait qu'il fallait en
dehors de cette condition particulière, des circonstances exceptionnelles pour
y recourir, et qu'en cas de calme relatif au plan social, il n'était pas
question de mettre en avant cette tactique.
Pour Lénine la tactique du front
unique ne pouvait être mise en avant qu'à partir du moment où elle était
impulsée par un parti révolutionnaire déjà construit ou dont la construction
était suffisamment avancée et bénéficiant d'un ancrage dans les masses, car il
estimait que c'était la condition pour que les masses qui avaient encore des
illusions dans les partis opportunistes se réclamant du mouvement ouvrier, ne
soient pas livrées sans défense à ces
partis, pour qu'elles puissent se
tourner vers le parti révolutionnaire une fois démasqué le rôle
réactionnaire des autres partis, dans le cas contraire, où il n'aurait pas
existé un tel parti révolutionnaire, cela reviendrait à livrer les masses à ces
partis traites tout en les laissant face à leurs illusions.
Force est de constater que pour le
PT et tous les groupes qui en sont issus, le front unique est devenu une
stratégie, un objectif à atteindre en soi, puisqu'une fois réalisé, ils sont
incapables d'agir sur lui, de l'orienter politiquement, laissant les appareils
maîtres du jeu, ce qui se termine chaque fois par une nouvelle trahison et une
défaite. Le front unique est devenu la panacée en matière de lutte de classe,
ce qui est une aberration totale.
Les laudateurs du front unique
font preuve d’une démagogie sans borne en prétextant qu’il existe toujours une
raison de réaliser l’unité, mais apparemment personne ne se pose la question de
savoir si le recours à cette tactique est justifié ou non ni sur quoi elle peut
déboucher, il leur suffira d’affirmer qu’elle a permis de vaincre des illusions
pour que leurs promoteurs soient satisfaits d’eux-mêmes. Quant aux dégâts
qu’elle peut causer, personne n’en parle, personne ne peut d’ailleurs imaginer
un seul instant qu’elle puisse avoir des conséquences négatives. Que les
travailleurs ressortent de cette expérience, brisés, démoralisés, désarmés
politiquement, personne n’en parle non plus. Si aucune perspective politique se
trouve à leur portée, dont ils peuvent se saisir pour continuer le combat, il y
en a qui s’adaptent au capitalisme et qui cessent le combat. C’est le danger
qui nous guette.
Les suppliques adressées aux
dirigeants traîtres "dirigeants appelés" doit les faire bien
marrer, car pendant ce temps là, ils en profitent pour reprendre le contrôle du
mouvement social qui avait tendance à leur échapper, le conduisant dans une
impasse à la première occasion, tout simplement parce qu'il ne peut pas en être
autrement.
Là encore, nous sommes face à une
formidable entreprise de mystification, à une formidable supercherie, lorsqu'on
nous dit que les appareils pourraient aller au-delà de ce qu'ils veulent bien
aller eux-mêmes, sans doute, exceptionnellement une fois par siècle et encore ;
comme devait le remarquer Lénine, lorsque la bourgeoisie est sur le point de
tout perdre, dans le cadre précis d'une situation révolutionnaire et pas
autrement.
Bref, le front unique depuis plus
de 40 ans a conduit chaque fois le mouvement ouvrier de défaite en défaite, de
trahison en trahison, préservant ainsi le régime en place.
Quand bien même les masses se
détourneraient des appareils pourris des syndicats, des partis PS et PCF, il
faudrait qu'elles continuent à entretenir des illusions dans ces appareils et
ces partis coûte que coûte, et si elles ne le veulent pas, il y en aura
toujours pour faire en sorte de redorer leur blason pour y parvenir.
Ils demandent aux masses de
s'adresser aux élus, maires et députés du PS et du PCF, comme s’ils étaient
encore des élus des masses, comme si les masses avaient encore des illusions en
eux. De gré ou de force, ils veulent à tout prix les livrer aux réformistes et
aux staliniens.
Traduisons : les partisans
acharnés du front unique expliquent qu'il ne peut pas y avoir de solution
politique en dehors du PS et du PCF, des appareils, eux seuls peuvent mettre en
oeuvre une autre politique, soi-disant que cela correspondrait au vœu ou aux
illusions des masses. Ils saisissent tous les prétextes, la fermeture d'un
hôpital, la suppression d'une classe, etc.
Si les élus du PS ou du PCF
s'associent ponctuellement à leurs revendications, les masses vont enfin
pouvoir ressasser les illusions qu'elles avaient abandonnées ou qu'elles
étaient sur le point d'abandonner, en se disant que ces élus ne sont pas si mal
que cela après tout, en les poussant un peu plus, on pourrait peut-être les
faire adhérer à toutes nos revendications, ils pourraient redevenir de vrais
socialistes, de vrais communistes, pour peu, on en serait presque à penser que
nous les avons sous-estimés et que nous avons été ingrats envers eux, alors
dans ces conditions là, poussons les choses un peu plus loin, pourquoi ne pas
glisser un bulletin de vote pour ces partis lors des prochaines élections et leur
donner une nouvelle chance.
C'est contre cette illusion
criminelle que nous nous élevons. Cela fait 70 ans que cela dure et il s'en
trouve encore pour en réclamer davantage ! Navrant et misérable ignorance !
Parce qu'ils sont incapables de
déterminer une tactique permettant aux masses d'avancer vers la prise du
pouvoir, ils s'en remettent aux partis pourris du mouvement ouvrier, pour eux,
il ne peut y avoir d'issue politique en dehors du PS et du PCF.
Comme plus personne n'a confiance
dans ces partis, cela revient à
interdire au prolétariat toute issue politique, tout le reste est du
baratin, des fables de philistins petits-bourgeois.
Parce qu'ils sont incapables de
prendre la direction des masses ou de la revendiquer, parce que ce n'est pas ou
plus leur objectif, parce qu'ils pensent que cela est irréalisable, ils n'ont
plus confiance dans les masses, encore moins en eux-mêmes en tant que militants
ouvriers.
En définitif, le front unique leur
sert de couverture pour camoufler leur capitulation devant les appareils et la
bourgeoisie.
Gouvernement ouvrier, des partis
ouvriers, des partis ouvriers et des syndicats, pourquoi pas avec Attac et
l'abbé Pierre pendant qu'ils y sont, c'est lamentable d'en arriver là
décidément. Je comprends parfaitement que des militants honnêtes et sincères
abandonnent tout combat politique, il y a de quoi être dérouté, désarmé,
complètement écœuré par une telle perspective.
Pour que l’on comprenne bien que
l’on a à faire ici à une véritable entreprise organisée et coordonnée de
désarmement politique des masses, il suffit de constater que même lorsque les
revendications sont communes aux autres partis, organisations et groupes autres
que le PS et le PCF, ils sont incapables de se mettre d’accord entre eux pour
mener la moindre action commune, ce qui montre bien que leurs réelles
motivations sont étrangères aux intérêts des travailleurs, en fait, elles sont
déterminées avant toute chose par les besoins de leur propre appareil et rien
d’autre. Souvenez-vous du mouvement social contre le CPE.
Voici ce qu'un cadre du PT m'a
écrit il y a 2 ans, concernant le front unique :
« Pour le front unique,
opposer le sommet à la base est une erreur théorique. Si on privilégie le
sommet, on s'adapte aux appareils, si on ignore le sommet, on gomme l'existence
des organisations construites par les ouvriers mais dirigées par des appareils
traîtres. C'est la combinaison des deux qui fait que l'on combat les illusions
sur le terrain des illusions. La classe ouvrière n'est rien sans ses organisations.
Tu connais le combat que l'on a
mené ensemble pour virer Giscard (...). On n'a jamais sombré dans l'illusion
que le PS pouvait rompre avec le capital. La question n'était pas de connaître
le degré de sincérité de Mitterrand (qui n’en avait aucune) dans ses
déclarations de rupture avec le capitalisme (congrès du PS de Metz), mais de
savoir si la défaite de Giscard était un pas en avant pour porter un coup à la
Vème République.
Et cela a été un coup porté. Pour la suite, on n'aurait jamais pu
passer au stade suivant (commencer à construire le PT comme parti indépendant)
si les masses n'avaient pas fait l'expérience du PS au pouvoir. On a donc bien
contribuer à démasquer les appareils traîtres.
Il est des moments où on ne peut
formuler clairement la question du pouvoir du genre "Gouvernement PS/PC
rompez avec la bourgeoisie" ou "tout le pouvoir aux soviets".
Mais cette ligne s'incarne aujourd'hui sur la rupture avec Bruxelles. C'est un
moment et il y aura d'autres étapes. Il faut ajuster à chaque fois. »
Ajuster ne veut pas dire juste.
Quelques remarques :
1- « une erreur théorique ».
Mais la théorie n’est pas quelque chose de figée pour la nuit des temps,
faut-il encore en vérifier la validité, dans la pratique, à chaque étape de la
lutte des classes, au lieu de répéter comme un perroquet des phrases apprises
par cœur.
2- Alors que la réalisation de
l'unité à la base sur les revendications élémentaires ne pose aucun problème
dans la pratique, tous les travailleurs sont d'accord sur ce point en règle
général. Par contre, le problème réside dans la division orchestrée par les
appareils et leur refus d'appeler à la grève générale, comme chacun le sait,
mais ce que certains tentent de
camoufler.
A ce stade, dans un premier temps,
il est parfaitement correct de s'adresser aux dirigeants syndicaux pour exiger
qu'ils réalisent l'unité et appellent à la grève générale, mais compte tenu de
la réalité objective, c'est-à-dire que les syndicats sont tous dirigés par des
réformistes ou des staliniens, la situation est totalement bloquée.
Dans un second temps, constatant
qu'ils refusent obstinément soit de réaliser l'unité soit et ou d'appeler à la
grève générale, que se passe-t-il alors ? Si on en reste là, rien, absolument
rien, le mouvement engagé pourri sur place et se termine par un nouvel échec.
Je le répète encore une fois, cette situation dure depuis plus de 70 ans.
Question : devra-t-elle continuer encore longtemps ? Devra-t-on continuer dans
cette voie ou faut-il chercher une autre solution ?
Avant d'en arriver là deux
commentaires me viennent directement à l'esprit.
On nous dit qu'il faut lutter dans
les syndicats traditionnels du mouvement ouvrier, la CGT et la CGT-FO, à la
fois sur les revendications économiques du prolétariat, et pour prendre le contrôle
de ces syndicats. Mais voilà, en même temps, on nous dit que nous ne pourrons
en prendre le contrôle qu'au cours de la révolution, sauf que la révolution se
fait attendre depuis plus de 70 ans, ce qui revient à laisser les mains libres
aux réformistes et aux staliniens à la direction de ces syndicats pendant ce
temps là. Quant à ceux qui ont déserté ces syndicats pour en créer de toutes
pièces, ils se sont avérés être à leur tour des salopards de bureaucrates.
A ce propos, on pourrait réfléchir
au bien-fondé de la démarche de ceux qui envisagent sérieusement de créer de
nouveaux syndicats. On ne peut que constater que l'immense majorité des
travailleurs se situent en dehors des syndicats traditionnels et non en dedans.
Donc, lorsque Trotsky nous dit qu'il ne faut pas être sectaire et qu'il ne faut
pas déserter les syndicats où sont organisés les travailleurs, on a envie de
lui répondre que les travailleurs ont plutôt tendance de nos jours à
s'organiser nulle part, ce qui nous laisse le champ libre pour essayer de les
organiser dans un nouveau syndicat sur la base du combat pour en finir avec le
capitalisme et non pour composer avec lui. On peut aussi s'interroger sur les
réelles motivations de ceux qui rejettent la Charte d'Amiens.
Comme de nombreux camarades le
savent déjà, je ne suis pas un fanatique des textes et des citations, je vis
dans le présent en essayant de me tourner vers le futur, et chaque fois qu'on
emploie une citation ou qu'on fait référence à un texte, on se replonge dans le passé, dans un moment qui est figé
pour la nuit des temps, d'où le risque de fixation, de sclérose, de
momification et finalement de mystification. Je ne suis pas spécialement
attaché à un texte, c'est la substance que contient ce texte qui m'intéresse,
ce que je peux en tirer pour mieux comprendre où nous en sommes et ce que l'on
peut faire.
Comprendre le présent à la lumière
des enseignements du passé présente un risque, car on peut à tout moment
surestimer ou sous-estimer les conditions objectives et subjectives qui ont
produit tel ou tel événement sans forcément s’en rendre compte.
Admettons que l’on puisse se
passer de la référence à la Charte d’Amiens, cela ne nous empêche pas d’adhérer à son contenu : indépendance
des syndicats par rapport aux partis, recours à la grève générale, lutte pour
l’abolition du capitalisme. Quel militant révolutionnaire remettra-t-il en
cause ces trois points et pourquoi ?
L’indépendance des syndicats par
rapports aux partis est un leurre, dirons certains. Il est vrai qu’elle est
d’autant plus aléatoire, lorsque nous sommes dans une situation où chaque
revendication économique tend à poser directement la question politique du
pouvoir et du régime.
Sur quoi cela débouche-t-il
lorsque les syndicats sont contrôlés par des réformistes et des
staliniens ?
A entretenir volontairement la
confusion entre revendication économique et politique, ce qui conduit
inévitablement à subordonner le combat politique aux revendications
économiques, en d’autres termes, sans changer de régime, il serait possible
d’obtenir la satisfaction à toutes nos revendications sociales et économiques…
dans un avenir indéterminé, un jour indéterminé, ce qui revient en réalité à
s’asseoir dessus ! C’est ainsi que l’on définit le trade-unionisme.
Le recours à la grève générale
devrait faire l’unanimité des révolutionnaires, encore faudrait-il que l’on
parle exactement de la même chose, car les choses se sont compliqués en la
définissant comme interprofessionnelle ou non. La grève générale se situe sur
le terrain politique, la grève générale interprofessionnelle se situe
exclusivement sur le terrain économique. Dans la situation actuelle de réaction
sur toute la ligne, au moment où la quasi-totalité de nos conquêtes sociales,
économiques et démocratiques sont remises systématiquement en cause, qui peut
penser un seul instant qu’il puisse être possible de vaincre en demeurant sur
le terrain économique ? Quelle place reste-t-il aujourd’hui pour de
véritables réformes progressistes ? Aucune.
Le mot d’ordre de grève générale
interprofessionnelle peut être avancé lorsqu’il existe encore une marge de
manœuvre économique pour le gouvernement et le patronat, mais lorsque la crise
du régime atteint les institutions et le sommet de l’État, lorsqu’il est aux
abois, aux pieds du mur, que le capitalisme doit à tout prix baisser le coût du
travail pour rester compétitif au niveau mondial, ce mot d’ordre se transforme
en son contraire et se dote invariablement d’un contenu réactionnaire.
Le mot d’ordre de grève générale
permet de faire le lien entre le combat économique et le combat politique du
prolétariat en hissant son combat et ses objectifs au niveau du combat
politique, ce qui ne signifie pas que le combat politique s’inscrirait
logiquement dans la continuité du combat économique, comme son prolongement
naturel, car cela reviendrait à subordonner le combat politique au combat
économique, il s’agit au contraire de sortir du cadre limité du combat
économique pour passer au niveau supérieur qui pose la question de
l’émancipation du capitalisme comme système de domination économique et
politique.
Quant à la nécessité de combattre
pour l’abolition du capitalisme, elle ne doit pas être confondue avec un simple
engagement formel de combattre jusqu’à l’abolition du capitalisme, ce qui n’est
pas du tout la même chose, car l’on peut toujours combattre de différentes
manières sans que notre combat s’inscrive forcément dans cette perspective. Un
engagement peut porter à cautions, à des aménagements, des inflexions, pour ne
pas dire des reniements. Une décision ferme et déterminée d’engager le combat
sans délai présente plus de visibilité, on peut en analyser les résultats
immédiatement sur pièces, alors qu’une intention peut toujours être détournée.
Conserver en permanence à l’esprit, en point de mire, l’objectif final de
l’abolition du capitalisme, présente des avantages indéniables, cela permettra
de vérifier en temps réel que les différentes tactiques mises en œuvre au fil
du temps s’inscrivent bien dans cette perspective, et permettra si nécessaire
de faire éclater les compromissions éventuelles, accidentelles ou
involontaires, de rectifier le tir en se repositionnant correctement par
rapport à notre objectif.
Si le mot d’ordre de grève
générale permet de relier le particulier au général, de passer du niveau
économique au niveau supérieur, au niveau politique, celui de l’abolition du
capitalisme ferme en principe la porte à toute forme d’adaptation et de
compromission avec le capital.
La CGT et FO se réclament de la
Charte d’Amiens, ce qui n’empêche pas leurs appareils d’en trahir le contenu
quotidiennement. Cela nous amène à réfléchir à nouveau sur la question des
syndicats.
Le congrès de la CGT vient d'avoir
lieu. La résolution présentée par la direction stalinienne sortante a recueilli
82% des voix. Qu'est-ce que cela veut dire ? Après plus de 70 ans de stalinisme
à la tête de la CGT, les staliniens s'avèrent indéboulonnables, ils conservent
le contrôle du principal syndicat ouvrier du pays.
Cela appelle plusieurs questions :
mais qui a élu les délégués qui ont voté une nouvelle fois pour la résolution
de la direction stalinienne de la CGT ?
Pour la très grande majorité d'entre eux, ce sont des syndiqués de la
fonction publique ou des grandes entreprises, c'est-à-dire, des syndiqués appartenant
à la couche supérieure du prolétariat, la mieux nanti, donc la moins
revendicative, la plus réactionnaire.
On pourrait faire le même constat
avec la CGT-FO et la FSU.
3- « Combattre les
illusions sur le terrain des illusions », c'est la formule prête à
l'emploi qu'on nous ressert indistinctement depuis des décennies sans se poser
la moindre question, ce qui demande vérification, disons, à conditions qu'ils
s'agissent bien d'illusions et de pas autre chose, et de savoir exactement à
qui on les attribue. Tout dépend évidemment des rapports qui existent entre les
travailleurs et les appareils d'une part, et entre les syndiqués et les
appareils d'autre part... et de leur évolution au fil de leurs expériences.
Rappel : Plus de 90% des syndiqués sont des fonctionnaires ou des salariés des grandes entreprises. Le nombre des syndiqués en France représente environ 10% des salariés, 8% si on ne retient que les principaux syndicats CGT, CGT-FO, FSU, CFDT, SUD, UNEF. Il y a 24 millions de salariés (actifs) en France, auxquels il faut ajouter les retraités, les chômeurs, les étudiants, et dans une moindre mesure, les lycéens. Si on additionne toutes ces catégories de travailleurs et jeunes, le nombre de syndiqués est encore plus faible que celui déjà évoqué.
Le nombre de syndiqués en valeur
absolue est en chute libre depuis le début des années 80, alors que la
population et donc le nombre d'actifs, a augmenté sensiblement au cours des
deux dernières décennies.
La disparition de pans entiers de
l'industrie concentrant un volume important de grandes entreprises (sidérurgie,
métallurgie, mine, textile, automobile, etc.) à partir du milieu des années 70,
la privatisation d'entreprises publiques de très grande taille (assurance,
banque, TF1, Renault, Air France, Alstom, Alcatel, etc.) et la liquidation des
services publics sous le gouvernement de front populaire dirigé par
Mitterrand et poursuivie par les
gouvernements présidés par Chirac (SNCF, eau, EDF, GDF, PTT, etc.) ont
contribué à la diminution du nombre de syndiqués en France, sans en être la
seule raison évidemment, j'y reviendrai pus loin.
Qui se syndiquent principalement
encore en France ? Les fonctionnaires.
Les fonctionnaires qui se
syndiquent le font pour défendre leurs intérêts catégoriels, individuels, leur
salaire et leur statut, ils en ont rien à foutre du reste la plupart du temps,
il faut dire les choses clairement, il y en a marre de la langue de bois du PT.
Plus ou moins conscients du monde dans lequel nous vivons, ils s'estiment
heureux comme ils sont et n'ont pas particulièrement envie que l'on renverse le
régime en place. Le réformisme leur va comme un gant, d'où la reconduction
automatique des directions sortantes lors de chaque congrès de la CGT, de FO et
de la FSU depuis des décennies.
La dernière désaffection en date
des syndicats remonte à la politique d'austérité inaugurée par le gouvernement
Maurois en 1982. Sous prétexte de combattre l'inflation, le PS et le PCF ont
décidé de désindexer la hausse des salaires qui étaient alignées sur celle des
prix, ce qui revenait à bloquer, voir à diminuer les salaires, compte tenu du
mode de calcul retenu pour évaluer la hausse des prix, sans oublier la hausse
des cotisations sociales et la création par Rocard de la CSG...
A partir du moment où le
gouvernement de front populaire, auquel étaient inféodés tous les appareils des
syndicats, mais aussi tous les partis se réclamant du mouvement ouvrier, y
compris le PCI (ancêtre du PT), décidait de se défendre ouvertement et
définitivement (pour ceux qui en doutaient encore) les intérêts du patronat, la
plus élémentaire revendication salariale posait directement la question du
gouvernement, du pouvoir, du régime, et venait se heurter frontalement aux
appareils qui soutenaient le gouvernement de front populaire.
Dans ces conditions, à quoi bon se
syndiquer si on ne peut plus rien obtenir, si pour arriver à soutirer trois
sous à un patron, il faut en plus se battre contre le délégué syndical, le
gouvernement qu'on vient d'élire. Ajoutez-y les lois Auroux de 1982 qui
rendront les licenciements plus faciles pour les patrons, et on peut comprendre
les hésitations des travailleurs du privé à se syndiquer.
La réflexion des fonctionnaires a
dû être sensiblement la même, à ceci près, qu'ils étaient protégés contre un
licenciement.
Résultats : Les deux législatures
de Mitterrand ont été marquées par une diminution importante du nombre de
conflits sociaux et de grèves... et de syndiqués, pendant que la Bourse de
Paris flambait et que les riches s'enrichissaient toujours plus !
Revenons à notre question initiale
pour essayer de voir si nous sommes désormais en mesure d'y répondre : qui
avaient des illusions dans qui ?
Du côté des syndiqués, s'ils
avaient des illusions dans le gouvernement de front populaire, dans les
appareils, ils les auront perdues
rapidement, en réalité, cela ne changera
en rien le comportement qu'ils avaient avant le 10 mai 81, ils
s'adapteront assez facilement au nouveau statut du réformisme virant au
corporatisme.
Du côté des travailleurs, face à
une situation qu'ils ne comprennent pas, leurs illusions seront plus longues à
se diluer. Il faudra attendre le 21 avril 2002 pour qu'ils rejettent l'ensemble
des partis institutionnels, puis le 29 mai 2005 où ils imposeront une défaite
magistrale au front unique des appareils réactionnaires.
Maintenant, peut-on encore parler
d'illusions ?
La seule illusion tenace que les
travailleurs peuvent encore avoir en tête, c'est qu'il est impossible de
liquider le vieux monde pourri capitaliste. Cette illusion n'est pas forcément
liée à l'idée qu'ils se font des partis traditionnels du mouvement ouvrier et
des appareils des syndicats, puisque c'est une affaire entendue, elle est le
produit de la crise de la direction du prolétariat que nous n'avons pas été
capables de résoudre en construisant un parti révolutionnaire et une
Internationale ouvrière.
L'existence de ces illusions est
donc directement de la responsabilité des dirigeants du PCI qui incarnaient la
continuité du combat engagé par Trotsky et qu'ils ont trahis en capitulant
devant le gouvernement de front populaire, puis en liquidant tout simplement le
PCI qui constituait la base d'un véritable parti révolutionnaire en France.
Dans une certaine mesure, on peut affirmer, que la situation sociale et
politique dramatiques que nous connaissons aujourd'hui est le produit de cette
trahison, elle est à mettre au compte de Lambert et Gluckstein, et pas
seulement à celui du PS, du PCF, de la LCR et de LO.
4- « La classe ouvrière
n'est rien sans ses organisations. » Justement, les organisations que
la classe ouvrière avait construites sont passées du côté de la bourgeoisie, on
pourrait ajouter, définitivement, car après plus de 70 ans de trahisons sans
relâche, on devrait plutôt dire que la classe ouvrière n’a plus vraiment
d’organisations, ce qui explique notamment les recules successifs et importants
que nous vivons au niveau économique sociale et politique.
Les organisations de la classe
ouvrière ont été détournées de leur objectif, dénaturées, confisquées par les
réformistes et les staliniens qui en ont fait uniquement des organes de
collaboration de classe débouchant ouvertement aujourd’hui sur le corporatisme.
Devrait-on le cacher aux travailleurs ?
5- « On n'a jamais sombré
dans l'illusion que le PS pouvait rompre avec le capital », alors
pourquoi avoir expliqué en 1983 que le gouvernement était « à la
croisée des chemins », comme s’il était capable de rompre avec le
capitalisme, si l’on savait très bien qu’il ne romprait jamais avec lui ?
Là en l’occurrence, il ne s’agit pas des illusions des travailleurs, mais des
illusions colportées par les dirigeants du PCI qui dirigent aujourd’hui le PT.
6- « Et cela a été un coup
porté » à la Ve République. À force d’entendre ce refrain depuis 1958,
que la Ve République est en crise, qu’on lui a porté un coup, etc., on ne peut
que s’étonner qu’elle n’ait pas encore disparu ! Il aurait mieux valu
mettre l’accent sur l’expérience qu’avaient faite les masses du PS et du PCF au
pouvoir pendant 12 ans, c’est sans aucun doute plus intéressant comme question
à analyser que de savoir si cela a contribué à la construction du PT.
D’ailleurs, il ne faut pas manquer d’air pour oser avancer un tel argument,
lorsque l’on sait que le PT s’est construit à la suite de la liquidation du PCI
en tant que parti révolutionnaire. En 1981, nous recrutions à tour de bras,
nous étions plus de 5 000 militants. En 2006, donc 25 ans plus tard, en tenant
compte des adhérents, le PT ne compte pas plus de militants. Donc on ne peut
pas dire que la liquidation du PCI au profit du PT ait été un franc succès,
mais plutôt un échec.
7- « On a donc bien
contribuer à démasquer les appareils traîtres. » Cela reste à prouver,
en dehors de l’appel à chasser Giscard. Et après ? Rien. Il aura fallu plus
de 20 ans aux travailleurs de ce pays pour refuser d’accorder leur confiance
aux partis traditionnels du mouvement ouvrier, pour rejeter leur politique, à
croire que « démasquer les appareils traîtres » ne suffisait
manifestement pas aux travailleurs pour se détourner du PS et du PCF,
fallait-il encore qu’on leur propose une perspective politique qu’ils puissent
se saisir, ce que le PT a été totalement incapable de faire.
8- « cette ligne s'incarne
aujourd'hui sur la rupture avec Bruxelles » Quant à postuler que la
question du pouvoir ne peut pas se poser autrement qu’en avançant le mot
d’ordre de rupture avec Bruxelles, c’est un tour de passe-passe qui renvoie en
réalité cette question aux calendes grecques. C’est une façon comme une autre
de refuser de la poser et de renvoyer la bourgeoise et les travailleurs dos à
dos. C’est facile de le prouver.
A aucun moment Lénine n’a cessé de
poser la question du pouvoir, avant même l’existence du parti bolchevik, quand
on lui demandait pour quoi il combattait, il répondait invariablement pour
prendre le pouvoir, nous allons construire un parti révolutionnaire qui va nous
permettre de prendre le pouvoir. A aucun moment il ne s’est détourné du combat
pour abattre le tsar et l’autocratie au pouvoir en Russie. A chaque étape de la
lutte des classes, il a toujours trouvé la tactique et les mots d’ordre qui
permettaient d’orienter le combat des masses contre le pouvoir en place, y
compris pendant la première guerre mondiale.
La différence essentielle qui
existe entre Lénine et les dirigeants du PT, réside dans le fait que Lénine a
toujours cru en la victoire des masses et de son parti, qu’il a toujours été
guidé par cet objectif, alors que les dirigeants du PT ont cessé d’y croire le
lendemain du 10 mai 81, s’ils y ont cru un jour, je n’en sais rien après tout.
La tactique et les mots d’ordre de
Lénine étaient ajustés en fonction de cet objectif, la prise du pouvoir.
C’était peut-être une obsession chez Lénine, mais au moins, elle lui a permis
de vaincre, alors que le PT l’a abandonné depuis longtemps.
La question du pouvoir n’est pas
une question théorique, c’est un objectif stratégique qui doit nous permettre
d’avancer vers le socialisme. La tactique est subordonnée à la stratégie. Poser
la question de la rupture avec l’Union européenne sans poser la question de la
révolution prolétarienne nécessaire pour renverser le régime en place, c’est
nous faire croire que la rupture avec l’UE pourrait intervenir sans cette
condition préalable, en d’autres termes, il se trouverait des âmes charitables
pour le faire à la place du prolétariat, donc dans le cadre du régime
capitaliste. On pourrait tenir le même raisonnement sur le mot d’ordre de
l’Assemblée constituante souveraine.
La question de la rupture avec
Bruxelles telle que la pose le PT est liée à la défense de la nation, de la
République une et indivisible. En Bolivie, pour soutenir l’application du
décret pris par Evo Morales sur la nationalisation des hydrocarbures, le PT
entonne là aussi le refrain de la défense de la nation contre le Mercosul.
Question : s’agit-il d’un mot d’ordre purement nationaliste et
réactionnaire ?
Pourquoi ne pas mettre en avant le
mot d’ordre des États unis socialistes d’Europe ? Pourquoi ne pas mettre
en avant le mot d’ordre des États unis socialistes d’Amérique du Sud et
d’Amérique Latine ? En opposition à celui de l’Union européenne et du
Mercosul ? Sur la base de la rupture avec le capitalisme, ce qui
permettrait d’envisager la rupture immédiate avec toutes les institutions capitalistes
internationales, avec l’impérialisme américain.
Posons la même question
autrement : la meilleure façon de défendre la nation ne serait-il pas
d’engager le combat pour en prendre la direction, donc en posant la question du
pouvoir, dans la perspective de la rupture avec le capitalisme ? Le PT ne
combat pas pour prendre le pouvoir, voilà le fin mot de l’histoire, c’est un
parti ouvrier-bourgeois, ce n’est pas un parti révolutionnaire.
La question du front unique se
décline sous des angles différents. Nous ne sommes plus dans les conditions
politiques du début du XXe siècle ou d’après-guerre, le mouvement ouvrier est
éclaté, disloqué, les partis traditionnels du mouvement ouvrier ont perdu la
confiance des masses et ils ont cédé la place en majeure partie à une multitude
d’organisations dont certaines prétendent se situer sur le terrain de la lutte
de classe, alors que la plupart se situent sur le terrain de la collaboration
de classe, sans l’avouer directement.
Pour combattre le système
capitalisme qui se survit au-delà de toute prévision, ce qui se traduit par la
remise en cause de toutes nos conquêtes sociales et démocratiques, le
prolétariat et sa jeunesse s’engagent de plus en plus dans des organisations
constituées autour d’une seule revendication : logement, handicapés,
immigration, chômage, etc.
Bien entendu, la nature et le
contenu du programme de ces organisations est la plupart du temps utopique ou
réactionnaire, dans la mesure où leurs revendications ne sont pas reliées à la
question du pouvoir et du régime qui est la cause du mal et des souffrances
qu’ils combattent. Les travailleurs et les jeunes qui les rejoignent n’en ont
pas conscience, évidemment, d’où la nécessité de les rencontrer pour les aider
à en prendre conscience.
On peut admettre que les
agressions répétées, d’une ampleur et d’une gravité sans précédent de la
bourgeoisie contre le prolétariat et sa jeunesse, ne laisse pas d’autre choix
que de tenter par tous les moyens de réaliser l’unité de toutes les
organisations existantes pour s’y opposer, sans pour autant renier le programme
de la révolution prolétarienne. Il ne peut s’agir que d’un front unique
ponctuel, de circonstance, sur une revendication claire et précise.
On pourrait ainsi aborder la
question du front unique qui regroupe ponctuellement des dizaines ou des
centaines de partis, organisations, groupes, comités et associations, comme
c’est le cas actuellement contre la nouvelle loi scélérate sur l’immigration
(CEDESA) de Sarkozy. Faut-il ou non y participer ?
Le mouvement engagé contre cette
loi, par exemple, regroupe aujourd’hui 740 partis, organisations, associations,
etc. On y trouve de tout, c’est un fait. On y trouve le meilleur et le pire.
Tous les partis du mouvement ouvrier y sont représentés, sauf le MRC et le PT,
tous les syndicats y sont présents, sauf Force ouvrière, une simple coïncidence
sans doute ! Le collectif qui a été créé à cette occasion, organise des
réunions, des meetings, des manifestations diverses.
Maintenant, il faut distinguer
entre l’orientation qui est donnée à ce collectif par ses initiateurs, et celle
que les travailleurs et jeunes
entendent y donner, les deux ne se recoupant pas obligatoirement, pour ne pas
dire qu’elles peuvent même être contradictoires le plus souvent.
Singulièrement ou paradoxalement,
nos farouches partisans du front unique, je veux parler du PT, n’en font pas
partie. Si on prend leur propre définition du front unique à la lettre, leur
défection a pour conséquence d’abandonner les travailleurs et jeunes aux
appareils qui font partie de ce collectif, alors que le PT prétend par
ailleurs, que le front unique a justement comme fonction de lutter contre les
appareils. Dès lors, comprenne qui pourra, une contradiction de plus.
Les dirigeants du PT confondent
tout consciemment. Sous prétexte que ce front unique, appelons-le comme cela, a
une orientation qui ne leur plaît pas, certainement à juste titre, nous sommes
d’accord sur ce point, ils préfèrent laisser les masses aux prises avec les
appareils. C’est une façon comme une autre de capituler devant les appareils,
il faut dire les choses comme elles sont.
D’autant plus que si l’on compare
le nombre de travailleurs et de jeunes que le PT est capable d’organiser par
rapport à ce genre de collectif qui regroupe des centaines d’organisations et
des dizaines de milliers de travailleurs et jeunes dans toute la France, on est
en droit de dire que le PT déserte sciemment le combat pour amener ces
travailleurs et jeunes sur le terrain de la lutte de classe et du marxisme.
La question n’est pas de savoir si
l’ont peut modifier l’orientation de ce collectif, si c’est possible tant
mieux, mais ce n’est pas la question essentielle, à moins de se faire des
illusions, l’essentiel réside dans les discussions que l’on pourrait avoir avec
ces travailleurs et jeunes, dans la perspective politique que l’on pourrait
leur proposer et qu’aucun participant à ce collectif ne pose.
Par cette attitude, en refusant de
participer à ce genre de collectif qui regroupe des dizaines, des centaines de
milliers de travailleurs et jeunes à travers toute la France, le PT, mais il
n’est pas le seul dans ce cas là, se coupe volontairement des masses, là où
elles sont et veulent agir, il refuse la discussion et se réfugie délibérément
dans l’isolement, ce que certains appellent le « sectarisme ».
Les dirigeants du PT se plaignent que certains les traitent de « sectaires »,
mais ils en sont les principaux artisans, comme on vient de le voir.
Pourquoi le PT adopte-t-il cette position d’isolement ? Parce qu’il ne se situe pas dans la perspective de la construction d’un parti, encore moins d’un parti révolutionnaire, comme je l’ai déjà dit, en voilà une nouvelle preuve. Les dirigeants PT ne veulent pas construire un parti d’ouvriers et d’employés, ils veulent regrouper uniquement la fraction du prolétariat la mieux nanti et la plus corrompue par le capitalisme, ce qui va du fonctionnaire, syndiqué de préférence, aux professions libérales, à la petite-bourgeoise en passant par des élus. Ils veulent recruter des militants dans une couche restreinte du prolétariat, celle qui n’a aucun intérêt immédiat à remettre en cause les fondements de l’ordre bourgeois. Or dans ces collectifs, on retrouve pêle-mêle toutes les couches du prolétariat, de la jeunesse et une partie de la petite-bourgeoisie, donc les dirigeants du PT préfèrent l’ignorer ou dénoncer les intentions de ceux qui y participent.
Nous ne faisons pas un procès d’intention au PT, nous essayons de comprendre ce qui se cache derrière la panacée du front unique qui ne serait valable au bout du compte, que lorsque le PT en est l’initiateur. En voici une preuve.
Prenons un seul exemple. Dans le n°641 d’Informations ouvrières, on pouvait lire dans un article intitulé Décentralisation : l’œuvre destructrice de "gauche" et de droite : « la loi Chevènement du 12 juillet 1999, instaurant les "communautés d'agglomération" pour confisquer l'essentiel des prérogatives et des revenus des communes… ».
Question : comment le PT peut-il prétendre aujourd’hui lutter contre l’intercommunalité forcée et ses conséquences en étant associé au sein du Comité pour la reconquête de la démocratie avec le MRC de Jean-Pierre Chevènement qui est à l’origine d’une loi favorisant l’intercommunalité forcée ? N’est-il pas légitime, en tant que militant ouvrier, de poser cette question ?
Que le MRC ait des positions proches ou similaires au PT qui soient correctes, c’est une chose qu’on peut admettre, que le MRC ait des positions réactionnaires sur un certain nombre de sujet, c’est l’évidence même, que le PT ne peut pas feindre d’ignorer, en est une autre. Cela n’empêche ni l’un ni l’autre de travailler ensemble au sein du Comité pour la reconquête de la démocratie. Alors pourquoi serait-il impossible de suivre la même démarche unitaire, par exemple avec le collectif contre la loi Sarkozy sur l’immigration ? Parce que le PT n’en est pas l’initiateur ? C’est un faux argument chacun l’aura bien compris.
Après cela, le PT ose proclamer dans son hebdomadaire : « nous avons œuvré à la victoire du non le 29 mai 2005 », marginalisé, censuré, totalement isolé, dans l’indifférence quasi générale, coupé des masses, totalement inconnu encore de la majorité des travailleurs et jeunes et de l’ensemble des partis, organisations, comités, groupes et associations que comptent ce pays, cette autosatisfaction ne peut avoir de prise que sur les militants du PT qui sont aveuglés par les déclarations péremptoires de leur parti.
Concluons provisoirement sous forme de constat et de propositions, car c’est un sujet sur lequel nous aurons l’occasion de revenir.
Les travailleurs n’ont plus confiance dans les partis traditionnels du mouvement ouvrier.
Le PS est devenu un parti bourgeois, ses dirigeants le disent eux-mêmes (F. Hollande).
Le PCF a abandonné le combat pour la dictature du prolétariat, le combat pour que la classe ouvrière, les travailleurs deviennent la classe dominante, il a donc abdiquer définitivement devant la bourgeoisie (on pourrait le démontrer autrement).
LE PT, la LCR et LO n’ont aucune crédibilité au près des masses, ils ont été incapables de construire un parti révolutionnaire en un demi-siècle, disons les choses franchement, ce n’est plus leur objectif depuis qu’ils ont abandonné le programme et le combat pour la révolution prolétarienne et le socialisme. Chacun défend désormais les intérêts de son propre appareil pour ne pas disparaître.
Tous les syndicats sont dirigés et contrôlés par des bureaucrates réformistes ou staliniens issus des partis et organisations du mouvement ouvrier.
Le syndicalisme en France qui ne représente plus qu’une fraction infime des travailleurs se réduit désormais aux couches les mieux nantis du prolétariat qui défendent uniquement leurs intérêts catégoriels et leurs statuts. Loin de représenter la couche la plus consciente du prolétariat, elle en est le plus souvent la plus conservatrice, sous couvert du réformisme, d’où la reconduction quasi automatique des directions sortantes à chaque congrès depuis des lustres.
A côté, on trouve une myriade de groupes, comités, collectifs en tout genre qui regroupent des militants et ex-militants socialistes, communistes, trotskystes, anarchistes.
Il n’existe aucun parti ou organisation révolutionnaire en France.
Chaque fois que les travailleurs ont voulu s’opposer à une contre-réforme, soit ils ont dû faire face à la division des organisations et des partis pour les empêcher de se mobiliser en masse, soit ils se sont retrouvés face un front unique des appareils qui a finalement conduit leur mouvement dans une impasse, à un échec, parfois agrémenté d’un succès partiel et provisoire comme avec le CPE, en leur interdisant de poser la question du pouvoir et du régime en place.
Chaque fois que l’unité a été réalisée, ce fut pour mieux soutenir le gouvernement et le régime, pour empêcher la grève générale, pour interdire aux masses une issue politique, et cela depuis plus de 70 ans.
On peut en déduire et en conclure qu’une initiative qui partirait d’un de ces partis ou d’un front unique de ces partis ne pourrait aboutir à une issue politique favorable aux travailleurs. Le même constat s’impose vis-à-vis des syndicats inféodés à ces partis et au système capitaliste.
Alors que peut-on faire pour remédier à cette situation ?
La construction de nouveaux syndicats s’est avérée être un échec, à l’exemple de SUD.
La construction d’un véritable parti révolutionnaire s’impose, mais doit faire face à des conflits d’intérêts personnels qui n’ont rien à voir avec le marxisme, son programme et ses objectifs. Les idées dominantes étant les idées de la classe dominante, la pression de la bourgeoisie se traduit dans la pratique par l’adoption d’un comportement et d’un mode de penser individualiste petit-bourgeois, reléguant l’idéal du socialisme au second plan. Chacun semble détenir la vérité que personne d’autre ne pourrait partager, d’où l’impossibilité d’aller de l’avant. En guise de discussion, nous assistons à un monologue. L’expression consciente du mouvement inconscient a cédé la place à l’inconscience tout court.
Quant aux travailleurs et aux jeunes, ils sont littéralement abandonnés à leur propre sort, livrés aux caprices du capitalisme, aux conséquences désastreuses que produit la survie du capitalisme : concurrence et compétition accrue entre travailleurs, individualisme exacerbé se traduisant par la violence aveugle, l’alcoolisme, la drogue, recherche de solutions individuelles pour s’en sortir à tout prix au détriment des intérêts collectifs ce qui se traduit par le laisser-aller face aux privatisations, à la liquidation des services publics, chute brutale dans le lumpenprolétariat, le désespoir…
Bien que les travailleurs et jeunes tentent de résister courageusement à cette agression barbare du capitalisme, ils peinent à trouver une issue en l’absence d’un parti pour les guider, d’un parti révolutionnaire.
On en peut concevoir la satisfaction de nos revendications élémentaires dans le cadre des institutions antidémocratiques de la Ve République, du capitalisme.
On ne peut concevoir la fin des institutions bonapartistes de la Ve République, la fin du régime capitaliste, sans révolution sociale.
On ne peut concevoir de révolution sociale victorieuse sans parti révolutionnaire.
On ne peut concevoir de parti révolutionnaire sans un retour aux enseignements de la lutte des classes, sans un retour au matérialisme dialectique et historique, au marxisme.
Constatant l’absence actuellement de toutes ces conditions, que peut-on faire ?
Je donne la parole à tous les militants, cadres et dirigeants des partis, organisations et groupes de militants pour qu’ils tentent d’apporter une réponse à cette question.
Sans réponse dans un délai rapide, il est évident que c’est la barbarie qui l’emportera. A chacun ses responsabilités.
A mon niveau, je ne peux pas aller plus loin. Je combats les illusions, j’essaie de faire preuve de lucidité, d’être impartial dans mes analyses, je ne peux franchement pas faire davantage.
Tardieu Jean-Claude
Le 11 juin 2006