Table des Matières
Edité par le

Comité national pour la réintégration des exclus dans le PCI et pour

son redressement politique et organisationnel

¬

Contribution de Stéphane JUST
à la discussion sur :
COMMENT LE RÉVISIONNISME
S’EST EMPARÉ
DE LA DIRECTION DU P.C.I.

- 27 août 1984 -
¬

COMBATTRE POUR

LE SOCIALISME

" On ne peut aller de l’avant si l’on craint d’aller au socialisme " (Lénine)

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

Table des Matières
INTRODUCTION

----------------------

La constatation est amère mais il faut la faire : l'orientation que la direction du P.C.I. imprime à l'organisation, d'oscillante et opportuniste, est devenue révisionniste. " La ligne de la démocratie ", " des réformes nécessaires " a été substituée à celle : " on ne peut rien résoudre si on craint de s'engager sur la voie qui mène au socialisme ". " Le programme de la démocratie " comprenant un certain nombre de revendications, remplace la définition d'un programme d'action anti-capitaliste sur l'axe du gouvernement ouvrier et paysan.

A la place d'une politique visant à aider les masses, à se mobiliser, à s’organiser et à combattre sur leur propre plan, des suppliques sont adressées aux directions du P.S. et du P.C.F., aux députés de ces partis à l'Assemblée Nationale. Marc Gauquelin, qu'au 27ème Congrès Lambert a désigné comme son gentil dauphin à la direction du P.C.I., devenu spécialiste des éditoriaux d'"Informations ouvrières" ne cesse d'écrire :

" Ou bien les députés P.S. et P.C.F. acceptent, chaque député P.S. ou P.C.F. accepte de céder...

" Ou bien les groupes parlementaires du P.S. et du P.C.F. assument leurs responsabilités. "

Des millions de travailleurs, au cours de ces trois dernières années, ont appris à leurs dépens que les députés du P.S. et du P.C.F. ont pris " la responsabilité " de couvrir la politique du gouvernement de l'union de la gauche première mouture, politique de défense des intérêts du capital, alors qu'ils les ont élus pour défendre ceux de la classe ouvrière et de là population laborieuse. Ils savent que les députés du P.S. couvrent la politique du gouvernement de l'union de la gauche seconde mouture et que ceux du P.C.F., s'ils ne participent pas au nouveau gouvernement, manœuvrent entre le soutien " conditionnel " et " l’opposition ", sans ouvrir de perspective politique gouvernementale. Les travailleurs se demandent : comment dicter à ces députés qu’ils ont élus leur volonté ? A cette question il n'est qu'une réponse : aller à un million et plus à l'Assemblée nationale leur signifier cette volonté.

Main le gentil dauphin désigné continue à écrire : " ou bien ... ou bien ". Ses dernières réflexions l'ont cependant amené à une conclusion qui le situe à l’avant-garde du prolétariat : " Tant va la cruche à l’eau.. " (édito de " I.O. " n°1173). Bergeron doit en frémir dans son fauteuil, lui qui n'a cessé de mettre en garde le gouvernement Mitterrand-Mauroy-Fitermann-Crépeau hier, le gouvernement de l'ectoplasme de Mitterrand, Fabius, aujourd'hui : " attention, appliquez plus modérément votre politique, vous risquez l'explosion ".

Le développement des oscillations politiques, des tendances au révisionnisme s’est accompagné d'une politique de construction d'un parti trotskyste à bon marché. Mille et un plans tous plus miraculeux les uns que les autres devaient permettre que surgisse " le parti des 10 000 ". " Le grand bond en avant " était assuré. Il suffisait d'affadir la politique du P.C.I., de l'adapter à de prétendues " illusions des masses ", de n'exiger de ceux qui devaient être recrutés ni d'importantes cotisations, ni participation constante à leurs cellules, ni militantisme réel, de ne leur dispenser aucune formation, de ne les faire participera aucune vie politique réelle. Un corps toujours plus important de permanents animant une couche d'activistes se chargerait de faire de ce magma " le parti révolutionnaire ". La conception du recrutement dans le style " Fête de l'Humanité " pour construire " le parti révolutionnaire " a fait faillite. Son résultat ne pouvait être et n'a été qu'un " recrutement " bidon et une décomposition politique et organisationnelle du P.C.I.

Loin de revenir à une conception saine de la construction du P.C.I., de sa vie, de son intervention politique et de son fonctionnement, la direction du P.C.I. a, en même temps qu'elle impulsait une orientation ouvertement révisionniste, inventé une nouvelle panacée, elle a trouvé une nouvelle solution miracle : " la construction de sections pour un parti des travailleurs ".

Ce parti devrait être d'une originalité remarquable : mise à part " la démocratie ", il ne devrait pas avoir de programme. Ce n’est pas nouveau. Déjà en 1935, Pierre Frank et Molinier avaient ouvert une voie royale pour construire un parti révolutionnaire : la publication d'un " journal de masse ", " La Commune ", organe des " groupes d'action révolutionnaires " (G.A.R.). La brochure " Les enseignements de notre histoire " explique :

" Les GAR se fixaient pour tâche de construire le parti révolutionnaire sur la base de cinq mots d’ordre :

" 1°) Création de comités de travailleurs et de communes,

" 2°) Création de milices du peuple et armement des travailleurs,

" 3°) défaitisme révolutionnaire,

" 4°) Gouvernement des ouvriers et des paysans,

" 5°) Reconstruction du parti révolutionnaire ".

La brochure commente : " Le programme du parti révolutionnaire était littéralement avili, galvaudé dans une combine sans avenir. L’échec fut total. " (Page 18).

Léon Trotsky était plus net et tranchant. Il écrivait à propos des GAR et du journal " La Commune " : " C’est le devoir élémentaire d’une organisation révolutionnaire que de faire en sorte que son journal soit aussi accessible que possible aux masses. Cette tâche ne peut être effectivement résolue qu’en fonction de la croissance de l’organisation et de ses cadres qui doivent frayer le chemin du journal dans les masses puisque – cela va de soi – il ne suffit pas de baptiser une publication " journal de masse " pour que les masses l’acceptent dans la réalité. Mais très souvent l’impatience révolutionnaire – qui se transforme très facilement en impatience opportuniste – mène à cette conclusion que les masses n’affluent pas parce que nos idées sont trop compliquées et nos mots d'ordre trop avancés. Il faut donc simplifier notre programme, alléger nos mots d'ordre, bref jeter du lest. Au fond cela signifie que nos mots d'ordre doivent correspondre, non à la situation objective, non au rapport des classes analysé par la méthode marxiste, mais à des appréciations subjectives - très superficielles, très insuffisantes - de ce que les masses peuvent accepter au non. Mais quelle masse ? La masse n'est pas homogène. Elle se développe. Elle subit la pression des événements. Elle acceptera demain ce qu'elle n'accepte pas aujourd'hui. Nos cadres fraieront avec toujours plus de succès la voie pour nos idées et nos mots d'ordre qui se montrent justes parce qu'ils sont confirmés par les événements et non par des appréciations subjectives et personnelles. " (Léon Trotsky, Œuvres tome 7, page 174)

La direction du P.C.I. va plus loin que " La Commune " n'allait. Elle ne " simplifie " pas notre programme, elle ne " l’allège " pas, elle ne le réduit pas à quelques mots d'ordre, elle ne " I’avilit " pas : elle le supprime. Elle combat pour un " parti des travailleurs " sans programme.

Pour justifier cette démarche, la direction du P.C.I. utilise une médiocre astuce. Elle affirme : tout autre programme que celui de la IVe Internationale ne saurait être qu'un programme centriste, donc le P.T. ne doit pas avoir de programme car alors nous construirions une organisation centriste. Et qu'est-ce donc qu’un parti sans programme ? Ce n'est pas même une organisation centriste. Pire que ce que les partisans de " La Commune " prétendaient construire. La direction du P.C.I. poursuit : le P.C.I. combat pour un P.T. sans programme mais lui reste fidèle au programme de la IVe Internationale. En d'autres termes, le programme de la IVe Internationale est précieusement mis en réserve, les dirigeants du P.C.I. en sont les gardiens vigilants. Dans l'activité quotidienne les militants du P.C.I. doivent construire un P.T. sans programme (sinon celui de la démocratie). De temps à autre les dirigeants évoquent les saintes écritures. C'est pire encore que la conception réformiste du programme maximum et du programme minimum.

Le programme de transition " L'agonie du capitalisme et les tâches de la IVe Internationale " ce n'est pas cela. C'est une méthode et un ensemble de mots d'ordre pour la mobilisation des masses qui, partant de la situation actuelle, ouvre la voie à la révolution prolétarienne et à la lutte pour la prise du pouvoir par le prolétariat, pour qu'il institue sa dictature dans le cadre de la démocratie prolétarienne. Il doit trouver sa traduction en programme d'action, comme par exemple, celui que Léon Trotsky avait inspiré aux bolchéviques-léninistes français en 1934. Sur de telles bases alors la constitution d'un nouveau parti, plus large que ne l'est actuellement le P.C.I. peut devenir un objectif politique pour lequel l'organisation trotskyste peut combattre. Mais ce serait alors un parti qui s'affirmerait pour s'engager sur la voie qui mène au socialisme, pour la révolution prolétarienne et un gouvernement ouvrier-paysan, pour la prise du pouvoir par le prolétariat : un parti ouvrier révolutionnaire. Encore ce ne peut être envisagé que comme une transition vers l'adoption de la totalité du programme de la IVe Internationale qui d'ailleurs ne se limite pas au programme de transition.

La politique révisionniste adoptée par la direction du P.C.I. et qu'elle lui imprime ne peut s’accommoder d'une libre discussion à I’intérieur de l'organisation dans le respect des normes du centralisme démocratique. Un courant politique était en formation qui, selon toute probabilité, devait aboutir à la constitution d'une tendance combattant pour le redressement politique et organisationnel du P.C.I.. Une " affaire " a été montée : " l'affaire Mélusine ". Mélusine a été accusé d'avoir falsifié les positions que Joëlle Bony a prises, sous les directives de Lambert et de Dan, au Conseil municipal de Vénissieux. Le 28ème Congrès l'excluait du P.C.I.. Il déclarait que tout militant qui ne ratifierait pas cette exclusion se " mettrait de lui-même en dehors du parti ". Une véritable épuration préventive était réalisée à partir de cette provocation.

Provocation car Mélusine affirmait simplement : en votant pour un maire P.C.F. - Union de la gauche, en s'abstenant sur le budget, en s'associant à l'hommage rendu aux soldats français tombés au Liban, la camarade (ou plutôt la direction du P.C.I.) a violé le mandat pour lequel elle a été élue ; elle s'aligne derrière l'union de la gauche et même s’associe à une manifestation d'unité nationale. Les électeurs de Vénissieux ont démontré que c'était aussi leur opinion :

Les résultats des votes à Vénissieux :


  1983 1984
Inscrits 33 489 31 579
Votants 18 649 14 446
Abstentions 44,5% 55,5%
Listes F.Popul. 59% 51% "
Pertes en voix :   1 500
Partis bourgeois (Veil + Le Pen) : 39,9% 37,9%
Pertes en voix :   890
Petits partis   12%
Listes soutenues par le P.C.I. 6,13% 0,47%
Listes soutenues par le P.C.I. (voix) 1 096 67
Pertes en voix :   1 029

Mais " Informations Ouvrières " n°1097 du 18 mars 1983 se plaisait à souligner :

" Le résultat de la liste ouvrière d’unité prend toute sa signification lorsqu'on l'étudie dans les détails :

" Notre correspondant attire, en effet, notre attention sur les résultats obtenus dans les bureaux de vote des cités où, durant des mois, les militants du P.C.I. et des groupes politiques constitués à son initiative ont combattu pour le respect du mandat confié en 1981.

" Dans le quartier des Minguettes... La liste ouvrière d’unité recueille 8,8%.

" Mais l'étude bureau par bureau est encore plus révélatrice. Ainsi deux bureaux de vote correspondent à la rue de la Démocratie, dans laquelle un travail de regroupement a été organisé depuis des mois se traduisant, notamment, par des réunions contre les fermetures de classes, mais également contre les hausses des loyers et des charges. Dans le premier bureau la liste ouvrière d’unité recueille 11,2% des voix. Dans le deuxième bureau où était inscrite Joëlle Bony, institutrice, tête de liste ouvrière d'unité, la liste ouvrière d'unité obtient 19% des suffrages. Dans ces deux cas l'abstention s'élève respectivement à 71% et à 67%. "

Suivons la méthode d’ " I.O. " n°1097 du 18 mars 1983. Rue de la Démocratie en 1984, les deux bureaux ont été fusionnés. Les résultats de 1983 et 1984 sont :
 

  1983 1984
Inscrits 1 180 889
Votants 359 238
Listes soutenues par le P.C.I. 50 2

Or, Joëlle Bony est institutrice rue de la Démocratie. Le parti des travailleurs y est actif.

Le jugement des électeurs de Vénissieux est exactement le même que celui de Mélusine. Il restera au 29è congrès de décréter qu’ils falsifient. Quant à les exclure ce sera difficile. Ce sont eux qui laissent tomber le P.C.I.

L'évolution rapide de la direction du P.C.I.. de l’opportunisme au révisionnisme, l'abandon de la construction d'un parti ouvrier révolutionnaire au profit d'un " parti des travailleurs " politiquement indéfini, la provocation et l'épuration politique devenant moyens de direction du P.C.I., voilà qui surprend douloureusement des centaines et des centaines de militants. Certes une organisation révolutionnaire ne vit pas en vase clos. Elle est un instrument de combat mais aussi un enjeu de la lutte des classes. Elle est un produit de la société bourgeoise qu'elle combat. Loin d'être une oasis socialiste, elle est liée à la société bourgeoise qui l'enserre et pèse sur elle. Elle est et ne peut être que déchirée de contradictions. Mais ces explications générales ne suffisent pas : il faut s'efforcer d'analyser comment, pourquoi le P.C.I. est arrivé là où il en est. C'est indispensable pour poursuivre le combat pour la reconstruction de la IVe Internationale et la construction du parti ouvrier révolutionnaire en France.

Cette contribution tente d'établir une première analyse du comment et du pourquoi le P.C.I. est arrivé là où il est arrivé et de donner les premières réponses à " sur quelle ligne, comment poursuivre ? "

QUELQUES OSCILLATIONS ET TENDANCES OPPORTUNISTES

----------------------------------------------------------------------------------

Par rapport au M.N.A. autocritique de " Quelques enseignements de notre histoire "

Les lacunes et les faiblesses théoriques et politiques du P.C.I. ne datent pas d'aujourd'hui. L'alignement politique du P.C.I. derrière le M.N.A., et surtout derrière Messali Hadj, jusqu'à la prise du pouvoir de De Gaulle en 1958 est officiellement admise. Dans la brochure " Les enseignements de notre Histoire " une certaine " auto-critique " est faite de cette erreur. Les racines en seraient, selon cette " auto-critique " que la direction du P.C.I. n'aurait pas apprécié que :

" Le MNA qui n'était pas considéré par les trotskystes comme un parti de type bolchevique mais comme un parti dont le programme reprenait en partie les éléments du programme révolutionnaire devait, selon les vues trotskystes l'époque, à travers une série de mutations et crises internes sous la poussée de l'intervention marxiste, se transformer en un parti d'un tel type. L’erreur de méthode était complète.

" En effet, le MNA et avant lui le PPA, puis le MTLD n'étaient pas construits sur le programme de la IVe internationale et sur la méthode du marxisme. Le MNA, sorte de parti populiste d'extrême gauche ne pouvait devenir le creuset du parti révolutionnaire. Si radicales qu'aient été certaines positions du MNA, si correctes qu’aient été les appréciations comparées, portées par les trotskystes sur la politique du FLN et sur celle du MNA entre 1954 et 1958, il a été totalement faux d'abandonner la lutte au sein du MNA pour la sélection d'une avant-garde marxiste, d’une fraction trotskyste.

" Mais les racines théoriques de l’erreur sont à rechercher plus profondément. Elles se situent dans une inassimilation de la révolution permanente. En effet, dans un article publié au début de 1955, les perspectives de la révolution algérienne sont correctement établies. Mais la conclusion de l'article est totalement erronée. Caractérisant les forces sociales en présence, en relation avec l'extraordinaire faiblesse de la bourgeoisie algérienne (" musulmane ") il est fait état d'un " peuple classe " identifié au prolétariat.

" Si faible que soit la bourgeoisie algérienne, elle reste une force sociale dont la puissance est considérablement renforcée par l'appui de l'impérialisme mondial et de la bureaucratie stalinienne. Il n’existe pas, il n'a jamais existé de " peuple classe ". Il y a des classes : bourgeoisie et prolétariat. Le MNA, tout comme le FLN, ont représenté des formations petites bourgeoises dont le contenu bourgeois, donc incapable d'assumer les tâches de la révolution permanente, a été révélé, avec l'absence d'un parti ouvrier. " (édition 1970, page 98 et 99).

A distance au moins la critique semble insuffisante.

Le M.N.A. et les conceptions d'appareils

Le mode de fonctionnement du M.N.A. - un chef historique disposant d'un puissant appareil qui lui est étroitement subordonné - impressionnait Lambert. Lambert voyait dans Messali et ses rapports avec son appareil un exemple dont on devait tirer beaucoup pour la construction du parti révolutionnaire en France. Pour autant que la disproportion des forces à l'époque entre le MNA et le P.C.I. le permettait, Lambert s'efforçait d'établir des rapports de chef à chef, d'appareil à appareil. Etant donné la faiblesse du P.C.I., cela aboutissait à la subordination de celui-ci au MNA politiquement et organisationnellement sous prétexte d'aide à la révolution algérienne. Les militants du P.C.I. étaient transformés en " porteurs de valises ". La crise de la IVe a sans aucun doute porté un coup sensible au P.C.I. mais la politique de subordination étroite politiquement et organisationnellement du P.C.I. au MNA a contribué considérablement à l'affaiblir, à le réduire à 50 militants en 1958. D'autant plus que cette politique a fait faillite.

Les racines des " erreurs " par rapport au MNA c'était déjà l'opportunisme et une conception d'appareil, aussi bien en ce qui concerne le fonctionnement du parti révolutionnaire, qu'en ce qui concerne les rapports de celui-ci avec, les autres organisations. Ces racines n'ont jamais été extirpées.

A propos de la nature de classe de l'Etat cubain

Les erreurs d'analyse à propos du développement et des conséquences de la révolution cubaine et de la nature de l'Etat cubain relèvent également de l'opportunisme. Ces textes élaborés fin 1961-62 et votés par le C.C. me semblent avoir utilisé une méthode correcte et avoir permis d'aboutir à des conclusions alors justes. Je le dis avec d'autant plus d'aisance que je n'étais plus alors membre de l'organisation et que je ne suis pour rien dans l'élaboration de ces textes. Mais l'analyse a été bloquée en raison des rapports entre l'O.C.I. et la S.L.L. Celle-ci considérait qu'il n'y avait pas même de gouvernement ouvrier et paysan à Cuba. Dans ces conditions nous avons admis (moi comme les autres), ainsi qu'un postulat, que l'état reconstruit à Cuba était un état bourgeois. Lambert, peu soucieux de rigueur théorique et politique s'en tirait en inventant pour l'occasion la théorie d’un gouvernement ouvrier et paysan qui pouvait durer des dizaines d'années. A l'occasion il utilisait l'explication fumeuse d'un gouvernement ouvrier et paysan gérant un état ni ouvrier, ni bourgeois dont les exemples lointains auraient été les gouvernements jacobins de 1793-94.

" L'Etat cubain est un Etat bourgeois " a longtemps été un tabou dans le P.C.I.. Il ne restait alors pour ceux qui ne pouvaient accepter qu'un Gouvernement Ouvrier et Paysan dure pendant 20 ou 25 ans et qu'un Etat soit socialement asexué que de construire des " théories " inconsistantes et tarabiscotées pour justifier le postulat de " l'état bourgeois cubain ". C'est ce que pour ma part j'ai fait, notamment dans le tome II de " Défense du trotskysme " jusqu'au jour où j'ai expliqué qu'à mon sens il était finalement insoutenable de prétendre que l’état cubain était un état bourgeois et que j'ai proposé au B.P. d'écrire un article qui reprendrait la discussion et dirait nettement et clairement que l'état cubain est un état ouvrier bureaucratique. Le B.P. m'a autorisé à écrire cet article, tout en m’en laissant la responsabilité (voir " La Vérité N°588 "). Mais jamais la discussion n'a été réouverte. Aucune résolution n'a jusqu’à maintenant corrigé cette importante erreur théorique et politique.

Mai-Juin 1968 : la grève générale et la question du Gouvernement

En mai-juin 1968 notre politique n'a pas été sans faiblesse. La grève générale, spontanément réalisée, mettait au centre de tout la question du gouvernement, la question du pouvoir. Dès la manifestation du 13 Mai les masses l'ont exprimé mais de façon négative en lançant le mot d'ordre : " De Gaulle, dix ans ça suffit ". Dans notre organisation, avant la grève générale nous n'avons pas ouvert la perspective d'un gouvernement, le gouvernement P.S.-P.C.F. sans ministre capitaliste visant à mettre fin à la Ve République. Pendant la grève générale, nous avons, à juste titre, mis en avant le mot d'ordre de la constitution d'un Comité Central de la grève générale. Nous n'avons pas répondu à la question du gouvernement. Nous n'avons pas adressé aux dirigeants du P.S. et du P.C.F. la revendication : réalisez l'unité afin de combattre ensemble pour un Gouvernement de vos partis ne comprenant pas de ministres représentant des organisations et partis bourgeois. Dés lors, que nous le voulions ou non, notre politique avait un caractère trade-unioniste. Nous versions dans l'illusion que la grève générale " organisée " par le C.C. de grève se suffirait à elle-même. De plus, nous n'avons pris aucune initiative réelle qui ouvre la voie à la réalisation de ce Comité central de la grève générale.

Aucune organisation révolutionnaire ne peut échapper aux oscillations et aux tendances opportunistes

Ces premières indications suffisent à montrer que les oscillations opportunistes de la politique du groupe auquel a été réduit le P.C.I. entre 1952 et 1968 (même si en 1966 l'O.C.I. était proclamée, elle restait encore un groupe) ont été souvent très fortes et importantes. De toute façon aucune organisation ne peut échapper à des oscillations et à de telles tendances. Recherchant les causes qui ont abouti à ce qu'aujourd'hui la direction du P.C.I. lui imprime une ligne révisionniste, celles qui ont conduit au fonctionnement bureaucratique, à l'arbitraire actuel, il nous faut souligner quelques-unes de ces oscillations essentielles et comment se sont manifestées, de façon plus ou moins accentuée, les tendances à l'opportunisme. Ce ne furent cependant que des oscillations et des tendances. Il était possible que, les circonstances aidant, elles s'affirment et qu'il se produise une transformation de quantité en qualité. C'était possible. C'était loin d'être certain, d'être écrit.

Une égratignure peut cependant amener la gangrène

Jusqu'à une date relativement récente, non sans égratignure qui pouvait S'infecter et provoquer la gangrène, non sans blessures plus profondes, l'orientation suivie, la politique développée, les positions prises se situaient sur le terrain du trotskysme, dans le cadre du programme et de sa méthode. Laissons les laudateurs de Lambert affirmer qu'à des détails près l'orientation a toujours, est toujours, sera toujours correcte. Laissons aux détracteurs de l'O.C.I. et du P.C.I. affirmer que de toute éternité l'O.C.I. était maudite et condamnée au pire, à toutes les déviations, à toutes les turpitudes.

DU P.C.I. AU GROUPE LAMBERT

---------------------------------------------

Du rôle de la personnalité en certaines circonstances

Trotsky rappelle l'importance du parti dans la lutte des classes, mais aussi de la direction du parti pour celui-ci et, en certaines circonstances, l'importance de certaines personnalités dans la vie du parti et dans la lutte des classes. Il écrit : " L'histoire est un processus de lutte de classes. Mais les classes ne pèsent pas de tout leur poids automatiquement, ni simultanément dans le processus de la lutte, les classes créent des organes différents qui jouent un rôle important et indépendant et sont sujets à des déformations. C'est cela qui nous permet également de comprendre le rôle des personnalités dans l'histoire. Il existe naturellement de grandes causes objectives et qui ont engendré le régime autocratique hitlérien, mais seuls des pédants et obtus professeurs de " déterminisme " pourraient nier aujourd'hui l’immense rôle historique qu’a joué Hitler lui-même. L’arrivée à Petrograd de Lénine, le 3 avril 1917, a fait prendre au parti bolchevique le tournant à temps et lui a permis de mener la révolution à la victoire. Nos sages pourraient dire que si Lénine était mort l'étranger au début de 1917 la révolution d'octobre aurait eu lieu "de la même façon". Mais ce n'est pas vrai. Lénine constituait l'un des éléments vivants du processus historique. Il incarnait l'expérience et la perspicacité de la section la plus active du prolétariat. Son apparition au bon moment dans l’arène de la révolution était nécessaire afin de mobiliser l'avant-garde et de lui offrir la possibilité de conquérir la classe ouvrière et les masses paysannes. Dans les moments cruciaux de tournant historique, la direction politique peut devenir un facteur aussi décisif que l’est celui du commandant en chef aux  moments  critiques de la guerre. L’histoire n'est pas un processus automatique. Autrement, pourquoi des dirigeants ? Pourquoi des partis ?  Pourquoi des programmes ? Pourquoi des luttes théoriques ?" ("Classe parti et direction: pourquoi le prolétariat espagnol a-t-il été vaincu (Question de théorie marxiste)" La révolution espagnole, Ed. de Minuit , pages 562 et 568).

En 1951, Pierre Lambert était déjà un " vieux " militant d'avant-guerre du P.C.I., membre du C.C. et du B.P. depuis une dizaine d'années, dirigeant de l'importante commission syndicale. Dirigeant important, il était néanmoins un dirigeant parmi d'autres. Au moment de l'exclusion de la section française de la IVe Internationale en 1952, la direction du P.C.I. se réduisit à quelques individus. Bleibtreu inspirateur et dirigeant de la lutte contre le pablisme dès 1951 et Pierre Lambert dirigeant la commission syndicale ont dirigé ensemble le P.C.I.. Garrive jouait également un rôle important. Renard, Bloch, Lequenne un rôle plus secondaire. Quant à moi, je n'avais pas d'expérience de direction d'une organisation trotskyste et mon rôle et mon poids politique étaient limités.

Les positions de Bleibtreu

Le P.C.I. à peine exclu de la IVe Internationale, Bleibtreu et quelques autres dirigeants du parti se sont mis à la recherche d'une solution miracle à la construction du parti révolutionnaire. Partant de l'exclusion d'un des principaux dirigeants du P.C.F., Marty, de sa résistance à l'appareil stalinien, et ensuite de la crise de la direction de la bureaucratie du Kremlin au cours de laquelle Beria, chef du NKVD fut éliminé et fusillé, Bleibtreu préconisait que les militants du P.C.I. s'engagent dans la construction de " Comités de redressement communiste ". L'investissement des militants du P.C.I. dans de tels " Comités de redressement communiste " artificiellement constitués amenait à la dissolution du P.C.I. Décidément, au moins de ce point de vue, la vie se répète. En 1948 les droitiers du P.C.I. découvraient la solution miracle de la construction du parti révolutionnaire dans ce magma politique que fut le R.D.R. En 1949-50, Pablo découvrait une autre solution miracle à la construction de la IVe Internationale par la conversion de Tito au trotskysme. Aujourd'hui c'est au tour de Lambert par la constitution de sections du P.T., parti qui ne doit pas avoir de programme, ni de délimitation précise, qui plus est, ne devrait jamais être constitué.

Bleibtreu exclu

En mars 1955, la minorité regroupée autour de Bleibtreu était exclue du P.C.I.. Lequenne, un des dirigeants de cette minorité, a écrit il y a quelques années une brochure intitulée " Continuité et discontinuité du Lambertisme ". Il arrange l'histoire à sa façon en présentant Bleibtreu comme étant alors l’incarnation du trotskysme. Mais il cite des extraits d’une résolution votée à l’unanimité moins la voix du représentant de la majorité du P.C.I. par le " Comité International de la IVe Internationale " constitué en novembre 1953 : "  c'est avec indignation que le C.I. a pris connaissance de la décision prise par le C.C. du P.C.I. le 21 mars d'exclure les camarades Bleibtreu, Lequenne et Fontanel, ceci d'autant plus que ses camarades ont démontré leur fermeté révolutionnaire et n'ont pas quitté le drapeau du parti au cours des interrogatoires de police " (Il s'agit d'interrogatoires menés par la police à propos d'articles parus dans " La Vérité " concernant la guerre d'Algérie). Lequenne poursuit : "Le C.I. rappelait ensuite à la direction du P.C.I. que le centralisme démocratique bien compris ne cherche pas à isoler et exclure la collaboration d'une minorité du parti, mais au contraire recherche à gagner les minorités à une collaboration et cherche constamment à réduire les frictions éventuelles avec les minorités. C'est précisément par un tel comportement qu'une organisation révolutionnaire démontre sa maturité et la conscience de ses responsabilités devant la classe ouvrière."

Je suis certain que l'orientation préconisée par Bleibtreu était liquidatrice. Je le suis moins que les méthodes et les moyens utilisés pour l'exclure lui et son courant ne justifiaient pas " l'indignation du C.I. ".

Lambert monopolise la direction

Le 14 Juillet 1955 Garrive se noyait dans la Marne. Le poids de Lambert dans la direction du P.C.I. devenait écrasant. En pratique il devenait à lui seul " la direction ". Il contrôlait tout. Les années suivantes le monopole de direction de Lambert s'est encore renforcé.

La subordination du P.C.I.du MNA l'épuise

La subordination politique du P.C.I. au M.N.A., la logistique que le P.C.I., organisation déjà extrêmement faible assumait, écrasaient toute vie politique réelle en son sein. Plus que jamais Lambert centralisait et monopolisait la direction. Les autres dirigeants n'étaient que ses adjoints.

Messali Hadj, et à sa suite le M.N.A., se sont déclarés ouverts à la politique algérienne de De Gaulle lorsque celui-ci l'a énoncée après avoir pris le pouvoir. Lambert, à moins de se liquider en tant que trotskyste, dut rompre. Bien sûr ce qui restait du P.C.I. adopta la nouvelle position de Lambert. Mais il ne restait qu'une cinquantaine de militants. C'est alors que Lambert fit une, croix sur le P.C.I..

Plus d'organisation trotskyste

Après que De Gaulle ait pris le pouvoir il n'y eut plus d'organisation trotskyste officielle. " La Vérité " est devenue " une revue trotskyste " : gérant Pierre Lambert. Rapidement Lambert a fait paraître chaque semaine une feuille ronéotypée " Informations ouvrières " : responsable Pierre Lambert. La société des " Presses Universitaires " : gérant Pierre Lambert. Le tout à l'avenant. Le groupe trotskyste n’avait plus d'existence et d'expression officielles. Il comptait peu de militants. Il était informe et faible politiquement. L'estimation politique était que l'avènement de la Ve République avait ouvert une période de recul de la classe ouvrière. En conséquence : le groupe trotskyste vivotait dans une semi-clandestinité.

Rupture du S.W.P.d’avec le C.I.

Le S.W.P. s’est toujours refusé à impulser la construction et la vie de la IVe Internationale. Il a fait du Comité International une instance fédérative et même seulement consultative. Bientôt le SWP et l'organisation argentine que Moreno dirigeait se sont engagés dans un cours politique qui a permis la réunification avec le S.I. en 1963 et la constitution du S.U. Le C.I. devenait un organisme où se rencontraient Lambert et Healy et où, au moins jusqu'à la préparation et la tenue de la IlIe Conférence du C.I. en 1966, ils négociaient entre eux des compromis au nom " de la IVe Internationale ", chacun d'eux restant maître de " son " organisation. La position dominante de Lambert au sein du groupe trotskyste français en a encore été renforcée. Aux yeux des trotskystes français il incarnait la continuité du trotskysme.

Le groupe Lambert

Les années 1955-1964 sont les années où se constitue " le groupe Lambert ". Lambert rassemble tout en sa personne pour le meilleur et pour le pire. Il fait absolument ce qu'il veut, quand il veut, comme il le veut. Il n'a qu'une règle, la sienne. Le groupe Lambert n'a aussi qu'une règle : celle de Lambert. En 1966, le groupe Lambert deviendra l'O.C.I. En 1982, le P.C.I. sera à nouveau proclamé. Mais les traits du groupe Lambert se perpétueront. La façon dont Lambert a fait fonctionner le groupe marquera de façon indélébile le groupe, l'O.C.I. et le P.C.I.. Lambert a toujours été prodigue en déclarations : " il faut cesser de fonctionner ainsi que le groupe Lambert ", " il faut fonctionner ainsi qu'une organisation, qu'un parti ". La réalité est tout à fait différente. Lambert a toujours considéré le groupe, l'O.C.I., le P.C.I. comme sa propriété privée et cela à tous égards, y compris financier. Cette situation a résulté des conditions qui ont surgi de la crise de la IVe Internationale, de la désagrégation de la direction du P.C.I. et du P.C.I. lui-même. Depuis Lambert est incontrôlé et incontrôlable. Tout dépend de lui. Tout tourne autour de lui. J'insiste à nouveau : il en a été ainsi et il en est toujours ainsi pour le meilleur et pour le pire.

Un apport considérable

Lambert n’a pu occuper la position qu'il a occupée qu'autant qu'il a été d'impulser politiquement le groupe et l'O.C.I., d'impulser leur construction en tant qu’organisations trotskystes, c’est-à-dire à partir du programme et de la méthode de la IVe Internationale, non sans distorsions, manques et faiblesses mais tout de même d'une manière générale. Les oscillations et tendances opportunistes ne doivent pas faire oublier ses apports considérables.

Pour s'en tenir seulement aux années 1958-1968 on peut citer :
 


LAMBERT : DU COMITE INTERNATIONAL AU CORQUI

---------------------------------------------------------------------------

La IIIe Conférence du C.I. " Le complot "

A ce propos il n'est pas sans intérêt de rappeler la IIIe Conférence du Comité International qui s’est tenue du 4 au 8 avril 1966 à Londres. C'est à la demande de l’O.C.I. et non sans difficulté que cette conférence a été convoquée et préparée. La. S.L.L. était alors l'organisation trotskyste la plus forte dans le monde. Elle prit en mains la préparation politique et matérielle de la Conférence. A cette occasion, la direction de la S.L.L. entendait affirmer son hégémonie sur le Comité International. Pour ce faire, Gerry Healy devait tenter de soumettre l'O.C.I. à sa loi. Par accord entre les membres du C.I., Lora, le groupe Robertson (groupe ayant rompu avec le SWP), " Voix ouvrière " avaient été invités à participer à la conférence. La S.L.L. n'envoya pas à Lora l'argent nécessaire à son voyage. Ainsi il était éliminé. Par contre Gerry Healy avait organisé un bloc entre la direction de la S.L.L., Robertson et " Voix ouvrière " ; il voulait les faire adhérer, les admettre membres du C.I. et contraindre l'O.C.I., en arguant de l'autorité de la Conférence et de l'ensemble de ses participants, à engager des pourparlers en vue d'une unification sans principe avec " Voix ouvrière ".

Une proposition de Lambert a déjoué ce " complot ".

Lambert propose : réaffirmation de la IV

Il proposa que dans une résolution la conférence et les organisations qui y participaient réaffirment : la fondation de la IVe en 1938 était juste et nécessaire ; la fidélité au programme de transition ; la continuité de la IVe Internationale a été assurée par le Comité International ; la tâche est de poursuivre le combat en continuant à assumer cette continuité. La S.L.L. ne pouvait repousser une telle résolution ou éviter de la voter sans se renier officiellement. Robertson, qui avait rompu avec le S.W.P. mais en remettant en cause la IVe Internationale et son programme, " Voix Ouvrière " qui s'est toujours prononcée contre la fondation de la IVe Internationale et a toujours rejeté son programme, ne pouvaient voter cette résolution.

Explosion du " bloc "

Le bloc explosait au cours d'une séance digne d'une scène de folie dans un asile d'aliénés. A vrai dire, l'attitude et les méthodes utilisées alors par Gerry Healy et la direction de la S.L.L. étaient véritablement scandaleuses. Sous un prétexte quelconque " l'invité " Robertson était expulsé manu militari du local de la S.L.L.. " Voix Ouvrière " quittait la conférence. Cependant le " bloc " avait des ramifications dans l'O.C.I.. Varga avait conclu un accord avec Healy et " V.O. ".

Lambert prétend que Broué en accord avec Varga participait également au complot.

Quoi qu'il en soit, la direction de la S.L.L. politiquement désemparée, adoptait l'ensemble des positions et l'orientation que l'O.C.I. avait défendues au cours de la conférence. En particulier elle admettait qu'assumer la continuité de la IVe Internationale ne consistait pas à affirmer purement et simplement " Le C.I. est la IVe Internationale " mais à combattre pour sa reconstruction. La conférence décidait " de préparer politiquement dans un délai d'un an et demi une conférence internationale dont l'objectif sera de rassembler toutes les organisations trotskystes combattant pour la IVe Internationale ".

Retour aux relations de chef à chef

Lambert revenait rapidement à un certain type de rapports fait de " compromis " et " d'accommodements " conclus entre Gerry Healy et lui. Le C.I. ne devint pas la force internationale impulsant la reconstruction de la IVe Internationale. La conférence projetée n'eut jamais lieu. Les années 1966-1971 ont été marquées par des crises entre la S.L.L. et l'O.C.I. A l'occasion de ces crises quelques textes étaient écrits. Mais il est arrivé à Lambert, qu'après avoir voté un texte qui mettait en cause la non-application par la S.L.L. de l'orientation définie à la 3è Conférence, de le faire taper tout en s’arrangeant pour qu'il ne soit jamais ronéoté et diffusé parce qu'au fond ce texte ne lui convenait pas. Chaque crise était suivie de nouveaux compromis et accommodements entre " leaders maximo ".

I.R.J. : Liège, Essen

Tout au plus y eut-il, au cours de ces années, quelques activités communes sur la ligne de la construction d’une internationale révolutionnaire de la jeunesse.

Les " Young Socialists " (organisation de jeunesse de la S.L.L.), le regroupement jeune rassemblé autour du journal " Révoltes " et le " Comité de Liaison des Etudiants révolutionnaires " que l'O.C.I. impulsait ont participé à la manifestation de Liège sous leurs propres drapeaux et en lançant leurs propres mots d'ordre. Cette manifestation eut lieu en 1967 à l'appel des Jeunes Gardes Socialistes belges que le S.U. impulsait. Les " Y.S. " ont également participé, mais faiblement au rassemblement international de la jeunesse que l'A.J.S. a organisé à Essen en Juillet 1971.

Eclatement du C.I.

En novembre 1971 le Comité International éclatait. A Essen, les " Y.S. " proposèrent un amendement à la résolution générale. On y lisait "  la jeunesse doit se consacrer avant tout à la tâche de développer la théorie marxiste ". A l'initiative de l'A.J.S. diplomatiquement cet amendement était renvoyé, par un vote en commission, à la discussion des instances de l " I.R.J. ". En octobre 1971, en réplique aux attaques de la direction de la S.L.L. contre la direction du P.O.R. bolivien, Lambert au nom de l'O.C.I., Balazs Nagy, au nom de la Ligue des socialistes révolutionnaires de Hongrie et du Comité d'organisation des communistes (trotskystes) de l'Europe de l'Est, Lora au nom du P.O.R. publiaient une déclaration. Ils affirmaient :

" Les trois délégations réunies à Paris considèrent que la discussion est légitime, tout autant entre les sections du C.I., qu'à l'intérieur des sections. Ils condamnent la méthode utilisée par la "Workers League" (Healistes desUSA)et la S.L.L. qui condamnent publiquement la section bolivienne du C.I. "

" C'est pour cette raison que les délégations de l'O.C.I. et du comité d'organisation des pays d'Europe de l'est sont d'accord avec la demande du camarade Lora que se réunisse une réunion plénière du C.I. pour discuter d'un rapport sur la révolution bolivienne et la reconstruction de la IVe internationale que la direction du P.O.R. a préparé – Le 12/10/1971 ".

Sous ma signature en tant que " secrétaire du C.I. " nous prenions la responsabilité de convoquer une réunion du C.I. à Paris. Se référant à Essen à la déclaration des trois, à la convocation d'une réunion du C.I.à Paris, la S.L.L. publiait à son tour une déclaration. Elle proclamait : " C'est une scission par rapport au C.I. et à sa politique. Une scission par une minorité ".

Elle convoquait " sa " réunion du C.I. qui se tenait le 5 novembre 1971.

Au cours de cette réunion l'O.C.I. et les organisations en accord avec elle étaient exclues du C.I.

Les raisons de l'explosion

Les raisons de l'explosion du C.I. sont principielles, stratégiques, programmatiques. L'O.C.I. défendait des positions, une orientation fidèles à la IVe internationale, à son programme. Pourtant, il n'est pas douteux que Lambert en traitant avec Healy de puissance à puissance, de chef à chef, chacun d'eux disposant, de moyens plus ou moins puissants, chacun d'eux ayant " son " organisation, se faisant des concessions réciproques mais aussi essayant de se manœuvrer, a perpétué un mode de fonctionnement du C.I. stérilisant. Il a, en pratique, aidé Healy à bloquer la vie politique au sein de la S.L.L., à empêcher toute clarification et finalement à organiser la rupture lorsque Gerry Healy a estimé que pour lui de nouveaux compromis, de nouveaux accommodements n'étaient plus intéressants ou possibles.

L'affaire Varga

L'affaire Varga est un nouvel exemple des conceptions de Lambert quant à la direction et au fonctionnement de l'organisation. Il a littéralement propulsé Varga dans l'O.C.I. et le C.I. Il l'a monté en épingle, promu rapidement au B.P. Il l'a même aidé à financer ses affaires personnelles.

Varga avait incontestablement des connaissances infiniment plus grandes que beaucoup de dirigeants du P.C.I. et de véritables capacités. Mais le système de direction de Lambert a permis à Varga de faire à peu près ce qu'il a voulu tant qu'il semblait être un de ses " fidèles " et que, malgré l'accroc de la IIIe Conférence du C.I., il semblait appliquer ses directives. C'est sans doute la raison de la violence extraordinaire dont Lambert a fait preuve contre Varga lorsqu'à la conférence internationale de Juillet 1972, il s'est aperçu que Varga le doublait et menait son propre jeu.

Rupture avec Lora

Lambert a procédé de la même façon par rapport à Lora qu'il a procédé par rapport à Healy. Il était juste d'apporter au P.O.R. et à Lora le maximum de soutien matériel dans la mesure où ils étaient victimes de la répression et que, de plus, les moyens dont ils disposaient, en raison de la pauvreté de la Bolivie, étaient très limités. Il n'était pas juste de traiter une fois de plus de puissance à puissance, de chef à chef et d'éviter de mener à fond les discussions politiques sur le Front Unique anti-impérialiste, la conception messianique du rôle du prolétariat bolivien et donc du POR que Lora avait, sur sa façon également autocratique de diriger le POR. Il est vrai que sur ce dernier point, Lambert, Healy, Lora pouvaient se donner la main. Le résultat ce fut une nouvelle rupture, Lora lâchant le Comité d'organisation pour la reconstruction de la IVe Internationale (constituée à la conférence de juillet 1972 à la suite de l'éclatement du C.I.) lorsque Politica Obrera fut exclue du CORQUI.

Lambert conforté personnellement

L'éclatement du C.I., la constitution du CORQUI, le départ de Lora du CORQUI, ont conforté encore plus la position de Lambert, son aura de chef historique au sein du CORQUI et de l'O.C.I.. Il paraissait être l'incarnation de la continuité de la IVe Internationale, le dépositaire de son programme. Dans le CORQUI, il était le seul dirigeant qui, par son ancienneté et ses états de service, pouvait face aux dirigeants du S.U. représenter cette continuité et " l'orthodoxie ".

DE 1968 à 1978 : MULTIPLES INITIATIVES
DE REGROUPEMENT POLITIQUE

-----------------------------------------------

Les années 1968-1978 sont les années où l'O.C.I. se construit et s’insère dans le mouvement ouvrier. L'O.C.I. prend de multiples initiatives politiques. Elle élabore de nombreux textes. La lecture de ces textes, le rappel de ces positions permet de se rendre compte de nombreuses équivoques et, en même temps que certains enseignements sont tirés qui sont enrichissants. Ainsi les fameuses thèses du 17è Congrès n'apportent pas grand chose en ce qui concerne l'analyse de la situation internationale, la crise conjointe de l'impérialisme, de la bureaucratie du Kremlin et des bureaucraties parasitaires. Des textes antérieurs contenaient déjà les développements qui y sont inclus. On peut même dire que la fameuse formule de " la période de l'imminence de la révolution " est une de celles dont Lambert est prodigue et qui sont généralement confuses. La " révolution est imminente " depuis la première guerre impérialiste. Elle est plus qu’imminente, elle a connu de multiples et nombreux développements. Si elle n'a pas été victorieuse à l'échelle mondiale jusqu'alors c'est en raison de la crise de la direction révolutionnaire. Une nouvelle période de la révolution s'est ouverte en 1968. Ce qui permet de la caractériser ainsi, c'est la conjonction de la révolution sociale et de la révolution politique et surtout la tendance objective du prolétariat " à se regrouper sur un nouvel axe " et par là-même, à chercher les voies d'une nouvelle internationale, de partis révolutionnaires. Sous bénéfice de relecture plus attentive, elles tirent néanmoins me semble-t-il correctement les enseignements de la grève générale de 1968. Par contre, le point V de la résolution du 18è Congrès, vu à la lumière des prises de position sur la " démocratie " ne laisse pas d'être équivoque. Les textes et articles polémiques qui ont été écrits contre les positions que la S.L.L. défendaient doivent être considérés comme des apports politiques et théoriques importants à l'action politique et à l'activité de construction de l'O.C.I. et de reconstruction de la IVe Internationale.

Défense et prise de direction de l’U.N.E.F.

La bataille en 1969-70-71 pour la défense de l'U.N.E.F. en tant qu'organisation syndicale a eu une énorme importance politique et des conséquences considérables. Cette bataille a sauvegardé les bases qui allaient permettre de mener le combat pour la reconstruction de l'U.N.E.F. et, ultérieurement, la constitution de l'U.N.E.F. indépendante et démocratique. Elle a abouti à une défaite des gauchistes qui voulaient détruire l'U.N.E.F. en la transformant en " mouvement politique de masse " et à une défaite des staliniens qui voulaient la dénaturer en l'enchaînant au char de " la participation ". Les staliniens ont alors perpétré la scission et créé l'U.N.E.F.-Renouveau qu'ils devaient plus tard rebaptiser " U.N.E.F.-Solidarité ". L'U.N.E.F. est évidemment une organisation indispensable pour Ies étudiants mais elle est aussi une position qui s'intègre au mouvement ouvrier. Les trotskystes sont devenus les dirigeants d'une organisation syndicale qui, par définition, a vocation à être une organisation de masse. Par là-même, ils ont été amenés à s'inscrire dans le mouvement syndical en général et à nouer des relations et des liens avec les directions des confédérations et avec celle de la F.E.N.

Il n'est pas possible d'énumérer, et encore bien moins de commenter toutes les interventions, les luttes, les campagnes politiques que l'O.C.I. a, menées au cours de des années. Qu'il suffise de rappeler :

Lambert au meeting du 22 mai 1969

La tenue, le 22 Mai 1969, d'un important meeting. Lambert y prononçait le principal discours. Il disait sans ambages : (Vérité N°544 - Juin 1969) :

" La lutte pour l'unité de la classe, pour le Front Unique est donc, par définition, une lutte contre la bourgeoisie et son Etat. Toute politique, tout mot d'ordre de caractère bourgeois conduit donc par définition à la division du front de classe. À la lumière de ces constatations tirées de l'expérience séculaire de la lutte de classes et du marxisme, il est possible de caractériser la politique actuelle des  partis ouvriers.

" La S.F.I.O. se prononce pour la démocratie bourgeoise, tout comme le P.C.F., car qu'est-ce donc que "la démocratie avancée" comme étape particulière vers le socialisme sinon une politique qui se situe dans le cadre bourgeois ?  De deux choses l'une : ou le P.C.F. combat pour le socialisme ou il se fixe comme objectif une "démocratie avancée", car celle-ci n'est pas le socialisme et les dirigeants du P.C.F. admettent eux-mêmes qu'elle est la forme politique d'une société où persiste la propriété privée des moyens de production."

Manifestement Pierre Lambert n'était pas sur la " ligne de la démocratie " et ne défendait pas " le programme de la démocratie ". Il déclarait fort justement " Toute politique, tout mot d'ordre de caractère bourgeois conduit donc également par définition à la division du front de classe ". Il faisait donc ressortir clairement que la " ligne de la démocratie bourgeoise " divise la classe ouvrière.

Elections 1973

Le 1er février 1970, à l'initiative de l'A.J.S., des milliers de jeunes se rassemblaient au Bourget.

En Juin 1970 se tenait le Congrès de l'Alliance Ouvrière - congrès ouvrier 452 délégués (1 pour 10), c est au moins ce qui était communique officiellement.

En février 1972 se tenait la Conférence nationale " pour le Gouvernement ouvrier et paysan " : 800 délégués représentaient 10 000 travailleurs et jeunes (Communiqué officiel).

Pour la première fois, si on excepte la candidature dans un seul secteur de 1967, en mars 1973 l'O.C.I. menait une campagne électorale. A ces élections législatives elle présentait 20 candidats. Les résultats électoraux furent plus que modestes. C'était inévitable. Mais ce fut malheureusement la seule fois où l'O.C.I. devait participer à des élections sous son drapeau et son programme. Il fallut attendre les élections municipales de 1983 pour que le P.C.I. soutienne des candidats mais il ne se présentait pas sous son propre drapeau en défendant son propre programme.

Assemblée nationale de délégués du 15-12-1974

Aux élections présidentielles de 1974 Giscard d'Estaing n'avait été élu contre Mitterrand que par 50,7% des suffrages exprimés à 49,3%. A la suite de quoi, l'O.C.I. appelait à la tenue d'une Assemblée Nationale de délégués élus dans les entreprises, les quartiers, les universités, les écoles. Elle se réunit le 15 décembre à Paris. Y participaient, selon les estimations officielles, " 878 délégués représentant 18 948 travailleurs et jeunes ". Ils votaient une adresse aux dirigeants du P.S. et du P.C.F. leur demandant de réaliser l'unité afin que " le Gouvernement Giscard-Chirac disparaisse ", " pour un Gouvernement P.S.-P.C.F. " que 80 000 travailleurs et jeunes signèrent. L'objectif de cette adresse était de préparer un rassemblement à Paris le 20 avril 1975. Il n’y a pas eu un mais trois rassemblements. Ils se tinrent à Paris, Lyon et Nantes le 27 avril qui, selon les indications officielles, groupèrent 13 000 participants. Notons que dans le tract de l'O.C.I. appelant au 27 avril on lit :

Tract de l'O.C.I. pour le 27 avril 1975

" La position de l'O.C.I. est nette et précise.

" Le gouvernement Giscard-Chirac mène droit à la catastrophe parce qu'il est un gouvernement bourgeois et que tout le système capitaliste va à la catastrophe.

" Aucun des problèmes posés à la classe ouvrière ne peut trouver de solution dans le cadre de ce régime.

" Seule l'expropriation du capital, l'organisation de la production suivant un plan qui corresponde à la satisfaction des besoins desmasses peut apporter une solution à la crise et peut éviter la ruine.

" Seule l'instauration d'un gouvernement ouvrier, s’appuyant sur la classe ouvrière et les masses exploitées, organisées dans des comités, comme il s’en développe aujourd'hui au Portugal, détruisant l'État bourgeois, instaurant le pouvoir ouvrier, pourra exproprier le capital et réorganiser la production pour la satisfaction des besoins des masses. " (La Vérité n°567, page 27)

Autres Assemblées Nationales de délégués

Au cours des années suivantes, l'O.C.I. a impulsé la préparation de nombreuses assemblées de ce type :
 


1977 : engagement désistement

A partir de 1977, le combat pour le F.U.O., pour en finir avec le Gouvernement Giscard-Barre, la Ve République doit répondre à la campagne de division ouverte par la direction du P.C.F. sous prétexte de réactualiser le programme commun. A l'évidence, il existe alors sur le plan électoral une majorité P.S.-P.C.F. dans le pays. Les élections législatives doivent avoir lieu en mars 1978. Pour le P.C.F., il s'agit à tout prix d'empêcher la défaite de Giscard, du RPR et de l'UDF à ces élections. L'O.C.I. engage la bataille pour que les dirigeants du P.S. et du P.C.F. s'engagent bien avant le premier tour aux désistements réciproques au 2ème tour des candidats du P.S. et du P.C.F. pour ceux d'entre eux ayant obtenu le plus de voix au 1er tour. Le 16 novembre, au cours d'un meeting à la Mutualité, une adresse aux dirigeants du P.S. et du P.C.F. est votée. Elle leur demande de prendre immédiatement cet engagement réciproque. Selon les indications de " La Vérité ", en un mois cette adresse se couvre de 25 000 signatures.

Meeting à Pantin 27 Janvier 1978

L'O.C.I. convoque un 2ème meeting à Pantin. Il se tient le 27 Janvier 1978. Officiellement 5 300 participants. Deux jours plus tard se tient une 2ème session de la Conférence ouvrière et jeune. Officiellement 1 200 délégués.

Cette campagne était juste. Elle correspondait aux aspirations de l'ensemble des travailleurs. Elle fut un succès. Mais on dit souvent qu'une cuillerée de goudron suffit à gâter un baril de miel. La déclaration du C.C. du P.C.I. concernant la position de l'organisation était marquée du sceau de l'opportunisme lorsqu’il y était affirmé :

Justification opportuniste : l'O.C.I. ne présente pas de candidats en mars 78

" Etant donné les circonstances politiques, le Comité central de l’O.C.I. décide de ne pas présenter de candidats : le plus important dans ces élections est de combattre pour qu’une majorité P.S.-P.C.F. soit élue à la prochaine Assemblée nationale. "

Non, le plus important pour des militants fidèles au programme de la IVe Internationale, qui, combattent pour la construction de [sa] section française, qui estiment que la crise de l'humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire est de déployer leur drapeau, de défendre leur programme, développer leur politique, laquelle devait inclure l'engagement, dès avant le 1er tour, du désistement au second tour. Aucune excuse autre que la voie de la facilité, de la recherche de la moindre difficulté ne justifie cette prise de position (je dis pour qu'il n'y ait pas d'équivoque que j'ai voté cette résolution, que j'étais d'accord et que j'en porte donc la responsabilité). Derrière cette décision il y avait toute une orientation qui allait nous mener loin. Bien normalement d'ailleurs, c'était également le renoncement à la construction de l'O.C.I. qui y était incluse, malgré tous les plans magnifiques ultérieurs de " construction ".

Nouvelle Conférence nationale : Dissolution de l’Assemblée nationale

Plus que jamais, après les élections à l'Assemblée Nationale, l'axe de la politique de l'O.C.I., ce fut à juste titre : il faut en finir avec le gouvernement Giscard-Barre, la Ve République. S'appuyant sur le résultat des élections partielles, l'O.C.I. a relancé son mot d'ordre du F.U. du P.S. et du P.C.F. pour imposer la dissolution de l'Assemblée Nationale dont la majorité U.D.F.-R.P.R. était minoritaire électoralement dans le pays. Une nouvelle conférence ouvrière et jeune se réunissait les 11 et 12 novembre 1978. Elle fixait l'objectif d'un rassemblement national et massif à Paris au mois d'avril 1979 devant et contre l'Assemblée nationale à l'ouverture de la session de printemps.

A PROPOS DUGOUVERNEMENT P.S.-P.C.F. SANS MINISTRE REPRESENTANT LES ORGANISATIONS ET PARTIS BOURGEOIS
ET DU GOUVERNEMENT OUVRIER-PAYSAN

------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Gouvernement ouvrier et paysan et Gouvernement du P.S. et du P.C.F.

L'axe de la politique du P.C.I. depuis 1968 jusqu'en 1981 a été le combat pour le Front Unique ouvrier, le Gouvernement ouvrier et paysan. Le rapport pour le XXe Congrès du P.C.I. (16 au 30 décembre 1975) l'établit très nettement. Le rapport montre que les faiblesses et les insuffisances de notre orientation, et donc de notre intervention politique, venaient de notre insuffisante assimilation de la signification et de la portée du mot d'ordre du Gouvernement ouvrier et paysan et du combat pour ce mot d'ordre. De ce point de vue, il fait la critique des positions de l'O.C.I. avant et pendant la grève générale de Mai-Juin 1968 que les thèses du 17e Congrès avaient déjà faites :

" La question du gouvernement n'est pas véritablement soulevée par l’O.C.I. avant la grève générale. Ne pas soulever comme centre de la propagande et de l'agitation la question gouvernementale c'est dans les faits ne pas comprendre le mouvement réel qui intègre comme catégories distinctes mais reliées le mouvement de la classe qui objectivement se dirige contre les bases de l’Etat ;  c'est également réduire le mouvement spontané au trade-unionisme et par là sombrer dans les positions spontanéistes obstacles au mouvement spontané. "

Mai-Juin 1968 : Gouvernement et Comité Central de la Grève générale

« La lutte pour les revendications procède de la question du pouvoir, donc de la révolution. Nous devons préciser. Il était absolument correct d'avancer la perspective du gouvernement ouvrier et paysan comme nous l'avons fait dans la grève générale sous la forme de gouvernement émanation du comité central et national des comités de grève. Mais sous cette forme, c'est la forme la plus développée du gouvernement ouvrier et paysan comme gouvernement du Front Unique ouvrier. Les comités de grève élus, le comité central et national des comités de grève (dont le contenu est directement soviétique) sont la forme la plus élevée du front unique ouvrier. Et la classe ouvrière devait faire face aux directions des organisations, de toutes les organisations traditionnelles, gauchistes, pablistes, qui réalisaient l'unité contre la grève générale. Mais les masses dans la grève générale cherchaient également à satisfaire leurs aspirations au travers de leurs organisations. Cela nous n'avions généralement admis comme une des conclusions des « enseignements de notre histoire » et nous n'en avons pas tenu compte. Nous avons dit, écrit à juste titre « la première étape de la radicalisation des masses renforce les organisations traditionnelles que les travailleurs chargent de leurs aspirations révolutionnaires ». Nous avons ensuite précisé « se battre sur le terrain des illusions, contre les illusions ». Il eût fallu, pour combattre sur une ligne correcte doubler en quelque sorte le mot d'ordre de gouvernement ouvrier émanation du comité national de grève, par une agitation sur la base du front unique pour le pour le gouvernement du PCF et du PS sans ministres bourgeois, sans évidemment tenir compte de ce que les dirigeants du PCF et du PS bien qu’unis contre la grève générale se présentaient aux masses comme formellement divisés. Nous savons que de « division » et « unité » pour les appareils bourgeois (bien que cela présente des différences importantes pour l'agitation) ne sont que le camouflage d'une politique de capitulation devant la bourgeoisie. »

Le C.C. de la grève générale n’existait pas

A la vérité, en mai-juin 1968, il n'y avait aucun mot d'ordre gouvernemental. Le mot d'ordre d'un " gouvernement ouvrier émanation d'un Comité central et national des comités de grève ", comité central et national qui n'existait pas est une formule creuse.

Mais bientôt au nom du Front unique et du Gouvernement P.S.-P.C.F. s'est développée une politique opportuniste et ensuite révisionniste.

Le texte préparatoire au XXe Congrès cite une lettre de Trotsky sur " Le Gouvernement ouvrier en France " 30 novembre 1922. Elle est publiée dans " Le mouvement communiste en France ". Trotsky montrait comment il fallait s'adresser aux dirigeants réformistes.

Comment Léon Trotsky pose la question

« Nous leur disons : Vous êtes pour la démocratie et pour une majorité parlementaire. Nous ne vous empêchons pas de constituer une majorité ouvrière au parlement. Au contraire, nous vous aiderons partout les moyens. Mais pour cela il faut mettre sur pied la totalité de la classe ouvrière, il faut l'intéresser ; il faut lui donner un mot d'ordre capable de l'unifier et la fortifier. Ce mot d’ordre ne peut être que celui du gouvernement ouvrier opposé à toutes les combinaisons bourgeoises et à toutes les coalitions. De la sorte, pour créer une majorité ouvrière au parlement, il faut soulever dans la classe ouvrière et dans les masses un puissant mouvement sous le mot d'ordre de gouvernement ouvrier. Voilà comment, du point de vue de l'agitation, il faut poser la question par rapport aux dissidents et aux ouvriers réformistes, etc.. Cette façon de poser la question et juste, politiquement et pédagogiquement. »

A l'aide de cette citation de L. Trotsky il semble que l'orientation à suivre quant à l'agitation pour le Gouvernement ouvrier et paysan soit parfaitement claire.

Nous sommes inconditionnellement pour un gouvernement P.S.-P.C.F. sans ministre représentant d'organisations ou de partis bourgeois. Mais un tel gouvernement n’est pas nécessairement un gouvernement ouvrier et paysan. Tant s’en faut. Cependant l'existence d'un tel gouvernement pose la question d'un gouvernement ouvrier et paysan. C'est pourquoi nous sommes pour qu'un tel gouvernement accède au pouvoir. Il pose la question d'un Gouvernement ouvrier et paysan parce que, aux yeux des masses, il est le Gouvernement des partis qu'elles reconnaissent comme leurs partis, en opposition aux gouvernements bourgeois et aux gouvernements de coalition entre partis ouvriers, organisations et partis bourgeois. Inéluctablement se pose la question : un Gouvernement P.S.-P.C.F. pour quoi faire, ou autrement dit pour appliquer quel programme.

Relation Gouvernement PS-PC, Programme, Gouvernement Ouvrier-Paysan

Il n'est pas vrai que le mot d'ordre d'un Gouvernement P.S-P.C.F. soit séparable de la question du programme. Que nous ne conditionnions pas la lutte pour un gouvernement P.S.-P.C.F. à ce que les dirigeants du P.S. et du P.C.F. adoptent le programme du Gouvernement Ouvrier-Paysan est une chose. Mais c'est une obligation politique de développer le programme dont nous disons : c'est ce programme qu’un gouvernement P.S.-P.C.F. sans ministre représentant d'organisations ou de partis bourgeois devrait appliquer pour répondre aux besoins et aspirations du prolétariat : le programme dont l'application en ferait un Gouvernement Ouvrier et Paysan.

Trotsky, en quelques lignes, montre comment aborder et répondre dialectiquement à la relation gouvernement P.S.-P.C.F. et à l'affirmation du P.S. et du P.C.F. qu'ils sont pour la démocratie et pour constituer une majorité parlementaire. " Vous êtes pour obtenir une majorité parlementaire.. Nous vous aiderons à l'obtenir.. Mais justement, pour mobiliser les masses il faut un mot d'ordre celui du gouvernement ouvrier ". C'est-à-dire un gouvernement appliquant un programme anti-capitaliste, démantelant la société, l'état bourgeois. Voilà la relation Gouvernement P.S.-P.C.F.... Gouvernement Ouvrier et Paysan... programme.

Nous voyons par là-même que :
 


Les mots d'ordre " battre Giscard ", " pour un gouvernement P.S.-P.C.F. sans ministre représentant les organisations et partis bourgeois " se transforment en leur contraire en un alignement par omission, en l'occurrence sur la politique du P.S.

Une déviation d'un seul degré dans le lancement d’une fusée aboutit à un échec total. Non seulement l’objet ainsi lancé ne suit pas a trajectoire prévue, mais par le jeu des forces la déviation d'un degré passe à deux, trois, dix degrés, etc... et la trajectoire est totalement différente. Il en a été de même en ce qui concerne la " légère " déviation par rapport à la ligne du Gouvernement Ouvrier et Paysan. La force d’attraction (ou de pression si on veut) du gouvernement de l'union de la gauche a entraîné de l'opportunisme au révisionnisme.
 


Dialectique et logique formelle sur les questions du gouverne-ment et du Front unique

A la méthode dialectique de L. Trotsky a été substituée une méthode purement formelle brisant l'unité du processus. D'un côté, lutte pour un gouvernement P.S.-P.C.F. sans ministre représentant les organisations et partis bourgeois. De l'autre le programme du Gouvernement Ouvrier et Paysan et le Gouvernement Ouvrier et paysan.

C'était d'une évidente clarté lorsque Lambert déclarait : " on ne peut exiger du P.S. et. du P.C.F. qu'ils appliquent notre programme ". Eh bien si. Nous ne faisons jamais rien d'autre lorsque nous nous adressons au P.S. et au P.C.F. que d'exiger qu'ils appliquent " notre programme ". Le Front Unique, c'est notre programme et pas le leur. Dans l'agitation nous mettons au centre tel ou tel aspect du programme, mais qui à ce moment concentre le programme et ouvre sur le développement de tout le programme.

À PROPOS DU CANDIDAT UNIQUE AUX ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES
DÈS LE PREMIER TOUR

----------------------------------------------------------------------------------------------------

Revenir sur l'appel de 81 à voter Mitterrand dès le premier tour

Pour ma part, je crois qu'il est nécessaire de réexaminer les campagnes politiques que l'O.C.I. a menées pour un candidat unique aux élections présidentielles des partis ouvriers dès le premier tour, position qui a conduit à appeler à voter en 1981 dès le premier tour pour Mitterrand, cela au nom du Front Unique Ouvrier pour " battre Giscard ".

Ce n'est pas la première fois que ce genre de problèmes est posé devant les travailleurs en général et les militants communistes en particulier. Par certains côtés la Constitution de la Ve République ressemble à celle que l'Assemblée Nationale constituante allemande de 1919 avait élaborée et votée : constitution dite de Weimar.

En Allemagne aussi le président de la République était élu au suffrage universel l'élection était aussi à deux tours. En Allemagne aussi, le président de la République désignait le chef du gouvernement. En Allemagne aussi il disposait du pouvoir de dissoudre l'Assemblée Nationale.

La crise économique. qui a commencé en 1929 a provoqué en Allemagne une crise sociale et politique, une crise de régime. La constitution de Weimar donnait les moyens au Président de la République de mettre en place des gouvernements que Léon Trotsky à caractérisés comme étant des gouvernements bonapartistes : Brüning de mars 1930 à Mai 1932, Papen de mai 1932 à décembre 1932, Schleicher de décembre 32 au 30 janvier 1933, jour où Hindenburg, président de la République, nomma Hitler chancelier, c'est-à-dire chef du Gouvernement. La situation en Allemagne était alors dramatique. C'était les- années de croissance fulgurante du nazisme que le grand capital soutenait et qui radicalisa la petite bourgeoisie, les lumpen contre le mouvement ouvrier, les organisa dans les S.A.. formations paramilitaires, menant une guerre civile larvée. Personne ne contestera que Trotsky combattait ardemment pour la réalisation du Front Unique entre la social-démocratie, le parti communiste allemand et les syndicats contre le nazisme.'

Elections présidentielles de 1932 : position de Léon Trotsky

En avril 1932, il y eut des élections présidentielles. Hitler posa sa candidature. Une partie de la bourgeoisie opposa à sa candidature celle de Hindenburg qui avait déjà été élu président de la République en 1925. Des groupes que Trotsky caractérisait comme centristes proposèrent que la social-démocratie et le parti communiste allemand réalisent le Front Unique dès le premier tour de ces élections en présentant un candidat unique. Voici en quels termes Trotsky parla de cette proposition :

" L'idée de faire proposer le candidat à la présidence par le front unique ouvrier est une idée radicalement erronée. On peut proposer un candidat seulement sur la base d’un programme défini. Le parti (le P.C.A.) n’a pas le droit de se refuser, au cours de l’élection, à la mobilisation de ses adhérents et au dénombrement de ses propres forces. La candidature du parti, opposée à toutes les autres candidatures ne saurait en aucun cas empêcher l’accord avec les autres organisations pour les buts immédiats de la lutte. Les communistes, qu’ils fassent partie ou non du parti officiel, soutiendront de toutes forces la candidature de Thaelmann. Il ne s’agit pas de Thaelmann mais du drapeau du communisme. Nous le défendons contre tous les autres partis. En détruisant les préventions inoculées par la bureaucratie stalinienne dans les rangs communistes, l’opposition de gauche fraie le chemin vers leur conscience. " (Ecrits 1928-1940, Tome III, La tragédie allemande. " Et maintenant " page 174)

Hindenburg (pour lequel la Social-démocratie s'était désistée) était élu au 2e tour. Il nomma Hitler chancelier quelques mois plus tard.

Il ne s'agit pas de calquer ce qui présente d'importantes différences. " L'opposition de gauche " combattait pour le redressement du PC.A. et de l'I.C. Elle ne les considérait pas encore comme " étant passés définitivement du côté de la défense de l'ordre bourgeois ". Le P.C.F. est maintenant en France, en tant que parti stalinien, subordonné au Kremlin, le meilleur défenseur de l'ordre bourgeois. Le P.S. est également un parti qui défend par tous les moyens dont il dispose l'ordre bourgeois. Dans ces conditions, il nous est indifférent qu'ils défendent " leur programme " que chacun de ces partis brandisse ou non son drapeau.

Pourtant cette citation invite à la réflexion. Aux élections, y compris aux élections présidentielles, même lorsque les circonstances sont dramatiques, comme en 1932 en Allemagne, les organisations qui se réclament du communisme, aujourd'hui de la Ive Internationale et de son programme, doivent, selon Trotsky en principe présenter leur ou leurs candidats pour qu'ils défendent leur programme, leur politique, portent leur drapeau pour mobiliser leurs adhérents, dénombrer leur force. Qu'elles ne le fassent pas ne se justifie qu'au cas où elles n'ont pas les moyens matériels et politiques de le faire, surtout lorsque les élections se déroulent en deux tours ainsi que c'est le cas en France. En conséquence, on ne peut refuser le droit aux autres organisations et partis qui se réclament de la classe ouvrière de défendre " leurs " programmes, leurs politiques, leurs drapeaux, de mobiliser leurs militants, de dénombrer leurs propres forces.

En 1974

En 1974 le P.S. et le P.C.F. présentaient un candidat commun dès le premier tour des élections présidentielles : François Mitterrand devenu premier secrétaire du P.S. La L.C.R. et L.O. présentaient aussi des candidats. Loin de développer un programme ouvrier centré sur l'objectif du gouvernement ouvrier, sur l'axe du Front unique ouvrier, ils se prononçaient pour une " Assemblée Constituante ", pour " l'unité des révolutionnaires ", y compris avec Piaget, le dirigeant de la section C.F.D.T. de chez Lip, P.S.U., clérical, corporatiste et qui venait de conduire les travailleurs de cette entreprise à la défaite au nom de " l'autogestion ". Dans ces conditions, nous ne pouvions appeler à voter pour l'un ou l'autre de ces candidats. Si nous n'avions pas les moyens politiques et matériels il ne restait qu'une solution : appeler à voter dès le premier tour pour Mitterrand.

En 1980-81, il était juste de combattre pour que " Giscard soit battu ".

1981 : défendre notre programme, notre politique

Mais l'était-il d'exiger du P.S. et du P.C.F. qu'ils présentent un candidat unique au premier tour ? Rien n'est moins certain.

En principe, au cas où nous en aurions eu les moyens politiques et matériels, nous aurions dû présenter un candidat au premier tour sur un programme d'action traduisant en termes actuels le programme de transition, sur notre ligne politique. Notre ligne politique devait, bien entendu, inclure l'engagement réciproque des grands partis ouvriers à se désister inconditionnellement au 2e tour pour le candidat du parti ouvrier ayant obtenu le plus de voix au 1er tour. Voilà ce qu'aurait dû signifier " pour battre Giscard ". Y compris la difficulté apparente résultant de ce que seuls peuvent se maintenir au 2e tour les deux candidats ayant obtenu le plus de voix n'existait pas. Les résultats des élections précédentes démontraient que ce serait Giscard et Mitterrand qui resteraient en ligne au 2e tour.

Si nous n'avions pas les moyens matériels et politiques de présenter un candidat, il fallait néanmoins défendre notre programme, notre politique dans son ensemble, en utilisant les moyens dont nous disposions et reconnaître, en conséquence, aux autres le droit de défendre leur programme, leur politique avec les moyens dont ils disposent. En demandant au P.S. et au P.C.F. de se mettre d'accord pour un seul candidat dès le 1er tour (en fait et personne, ne s’y trompait, ce candidat unique devait être Mitterrand), plus encore en appelant à voter dès le premier tour pour Mitterrand nous avons écrasé les questions : " pourquoi ? pour quel programme pour quelle politique faut-il " battre Giscard " ? " Nous n'ajoutions rien à la possibilité de le défaire. Bien au contraire. Les masses voulaient battre Giscard parce qu'elles voyaient en lui l’homme du capital, afin de porter au pouvoir un gouvernement à elles qui satisfasse leurs besoins et leurs aspirations. Formuler quel gouvernement, quel programme, quelle politique devaient être mis en place et développés, c'était aider à la mobilisation des masses pour battre Giscard. En procédant ainsi que nous l'avons fait, nous couvrions la politique que Mitterrand entendait appliquer, nous contribuions à dégager la voie à un gouvernement de " l'union de la gauche ", c'est-à-dire à la contre mesure prise, dès le lendemain des élections, pour frustrer les masses de la victoire qu'elles remportaient en chassant Giscard et nombre de députés du RPR et de l'UDF, en élisant Mitterrand et une écrasante majorité de députés P.S. et P.C.F. à l'Assemblée nationale.

Mais en réalité il, s'agissait déjà d'un renoncement politique, La résolution cités plus haut justifiant l'absence de candidat O.C.I. au premier tour au nom de l'exigence de tout mettre en œuvre pour qu'il y ait une majorité P.S.-P.C.F. en voix et en élus aux élections à l'Assemblée Nationale de 1978 éclaire la décision d'appeler à voter dès le premier tour pour Mitterrand aux élections présidentielles de 1981.

La direction du P.C.I. prétend que les résultats électoraux ont vérifié la justesse de sa politique. Notamment le fait que, dès le premier tour, près du quart des électeurs votant traditionnellement pour le P.C.F. ait voté pour Mitterrand. A cette perte massive de voix du P.C.F., il y a diverses raisons politiques, la Pologne et la politique de division de la direction du P.C.F. qu’une grande partie de ses électeurs traditionnels a interprétée, à juste titre, comme une tentative d’éviter que Giscard soit défait. Mais mener campagne pour que Marchais s’engage avant le premier tour à se désister pour Mitterrand si celui-ci arrivait avant lui au premier tour (et c'était certain) correspondait aussi bien à ce que voulaient ceux qui, électeurs traditionnels du P.C.F., ont voté Mitterrand dès le premier tour qu'à ce que voulaient ceux, qui au premier tour, ont voté pour Marchais. Les militants et électeurs du P.S. eux-mêmes n'en demandaient pas plus au P.C.F.

De l'opportunisme au révisionnisme

Dans la déclaration, en date du 20 mars 1981 du C.C. de l'O.C.I.qui appelle à voter dès le premier tour pour Mitterrand, il est affirmé : " L'O.C..I. unifiée est partisan de la révolution mondiale et des méthodes révolutionnaires. L’O.C.I. combat comme section de la IVème Internationale (Comité International) pour aider à l’émancipation des travailleurs par eux-mêmes.

" Pour l’O.C.I. unifiée, c’est par les moyens révolutionnaires de la lutte des classes que l’humanité en finira avec l’oppression et l’exploitation capitalistes. "

Ces formules ultra générales servent de feuilles de vigne " révolutionnaires " à une politique opportuniste. L'O.C.I. a raison de dire " il faut battre Giscard ". Elle a raison de dire " la défaite de Giscard ouvrira aux masses laborieuses et à la jeunesse les voies de la mobilisation qui leur permettra de prendre en mains elles-mêmes la solution des questions qui assaillent le pays : la défaite de Giscard remettra en question toute l'offensive sur tous les terrains organisés par son Gouvernement ". A quelques autres conditions cependant... Aux conditions que ne s’applique pas la politique que Mitterrand définit, la politique de " l'union de la gauche ". De cela la déclaration ne dit rien. La vague formule " sans prendre pour autant la responsabilité de la politique du P.S. " est une nouvelle feuille de vigne. Elle évite de caractériser cette politique. L'O.C.I. ne développe pas de programme, pas de politique propre, n'ouvre aucune perspective y compris en ce qui concerne la question du gouvernement. La politique de division du P.C.F. était évidente. Il était parfaitement correct et il était nécessaire de le dire. Ce n'est pas pour autant qu'il fallait faire silence sur celle de Mitterrand.

J’y insiste : dans les conditions qui étaient celles de l'élection présidentielle de 1981 la seule politique juste parce qu'elle nous permettait de développer une politique de classe indépendante, était de mener campagne pour un programme de classe, une politique de classe dans laquelle devait s'inclure l'engagement réciproque de désistement inconditionnel au second tour " pour battre Giscard ". Ce point devait faire l'objet d'une agitation de masse particulière. Ne pas procéder ainsi c'était cautionner Mitterrand. En réalité, il y a derrière l'appel à voter Mitterrand au 1er tour une conception opportuniste du Front unique ouvrier. Le front unique ne consiste pas à tout confondre : les programmes, les orientations, les drapeaux. Les élections à deux tours ont l'avantage de se prêter admirablement à la tactique du Front unique. Au premier tour on se définit, au deuxième tour on élimine le représentant de la bourgeoisie. Nous devions dire pour les élections présidentielles de 1981 : " Il faut battre Giscard ". Au 1er tour, c'est le droit de chacun de développer son programme, sa politique (et nous devions développer les nôtres). Mais toutes les organisations ouvrières doivent s'engager à appeler à voter au 2e tour pour le candidat de ces organisations le mieux placé pour battre Giscard.

Non sans oscillations, la logique de la politique d'appel à voter dès le premier tour s'est développée : refus d'élaborer un programme d'action anti-capitaliste, refus de mettre en cause " le gouvernement de l'union de la gauche ", suppliques adressées au gouvernement, bavardages sur " l'Assemblée Nationale doit voter telle loi, telle autre loi, etc.. " jusqu'à l'adoption de la " ligne de la démocratie " et des " réformes nécessaires " qui s'oppose à celle " on ne peut rien résoudre si on craint d'aller au socialisme ".

DEFENSE DES LIBERTES DEMOCRATIQUES ACQUISES,
LUTTE POUR EN CONQUERIR DE NOUVELLES ET " LIGNE DE LA DEMOCRATIE "

----------------------------------------------------------------------------------------------------

Que disait sur les libertés démocratiques le programme de 1973 ?

J'ai relu les programmes que l'O.C.I. a mis en avant pour les élections à l'Assemblée Nationale en 1967 et en 1973. Dans aucun de ces textes il n'est question de la lutte pour " la démocratie ". et encore bien moins de " la ligne de la démocratie ". J'ai relu " Le Manifeste de l'O.C.I. " qui date de décembre 1967, les textes publiés avant, pendant, après la grève générale de 1968. Il n'y est pas plus question, de " la lutte pour la démocratie " et encore bien moins de " la ligne de la démocratie ". Par contre, il y est question de la défense des libertés démocratiques, de la lutte pour la conquête de nouvelles libertés démocratiques. Dans le programme d'action de la classe ouvrière " pour le socialisme - pour le gouvernement ouvrier " publié au début de l'année 1973 on lit :

" Le programme d'une gouvernement ouvrier

La classe ouvrière, la jeunesse, les masses laborieuses, ont combattu et combattront pour défendre et étendre les libertés démocratiques.

Elles n’acceptent pas :

Elles ne s'accommodent pas : Elles exigent : Ces quelques revendications démocratiques nécessitent la mobilisation, l'organisation, l'action des masses. Les cadres et les institutions de la Ve république devront être brisés pour que les revendications soient satisfaites.
Les masses ne peuvent tolérer : Là ne se limitent pas les libertés démocratiques que le prolétariat, la jeunesse, les masses, exigent : Ces revendications démocratiques sont contradictoires avec le maintien de « l'Etat millénaire », de ses organismes, de ses institutions politiques, ses corps constitués.
Elles ne peuvent être obtenues, imposées qu'en faisant éclater cet Etat et par un gouvernement qui ferait appel aux masses qui s’appuierait sur les masses, qui les appellerait à former leurs propres organismes politiques, à les fédérer à tous les niveaux de la localité jusqu'au niveau national.
Rien ne sera solidement et durablement acquis aussi longtemps que le capital contrôlera l'économie et le pouvoir politique. »

Que disait le rapport préparatoire au 24ème Congrès sur " la démocratie "

Dans le rapport préparatoire au XXIVème Congrès (23 au 26 mai 1980) il est fait référence à " la démocratie " aux rapports entre " bonapartisme " et " démocratie bourgeoise " et à la tactique. que l'O.C.I. doit suivre, en ces termes :

« Ne pas comprendre la nature du bonapartisme et la nature de la démocratie parlementaire, l'une et l'autre de la nature bourgeoise, serait abandonner les principes, nous désarmer, et glisser sur le terrain du front populaire. Mais ne pas comprendre que bonapartisme et la démocratie parlementaire sont des formes de domination de la bourgeoisie qui s'excluent l'une l'autre serait abandonner en sectaire dogmatique le terrain du marxisme, et par là-même l'intervention politique à partir des données fondamentales de la politique révolutionnaire. La démocratie parlementaire, comme le bonapartisme, sont des produits du développement historique qui ne peuvent être éliminés que par la révolution prolétarienne. Sans qu'il nous soit permis d’oublier son contenu de classe (bourgeois), sont donc la prendre en charge, nous devons opposer la « démocratie » aux institutions bonapartistes, cela afin d'utiliser la « démocratie » contre la forme concrète que prend dans les conditions présentes la forme de domination de classe de la bourgeoisie, à savoir la forme bonapartiste. C'est ainsi que la « démocratie » dont se servent les appareils bourgeois contre les masses laborieuses doit être utilisée (et l’est) par les masses laborieuses pour des objectifs tout différents. Parce que nous comprenons la nature bourgeoise du bonapartisme et de la démocratie parlementaire, en même temps non comprenons que ce sont deux formes de domination de la bourgeoisie qui s'excluent l'une ou l'autre, nous sommes à même de définir la situation réelle du point de vue des relations entre les classes et du point de vue de classe par là, nous nous rendons capables d'agir sur les événements.
« Comprenant que la démocratie parlementaire ne pourra s'établir que dans l'effondrement du régime de la Ve république, que cet effondrement verra - dans la mesure où les institutions de la Ve république ont fusionné partiellement avec l'État bourgeois - pour le moins la « déstabilisation » de l'État bourgeois, nous agissons ainsi sur la contradiction insurmontable entre bonapartisme et de démocratie parlementaire, pour aider notre classe à promouvoir ses propres éléments de pouvoir dans la crise d'effondrement. Sans aucunement prendre en charge, cela va de soi, répétons-le, la démocratie parlementaire, mais en utilisant la contradiction insurmontable entre bonapartisme et démocratie parlementaire en partant de la nécessité de « combattre les illusions sur le terrain des illusions », nous voyons ce qui va arriver inéluctablement : une situation où démocratie parlementaire et formes plus ou moins développées du pouvoir ouvrier (conseils, comités) se côtoieront, comme la prochaine étape politique du combat pour la révolution prolétarienne qui doit renverser tout régime bourgeois, qui doit renverser le système de la propriété privée des moyens de production.
« De là découle que plus le moment du dénouement de la crise politique entre crise révolutionnaire approche, plus le levier de la « démocratie » utilisé comme nous venons de l'exposer devient décisif, mais plus l’O.C.I. doit conserver strictement son caractère de classe, et ne pas laisser les revendications de classe se noyer dans la « démocratie » en général. Et c'est là que se noue le problème de la grève générale, ses rapports avec la démocratie et avec le mot d'ordre du Gouvernement Mitterrand-Marchais sans représentant de la bourgeoisie. »

" Bonapartisme ", " Démocratie ", " Démocratie parlementaire "

Le texte est loin d'être clair. " Le bonapartisme " et " le parlementarisme " s'opposent-ils de façon absolue ? " La démocratie " (" la démocratie " est dans ce texte entendue comme " la démocratie bourgeoise ") s'identifie-t-elle purement et simplement à " la démocratie parlementaire " opposée au " bonapartisme " ? En réalité, le texte procède par abstraction et absolu. En ce qui concerne Cuba, Lambert s'est longtemps au nom de " la dialectique " réfugié dans le vide d'un Etat qui n'aurait été ni ouvrier, ni bourgeois. Ici il recourt à la pure logique formelle et à des catégories vidées de leur contenu historique concret. Dès lors, elles deviennent aussi des abstractions vides. Bien sûr Lambert admet qu'il s'agit de deux formes de l'Etat bourgeois : mais l'une est identifiée purement et simplement à la " démocratie " bourgeoise, il s'agit de la " démocratie parlementaire " ; l'autre on ne sait trop à quoi sinon que c'est " le bonapartisme ".

Il est vrai qu'en " principe " dans la forme de domination de classe bourgeoise bonapartiste, le parlement ne joue qu'un rôle secondaire. Un homme providentiel (en général) incarne " l'Etat ", c'est-à-dire l'appareil d'Etat et " le peuple ". Il concentre entre ses mains le pouvoir. Le gouvernement procède de lui. " En principe ", dans la forme de domination de classe de la bourgeoisie dite " démocratie parlementaire ", l'appareil d'Etat, le Gouvernement dépendent du Parlement. Mais tout cela n'est que relatif et exige d'être concrétisé. Le bonapartisme peut s’accommoder d'un parlementarisme plus ou moins développé et surtout de libertés plus ou moins étendues. Inversement dans la " démocratie parlementaire " l'indépendance de l'appareil d'Etat et du Gouvernement peut être considérable et les libertés relativement limitées. Lambert désincarne " le bonapartisme ", " la démocratie bourgeoise ", " la démocratie parlementaire ".

La Ve République et les " bases de la démocratie prolétarienne "

Le bonapartisme de la Ve République a bien le trait marquant du bonapartisme : la prééminence de l'appareil d’Etat, du président de la République dont émane le Gouvernement, le rôle secondaire du Parlement. Mais si on ne réfère à ce que Trotsky explique des rapports du prolétariat et de la " démocratie bourgeoise ", la Ve République apparaît aux travailleurs tout aussi " démocratique " et même plus que bien des " démocraties parlementaires ". Une fois de plus il faut citer ce passage bien connu de la brochure de Trotsky " Et maintenant ? " :

« Pendant de nombreuses décades, à l'intérieur de la démocratie bourgeoise, se servant d'elle et luttant contre elle, les ouvriers édifièrent leurs fortifications, leurs bases, leurs foyers de démocratie prolétarienne : syndicats, parti, clubs d’éducation, organisations sportives, coopératives, etc… Le prolétariat peut arriver au pouvoir, non pas dans les cadres formels de la démocratie bourgeoise, mais seulement par la voie révolutionnaire, cela est démontré en même temps par la théorie et l'expérience. Mais c'est précisément pour la voie révolutionnaire que le prolétariat a besoin des bases de la démocratie ouvrière à l'intérieur de l'État bourgeois. C'est dans la création de telles bases que s'est exprimé le travail de la IIIe internationale à l'époque où elle remplissait encore un travail historiquement progressif. »

La tâche " historique " du bonapartisme de la Ve République consistait à détruire ces " bases ", ces " foyers de la démocratie prolétarienne ". Le prolétariat, par ses luttes de classe, a fait échouer cette tentative. C'est pourquoi il a pu, y compris dans les cadres institutionnels de la Ve République, défaire en Mai-Juin 1981, en utilisant le suffrage universel, Giscard, le RPR, l'UDF. Le suffrage universel est un attribut de " la démocratie bourgeoise " tant que les autres libertés fondamentales (droit de presse, de réunions, d'associations, etc... ) subsistent. Autrement il devient un instrument que le bonapartisme utilise ou même dont les dictatures ouvertes se servent comme couverture. Il y a en effet contradiction entre " le bonapartisme " et " la démocratie parlementaire ". Mais on ne peut identifier Ve République et dictature ouverte, pas plus que l'on ne peut mettre un signe égal entre " démocratie bourgeoise " et " démocratie parlementaire "

Se servir du levier de la démocratie

C'est de l'utilisation des libertés démocratiques existantes, dont le suffrage universel, qu'il s'agissait lorsque nous revendiquions la " dissolution de l'Assemblée Nationale ". Pour ma part, en tout cas, c'est ainsi que je comprenais " se servir du levier de la démocratie ". Mais il faut rappeler en quels termes nous le faisions alors. Nous nous adressions aux directions du P.S. et du P.C.F. en disant :

« Vous vous réclamez de la démocratie parlementaire, le suffrage universel...
... la démocratie parlementaire le suffrage universel vous accordent le droit d'engager une grande campagne nationale, mobilisant les travailleurs et la jeunesse pour la dissolution de l'assemblée nationale...
...la démocratie parlementaire et le suffrage universel disent : le gouvernement Giscard-Chirac, pas plus que l'assemblée nationale, n'ont aucune légitimité pour gouverner le pays...
...(Ils) vous accordent le droit de mener une grande campagne nationale mobilisant les travailleurs et les jeunes pour la disparition du gouvernement, pour substituer à ce gouvernement capitaliste menant le pays à la catastrophe, bafouant la démocratie, votre gouvernement, celui du parti socialiste et du parti communiste français sans ministres bourgeois (Assemblée nationale des délégués pour que le gouvernement disparaisse, pour que soit porté au pouvoir à un gouvernement PS et PCF sans ministres bourgeois, pour le front unique des organisations ouvrières, partis et syndicats - 15 décembre 1974). » (ce texte a été écrit par Lambert).

Un puissant argument supplémentaire pour que le P.S. et le P.C.F. réalisent le F.U.

Quel langage : " elles vous accordent le droit " ! Au lieu d'écrire " Vous vous réclamez de " la démocratie parlementaire ", du suffrage universel, alors les principes dont vous vous réclamez exigent ". Mais passons. L'important n'est pas là.

Assurément, qu'il y ait une majorité électorale P.S.-P.C.F. est d'une grande importance politique. Cela signifie un rapport de force politique potentiellement écrasant en faveur de la classe ouvrière et des masses exploitées. Notre tactique doit en tenir le plus grand compte. Cependant la nécessité du Front Unique du P.S. et du P.C.F. en vue de renverser, dans le cas qui nous intéresse, le gouvernement Giscard-Chirac et de porter au pouvoir un gouvernement de ces partis s ans ministre représentant les organisations et partis bourgeois, et la possibilité de le réaliser, ne dépend pas du fait qu'ils disposent ou non d'une majorité électorale potentielle ou de l'obtention d'une telle majorité. Que le P.S. et le P.C.F. disposent d'une telle majorité donne une force supplémentaire considérable à la lutte pour qu'ils réalisent l'unité en vue d'atteindre les objectifs précités au nom même des " principes " qu'ils affichent. C'est une circonstance éminemment favorable pour mener l'agitation pour le Front unique ouvrier, pour organiser une force politique combattante pour ce Front unique, pour contribuer à ce que les masses s'ouvrent leur propre voie, qu'elles exigent le Front unique et engagent le combat politique. Pourtant il s'agit d’un argument supplémentaire et conjoncturel en fonction d'une situation conjoncturelle.

De l'utilisation tactique à la " ligne de la démocratie "

La preuve. En Mai-Juin 1981, il y a eu une majorité en voix pour élire François Mitterrand à la présidence de la République et une écrasante majorité de députés P.S.-P.C.F. à l'Assemblée nationale. Il était correct de lancer le mot d'ordre, au moins à partir d'un certain moment : que " I'Assemblée Nationale décrète qu'elle est souveraine, que le Gouvernement émane d'elle, qu'il réponde devant elle ". Ce mot d'ordre faisait ressortir la contradiction entre le " bonapartisme " et " la démocratie parlementaire ". Encore que, pour étayer cette revendication, se référer à la majorité électorale était déjà douteux. Mitterrand est aussi l'élu du suffrage universel. Mais bientôt la référence à " la démocratie ", au suffrage universel se retourne en son contraire. Par suite de la politique de Mitterrand, du gouvernement de l'union de la gauche Mauroy-Fitermann-Crépeau couvert par la majorité P.S.-P.C.F. à l'Assemblée nationale, le P.S. et le P.C.F. sont devenus, du point de vue du suffrage universel, minoritaires. " La démocratie ", " la démocratie parlementaire " exigeraient la dissolution de l'Assemblée nationale à majorité P.S.-P.C.F. et la démission de Mitterrand.

Les formulations de Lambert dans son rapport au XXIVe Congrès du P.C.I. étaient équivoques. Elles insistaient lourdement sur la contradiction réelle entre " le bonapartisme " et " la démocratie parlementaire " et affirmaient " nous agissons ainsi sur la contradiction insurmontable entre bonapartisme et démocratie parlementaire " sans pour autant conclure nettement. Force est de constater aujourd'hui que c’était une transition vers " la ligne de la démocratie ". Ce qui était une utilisation tactique d'une situation conjoncturelle hautement favorable (du point de vue du suffrage universel le P.S. et le P.C.F. sont majoritaires qu'ils réalisent le F.U. : pour imposer la dissolution de l'Assemblée nationale, pour en finir avec le gouvernement Giscard-Barre, pour qu'un gouvernement P.S.-P.C.F. sans ministre représentant d'organisations et de partis bourgeois prenne le pouvoir) s'est transformé en ligne politique fondamentale, " la ligne de la démocratie ". Dans son rapport préparatoire au 28e Congrès du P.C.I., Lacaze dit ouvertement qu'il s'agit de combattre pour la renaissance de " la démocratie parlementaire ". Après le 17 juin, le 24 juin 84, Lacaze continue à supplier le P.S. et le P.C.F. au nom de " la démocratie ", à supplier la majorité à l'Assemblée nationale : «faites une autre politique» leur demande-t-il.

" Que la majorité P.S.-P.C.F. à l'Assemblée Nationale décide que l'Assemblée Nationale est souveraine " et le Front Unique

Si ce n'était pas clair hier cela l'est aujourd'hui. Ce n'est pas au nom de " la démocratie " mais du Front unique ouvrier qu'il faut adresser à la majorité P.S.-P.C.F. à l'Assemblée nationale la revendication : décidez que l'Assemblée nationale est souveraine, que le Gouvernement émane d'elle et répond devant elle. A coup sûr une telle décision briserait la Ve République, ses institutions. Rétablirait-elle " la démocratie parlementaire " ? Pas nécessairement. Une telle décision exprimerait ou créerait une situation révolutionnaire. L'Assemblée nationale serait objectivement en mesure de s'engager sur la voie d'un Gouvernement ouvrier et paysan, de proclamer la République Ouvrière et Socialiste. En tout cas, nous devrions exiger d'elle cela. D'autres se chargeraient de tenter de bloquer tout développement révolutionnaire en s'appuyant sur la ligne de retraite de " la démocratie parlementaire " pour protéger l'Etat bourgeois et ses institutions. Nous, nous aurions à combattre pour son démantèlement en mettant en avant, notamment, mais pas seulement, un ensemble de revendications démocratiques, parties composantes d'un programme d'action, dont celui de 1973 énonce les principales.

Le Front unique anti-impérialiste

Un autre exemple, extrêmement important, d'oscillations opportunistes, menant à l'opportunisme et au révisionnisme est la résurgence, puis la généralisation de la tactique du front unique anti-impérialiste. Il faudra en traiter spécialement et en détail. Constatons que même les garde-fous mis dans " les thèses pour la reconstruction de la IVe Internationale " ont depuis été franchis et très largement.

« Thèse XXIII pour la reconstruction de la IVe internationale : le front unique ouvrier et le front unique anti-impérialiste.

« Ce n’est pas par hasard si, dans ses travaux des années trente Trotsky n'a jamais appelé à la constitution de front anti-impérialiste. Le seul précédent sur cette question dans la littérature marxiste, c’est le chapitre IV des fameuses thèses générales sur la question d'Orient, adoptées pour le IVe congrès de l’internationale communiste (novembre 1922).
« La nature de la bourgeoisie nationale des pays arriérés, classe exploiteuse et semi-opprimée, détermine en de nombreuses occasions la nécessité d'accords temporaires avec les organisations nationalistes bourgeoises de masse, dans le cadre du front unique anti-impérialiste. Un tel front ne peut être que circonstanciel et limité dans le temps. Sa prolongation au-delà des circonstances qui ont justifié sa réalisation implique une adaptation au nationalisme bourgeois et la subordination du prolétariat à la bourgeoisie nationale. En aucun cas ce type de front ne peut avoir un objectif gouvernemental commun avec des forces bourgeoises.

« Cela ne signifie cependant pas qu’il n’y ait pas de luttes progressistes contre l'impérialisme et les grands propriétaires fonciers pour le renversement des régimes dictatoriaux, dans lesquels tous les secteurs de la population sont susceptibles de participer. Les trotskystes doivent combiner une lutte permanente et systématique pour que la classe ouvrière conquière et son indépendance à l'égard de tous les autres secteurs, pour son organisation indépendante, avec leur soutien et leur participation à toute lutte progressiste même si, du moins au début, elle est de caractère purement démocratique.

" A ce point de vue, si Trotsky a pu dire que le soviet est la forme la plus élevée du front unique ouvrier et qu’il lui donne un caractère permanent, le front unique anti-impérialiste ne saurait être, au contraire, qu’une unité d’action limitée. En effet, dans les pays dominés, c’est la révolution prolétarienne qui, seule, accomplira les tâches démocratiques et nationales ; et elle ne peut s’accomplir que dans une totale indépendance par rapport à la bourgeoisie. C’est dans cette perspective que le parti du prolétariat, dans l’unité d’action et les luttes de front unique anti-impérialiste, met en avant l’organisation de comités de front unique à vocation soviétique pour l’organisation et le combat des masses laborieuses.

" L’existence, dans les pays coloniaux et semi-coloniaux, de tâches nationales, démocratiques et anti-impérialistes, d’une part, le rôle contre-révolutionnaire du stalinisme et la crise de la IVème Internationale de l’autre, ont engendré une situation dans laquelle sont apparues de nombreuses organisations nationalistes petites-bourgeoises qui jouent un rôle actif dans la lutte contre les dictatures et l’impérialisme (le B.P.R., le FAPU, etc… au Salvador ; le F.S.L.N. dans la lutte contre Somoza ; le M.I.R. au Venezuela, etc…)

« Il est de notre devoir de lutter systématiquement pour la réalisation du front unique anti-impérialiste avec ces organisations, la base d'un programme d'indépendance de classe, avec l'objectif de faire progresser la lutte des masses et en exigeant systématiquement toutes ces organisations qui s'appuient sur les ouvriers et paysans, qu'elles rompent avec la bourgeoisie et s'engagent sur la voie du Gouvernement ouvrier et paysan. Notre combat doit permettre aux masses, à travers leur propre expérience, de rompre avec ces organisations. » (pages 122, 123, 124).

Mais la résolution votée à la conférence latino-américaine de Juillet 1983 déclarait :

« Les vers le quasi nationales sont évidemment incapables de résister sérieusement à l'impérialisme US mais elles sont confrontées avec leur propre destruction que recèle cette tendance inscrite dans la nouvelle politique américaine. Une situation dans laquelle les bourgeoisies nationales évoluaient jusqu'alors que est en cours de modification. Certes, l'impérialisme US s'efforcera de renforcer la capacité contre-révolutionnaire des gouvernements bourgeois, mais à chaque pas sa politique de guerre économique de rapine mine précisément la capacité contre-révolutionnaire de tous les gouvernements.
« Certes, ces gouvernements bourgeois s'efforceront de faire pression sur le gouvernement US avec la menace d'explosion révolutionnaire, mais l'affaiblissement de ces gouvernements bourgeois face aux masses qu’entraîne cette guerre économique de rapine contraint et contraindra de plus en plus l'impérialisme US à intervenir militairement lui-même tout en cherchant à refuser toute concession dans les domaines économiques et financiers. Certes, l'impérialisme US s’efforce de ne pas se laisser entraîner dans de nouvelles guerres directes du type Vietnam, guerres que rejette le peuple américain, mais la poursuite de la tendance inscrite dans la guerre économique de rapine impérialiste ne peut que s'affirmer en relation avec l'inéluctabilité des effondrements révolutionnaires aboutissant à la prise en compte directe par l'impérialisme du maintien de l'ordre. C'est précisément l'ensemble de ces éléments contradictoires auxquels il faut ajouter la crainte manifestée par des couches de la bourgeoisie américaine de se trouver dans une situation d'un engagement militaire d'un type Vietnam qui donne à la politique américaine de son caractère chaotique.
« Bien qu’elles n’aient ni la capacité ni le désir de lutter jusqu'au bout contre l'impérialisme, les bourgeoisies nationales sont placées dans une situation où d’une part, elles doivent chercher à défendre la fraction de plus-value que l'impérialisme leur concédait, menacées par la nouvelle politique américaine de voir celui-ci leur en arracher la totalité ; d'autre part, elles craignent une victoire complète de l'impérialisme US dans la guerre d'agression contre-révolutionnaire qu’il conduit en Amérique centrale. Une telle victoire signifierait une véritable substitution d'une forme de domination de l'impérialisme - situation de dépendance - à une forme de domination coloniale à peine camouflée et menacerait directement toutes les bourgeoisies latino-américaines. Enfin, les bourgeoisies latino-américaines craignent par-dessus tout la révolution. (…)
« Tous ces éléments mettent à l’ordre du jour le combat pour le F.U.A. dont la conférence de Bogota représente un premier pas, fragile certes, mais le premier réalisé dans notre histoire sur les initiatives et sous l'égide d'un parti de la IVe internationale. (…) » (page 16 du bulletin intérieur préparatoire au 28e congrès n°7).

Le savant balancement n'empêche pas que, selon ce texte, l'axe de la politique des organisations membres de " IVe Internationale (CIR) " doit être le F.U.A., contrairement à ce qui est expliqué dans les thèses.

L'AFFAIRE BERG ENTERREE, LES CAUSES DEMEURENT
DU COMITE PARITAIRE AU " GRAND BOND EN AVANT "

------------------------------------------------------------------------------

Le 22è Congrès devait se tenir entre Noël 1978 et le 1er janvier 1979. Il fut retardé aux 8 et 11 février et se tint à Dijon. Le nombre des cotisations officiellement comptabilisées à la fin 1978 s'élevait à 5 000. Les objectifs fixés au mois de septembre semblaient donc atteints. Plus important encore, il semblait que la courbe de développement permettait un rythme de croissance ultra-rapide de l'O.C.I.. C'est dans ces conditions que le B.P. proposait au 22è Congrès de fixer l'objectif des " 10 000 ".

Mais on sait que les résultats étaient truqués. La commission " sur le fonctionnement politique de l'O.C.I. et la formation "que je dirigeais découvrit la cavalerie dans le " recrutement " à laquelle Berg et l'ensemble des membres de " la commission province " procédaient sous sa direction. Sans aucun doute, dans la R.P. il y avait aussi inflation : nombre " d'inscrits " au PC.I. n'étaient pas non plus des militants. " L'affaire Berg " éclatait. Bientôt il fut prouvé qu'il s'appropriait des fonds de l'O.C.I. et les utilisait pour son propre compte. Berg était exclu.

L'affaire Berg secoue l'O.C.I.

" L'affaire Berg " a profondément secoué l'O.C.I.. Le rassemblement national prévu pour avril dut être annulé. Un congrès extraordinaire de l'O.C.I. (le 23e) était convoqué. Il se tint du 24 au 27 mai 1979 et réaffirma l'objectif des 10 000. Mais le ressort était distendu et chacun avait le sentiment que malgré les affirmations les causes profondes de l'affaire Berg n'avaient pas été mises à nu.

La révolution au Nicaragua

Mais des circonstances politiques ont permis de surmonter, au moins en apparence, les conséquences sur l'O.C.I. de l'affaire Berg. En Juillet 1979, au Nicaragua, la révolution prolétarienne balaie la dictature de Somoza. Un gouvernement de coalition entre une aile de la bourgeoisie et le F.S.L.N. prend le pouvoir : le Gouvernement de reconstruction nationale. Le S.U. s'aligne en pratique derrière le F.S.L.N.

La brigade Simon Bolivar

La " Fraction bolchevique " que Moreno dirige et qui est membre du S.U. a constitué pendant l'année précédant la chute de Somoza une brigade de volontaires latino-américains pour combattre aux côtés des sandinistes. " La brigade Simon Bolivar " soulève après la chute de Somoza des problèmes politiques : organisation et indépendance des syndicats, occupation des terres, organisation de milices, nature du Gouvernement.

La fraction bolchevique exclue du S.U.

Le gouvernement de reconstruction nationale expulse la brigade Simon Bolivar du Nicaragua. En pratique, le S.U.approuve cette expulsion et exige que la " Fraction bolchevique " se dissolve. Devant son refus elle l'exclut du Secrétariat Unifié. Autour de la tendance que la fraction de l’O.C.I. anime à l'intérieur de la L.C.R. s'est constitué une petite tendance internationale " La tendance Lénine-Trotsky ". Elle condamne l'exclusion du S.U. de la " Fraction bolchevique ". Elle est exclue à son tour du S.U. et de la L.C.R. " La fraction bolchevique " représente un courant dans le S.U. assez important. La tendance animée par la fraction de l'O.C.I., à l'intérieur de la L.C.R., obtient sur ses texte environ 25 % des voix des militants de cette organisation. L'O.C.I. et le CORQUI, sans prendre à priori à leur compte les positions de la " Fraction Bolchevique " et de " la tendance Lénine-Trotsky ", soutiennent la " Fraction Bolchevique " et luttent contre la répression des militants ouvriers et révolutionnaires au Nicaragua. Ils dénoncent la position du S.U. et l'expulsion bureaucratique de la " Fraction bolchevique " et de la " Tendance Lénine-Trotsky ". De là va naître " Le Comité paritaire pour la réorganisation (reconstruction) de la IVe Internationale ".

Nouvel essor de l'O.C.I. Le " Comité paritaire "

La constitution du " Comité paritaire ", celle en France de la " Ligue Communiste Internationaliste " qui se situe exactement sur les mêmes positions que l'O.C.I. et qui, en septembre 1980, fusionnera avec l'O.C.I. vont donner à celle-ci un nouvel élan. D'autant plus que la crise de régime s'accentue en France, que la crise économique dans les pays impérialistes rebondit et s’accentue et que, surtout en Août 1980, un nouveau chapitre de la révolution politique s'ouvre en Pologne.

Nouvel appel à l'unité

Une nouvelle fois l'O.C.I. lancé une adresse à Mitterrand et à Marchais " pour que cesse la division " que signent près de 80 000 travailleurs et jeunes. Une nouvelle conférence nationale, cette fois des " comités d'initiative et d'unité " est réunie les 15 et 16 mars. 500 délégués y participent. La campagne pour " l'O.C.I. des 10 000 " est relancée. L'O.C.I. décide de la tenue de meetings en province et à Paris.

Meeting à Pantin

Celui de Paris se tint le 21 mai à la porte de Pantin. Dans une salle qui compte 5 000 places assises, la direction de l'O.C.I. prétend qu'il y avait 10 000 participants. La méthode utilisée par Berg, inflation des chiffres, bluff, et bientôt cavalerie dans les résultats quant au recrutement ressurgit. Au cours des années suivantes, elle prendra une ampleur sans précédent. Berg est, de ce point de vue, dépassé. Pourtant ni en 1981, ni en 1984 l'objectif des 10 000 n'a été atteint.

L'effet de la révolution en Pologne et de la victoire de Mai-Juin 1981

La pilule passera néanmoins. Le " comité paritaire " devient en décembre 1980 " IVe Internationale(Comité International) ". Pour la plupart des militants, d'autant plus que la direction nourrit cette illusion, il semble que la IVe Internationale est pratiquement reconstruite. La rupture de " IVe Internationale (Comité International) " en juillet-novembre 1981 est un coup dur. : Mais il est incontestable que la campagne de l'O.C.I. pour un candidat unique dès le premier tour des élections présidentielles en 1981, même si elle mène à la faillite, même si c'est superficiel, obtient un écho considérable. La défaite de Giscard, de l'UDF et du RPR en mai-juin 1981 font espérer une marche rapide à la révolution et une construction éclair, de l'O.C.I., puis du P.C.I.. C'est l'espérance du " Grand bond en avant ". La révolution polonaise nourrit également les espoirs des militants. D'autre part, la dépolitisation, la dénaturation politique s'accélèrent au cours de ces quelques années. Les réactions s'opposant à l'orientation de plus en plus opportuniste de la direction de l'O.C.I., au bluff quant aux résultats de plans toujours plus sensationnels mais jamais réalisés quant au recrutement, sont faibles et difficiles. Immédiatement le mini-appareil sanctionne, frappe, exclut. Fait notable, soit dit en passant, alors que depuis le premier plan, les objectifs financiers avaient toujours été atteints et dépassés (par quels moyens c'est une autre chose), ils ne le sont plus à partir de 1981. A partir de 82 il n’y aura plus de campagne financière jusqu'à celle des élections européennes. de 1984.

Autres activités politiques de l'O.C.I. entre 1968 et 1981

L'activité de l'O.C.I. entre 1968 et 1981 ne s'est par réduite aux grandes étapes qui viennent d'être évoquées. Toute une riche intervention dans les mouvements, les grèves, les manifestations de la classe ouvrière, de la jeunesse, des étudiants a constitué le quotidien de cette activité. L'activité dans les syndicats en a été un autre aspect. Des campagnes pour les libertés contre la répression en URSS, en Europe de l'Est, en Amérique latine, ailleurs ont été menées. Les campagnes en défense de la révolution polonaise et contre la répression ont été un des axes les plus importants du travail politique de l’O C.I. et ensuite du P.C.I.. La défense de la révolution nicaraguayenne a fait également l'objet d'une importante campagne. De nombreuses journées d'études ont été organisées. L'O.C.I. a impulsé le CORQUI.

ET " L'INTERNATIONALE " ?

--------------------------------------

Discussions et prises de position du CORQUI

Le CORQUI a abordé de nombreuses questions la révolution palestinienne et le mouvement révolutionnaire au Moyen Orient, contre l'impérialisme et son agent l'Etat compradore d'Israël, les bourgeoisies arabes plus ou mains nationales, plus ou moins compradores ; le mot d'ordre de la constituante palestinienne ; les lignes d'intervention en Amérique latine et, notamment, par rapport à la situation révolutionnaire ouverte au Pérou dans la 2ème partie des années 1970 ; la révolution portugaise ; par rapport à l'Espagne, à l'Allemagne, à la révolution politique dans les pays où le capital a été exproprié mais où des bureaucraties parasitaires détiennent le pouvoir politique et gèrent la société ; par rapport à la situation mondiale, le tournant des années 73-74-75 ; la défaite historique que l'impérialisme US a subie au Vietnam ; la crise économique en développement ; la crise conjointe de l'impérialisme et des bureaucraties parasitaires ; etc... etc... C'est là une élaboration considérable, même si elle doit faire l'objet d'un sérieux inventaire.

Autres activités du CORQUI

En Mai 1973, le CORQUI s'est adressé au S.U. en se déclarant prêt à participer à la discussion préparatoire à son Xe Congrès. Pour ma part j'étais opposé à cette initiative car je craignais une verte réplique du S.-U. plus gênante pour le CORQUI qu'autre chose. J'avais tort. Je sous-estimais les contradictions qui déchiraient le S.U. et qui opposaient la " Fraction Lénine-Trotsky à la majorité du S.U. Néanmoins la suite a prouvé que la manœuvre que le CORQUI engageait ne menait pas loin. Peut-être a-t-elle aidé le travail de fraction de l'O.C.I. à l'intérieur de la L.C.R... Mais elle n’a pas modifié la situation propre du CORQUI lui-même aux prises avec ses propres contradictions (exclusion de P.O., départ de Lora), ni fait évoluer positivement la " Fraction Lénine-Trotsky ". Par accord entre le S.W.P. et la majorité du S.U., la " F.L.T. " a été dissoute quelques années plus tard. Moreno n'a pas voulu être partie prenante de cet accord, à moins qu'il se soit réalisé en partie contre lui. Il a constitué la " Fraction bolchevique " qui devait être expulsée du S.U. en septembre 1979. Quant au S.W.P. on sait ce qu'il en est advenu.

Le CORQUI végète

Mis à part l'O.C.I. et l'O.S.I. du Brésil, la plupart des organisations participant au CORQUI ont plus ou moins végété. Lambert a pourtant eu longtemps des domaines réservés qu'il abandonnait, il est vrai, lorsque cela ne tournait pas rond : le Portugal, le Pérou, l'Espagne. Le bilan quant à la construction des organisations dans ces pays a été pratiquement nul. Lambert ne manque naturellement pas d'arguments pour en rejeter la responsabilité sur les dirigeants de ces organisations. Mais Lambert ne manque jamais " d'arguments ", même s'il lui faut un peu réécrire l'histoire. Très souvent aussi ses " missi dominici " servent de boucs émissaires. Un bilan honnête et responsable reste à faire qui n'affirme pas toujours " la ligne était juste " mais " ils ont été incapables de l'appliquer ", " ils ont capitulé ". Toujours est-il qu'en 1979 le CORQUI végétait.

" IVe Internationale-Comité International " éclate

C'est alors que " la fraction bolchevique " et la " tendance Lénine-Trotsky " ont été exclues du S.U., que le " Comité Paritaire " et " IVe Internationale (Comité International) " ont été constitués. Comme cela avait été le cas avec Healy et la S.L.L., Lora et le P.O.R., Altamira et Politica Obrera, la conception de la reconstruction de la IVe International en réalisant des compromis, des accords, des arrangements entre " chefs " disposant d'organisations nationales et internationales plus ou moins importantes a échoué. Camilo, alors membre du Secrétariat International de " IVe Internationale (Comité International) " qui venait de " la fraction bolchevique " traduisait ironiquement ces rapports. Parlant de Lambert, de Moreno et de Luis Favre qui formaient le véritable organisme de direction où se prenaient les décisions (Luis Favre était un des membres de ce trio en raison de sa connaissance de l'espagnol et du français qui en faisait l'interprète entre Lambert et Moreno et de ses capacités d'intrigant) il les désignait comme " les Grands Ayatollahs ". A quelques exceptions près la scission a recoupé les anciennes frontières du CORQUI et de " la fraction bolchevique " La " nouvelle direction internationale " n'a pas vécu six mois. Il s'agissait d'un collage d'organisations différentes dont le " comité paritaire " était une représentation beaucoup plus exacte.

IVe Internationale CIR

" IVe Internationale (Comité International de reconstruction) " la nouvelle organisation constituée après cette rupture, n'est pas plus brillante que ne l'était le CORQUI. Le P.O.M.R., un des fleurons du CORQUI, a disparu. L'O.S.I. du Brésil piétine si elle ne régresse pas. Le P.C.I. on sait ce qu'il en est. Les autres organisations dont l'activité politique et le développement sont contrôlables ne se développent pas beaucoup, lorsqu'elles ne régressent pas. " Tribune Internationale " en espagnol ne paraît plus et il paraît fort irrégulièrement en français. C'est un gouffre financier. Son maintien est une question de " prestige ". Peu l’achètent et encore bien moins le lisent parmi les militants.

Défense du Nicaragua

Le grand succès international serait la tenue des conférences contre l'intervention de l'impérialisme U.S. au Nicaragua et la représentativité internationale du seul gouvernement du F.S.L.N. organisées avec l'appui de ce gouvernement et la participation de personnalités social-démocrates et bourgeoises. Cette activité me semble juste et nécessaire. Mais elle dépend entièrement du support du gouvernement du F.S.L.N.. Les trotskystes dans cette affaire sont les instruments de ce gouvernement. Ils sont à son service. Ils ont raison de se mettre à son service. Mais il est peu probable qu'il en résulte " la reconstruction de la IVe Internationale ". Le soleil de la reconstruction de la IVe Internationale se lève, paraît-il, à l'est. Pour l'instant c'est incontrôlable. Patientons.

L'O.C.I. S'INSTALLE DANS LE MOUVEMENT OUVRIER TEL OU'IL EST

-------------------------------------------------------------------------------------------

De la dissolution de l’O.C.I. (12 Juin 1968) à la proclamation de l'Organisation trotskyste (25 avril 1969)

Avant d'occuper une certaine place, de s'insérer dans le mouvement ouvrier, l'O.C.I. a disparu comme organisation. Le 12 Juin 1968, un décret dissolvait les organisations dites " révolutionnaires ". Certes, il ne s'agissait pas de considérer ce décret comme nul et non avenu. Il était juste d'utiliser les recours juridiques pour tenter de faire annuler ce décret, décret qui fut effectivement annulé en ce qui concerne l'O.C.I. en août 1969. Mais pendant près d'un an il n'y eut pas d'organisation trotskyste officielle.

Ce n’est que le 12 mai 1969 que nous avons proclamé " l'organisation trotskyste, pour la reconstruction de la IVe Internationale ". Ainsi, nous avons accepté pendant près d'un an de nous taire en tant qu'organisation trotskyste combattant pour la reconstruction de la IVe Internationale et sur son programme. " L'O.C.I. était mise en culottes courtes ". Elle s'abritait derrière l'A.J.S. et, dans une certaine mesure, derrière la Fédération des Comités d'Alliance Ouvrière. C'est une attitude typiquement opportuniste.

Elle a eu d'importantes conséquences. Elle a été un obstacle à la construction, à la fin et à la suite de la grève générale, d'une organisation trotskyste. Elle a également fait que l'A.J.S. se transforme d'emblée en substitut de l'organisation trotskyste. Pendant des années, dans la presse, il n'était jamais question de l'O.C.I. mais de l’A.J.S., alors même que le décret du 12 Juin 1968 était annulé. Nous avons laissé la L.C.R. occuper le terrain.

Relations avec les appareils bureaucratiques

L'activité, la progression, les succès mêmes de l'O.C.I. au cours des années qui suivirent ont impliqué obligatoirement que sa direction noue et développe des relations de plus en plus fréquentes avec le mouvement ouvrier officiel, c’est-à-dire les appareils et notamment les appareils dits " réformistes ".

La prise de direction de l'U.N.E.F. exigeait que sa direction composée principalement de militants de l'O.C.I. soit en contact avec les dirigeants de F.O., de la F.E.N., du P.S. et également soit en relation avec le Ministère de l'Education nationale, l'administration universitaire.

Les campagnes politiques en défense des victimes de la répression à l'est de l'Europe, notamment en Pologne, mais aussi par rapport à l'Amérique Latine, au Pérou ont été menées en bénéficiant principalement du soutien de F.O. D'ailleurs comment faire autrement ? Mais encore faut-il que les relations ne se transforment pas en liens de dépendance. De même, la constitution de l'U.N.E.F.-I.D. n’a été possible que par le soutien de F.O., de la F.E.N., de certains dirigeants du P.S.. Là aussi les relations ne doivent pas se transformer en liens de dépendance.

De nombreux militants sont devenus permanents dans l'appareil F.O. Là également, le danger que s'établissent des liens de dépendance est considérable. La marge est étroite.

Au centre des relations qui s'établissent entre les appareils et l'O.C.I. on trouve toujours Lambert. Ses traits personnels d'intrigant, de combinard, de truqueur, ses tendances opportunistes le rendent particulièrement apte à ce genre de rapports. Mais ils le rendent également particulièrement apte à franchir le pas qu'il ne faut pas franchir en entraînant derrière lui une cohorte d'apprentis bureaucrates.

Lambert vote les rapports d’activité du Bureau Confédéral Force-Ouvrière

Au Congrès confédéral de F.O., en mars 1969, Lambert a participé à la commission qui a élaboré la résolution appelant à voter Non au référendum du 25 avril que De Gaulle a organisé pour tenter de relancer la politique qui visait à instaurer le corporatisme en France. Les considérants de la résolution, au moins certains d'entre eux, étaient plus que discutables. Mais en prenant l’initiative d'appeler à voter Non, la confédération F.O. contraignait la C.G.T., la F.E.N., le P S. et le P.C.F. à appeler aussi à voter Non. Lambert a voté cette résolution et même le rapport d'activité du Bureau confédéral. A mon sens il a eu raison de les voter en cette occasion.

Mais ce qui était une exception motivée est devenue une règle. Depuis Lambert a voté les rapports d'activité du Bureau confédéral. Au dernier Congrès Lambert a voté ce rapport alors, qu'au cours des années qui venaient de s'écouler, la direction de F.O. avait étroitement collaboré avec le Gouvernement Giscard-Barre et le patronat. Or quand Lambert vote dans un tel congrès c'est le dirigeant du P.C.I., c'est le P.C.I. qui vote. Il est vrai que Lambert a prononcé à ce congrès, un virulent discours... ultra " lutte de classe ".

A de nombreuses reprises, sous différents prétextes, Lambert a également donné la consigne aux militants du P.C.I. de voter et d'appeler à voter pour les rapports d'activité des directions du S.N.I. et de la F.E.N. Pourtant ces dirigeants collaborent depuis des années avec les gouvernements en place.

Manifestement le pas a été franchi. C'est au compte de F.O. que Lambert utilise les militants de l'O.C.I. pour démanteler la Fédération de l'éducation nationale, sous le prétexte que les dirigeants de la F.E.N., du S.N.E.S., du S.N.I. font la politique du gouvernement de Front populaire. Et la direction confédérale de F.O. ? Que fait-elle ? Elle approuve les licenciements chez Talbot, chez Citroën, dans la sidérurgie. Lorsque Bergeron s'adresse au Gouvernement il ne lui reproche qu'une chose, d'aller trop vite, d'appliquer trop brutalement sa politique. Il craint qu'agissant ainsi, le gouvernement ne provoque l'explosion.

Mais nous dirait-on : " F.O. défend la laïcité, l'école publique ". En réalité F.O. accepte les crédits à l'école privée et tout le reste. Et aujourd'hui, F.O., comme la F.E.N., se félicite de la politique de Chevènement, politique qui garantit à l'enseignement privé tous les privilèges acquis depuis 1950.

Enfin c’est une évidence que la conception du Parti des Travailleurs a té élaborée du côté de l’avenue du Maine et que son centre opérationnel se situe du côté de l'union départementale F.O. de Loire-Atlantique.

Tout se passe comme si il y avait eu OPA de, l'appareil F.O. sur le P.C.I.

L’O.C.I. s'installe

D'autre part, les temps héroïques du P.C.I. d'avant 1958, du groupe, des premières années de l'O.C.I., où les militants de débrouillaient pour taper leurs tracts, les ronéoter eux-mêmes, accomplissaient à peu près toutes les tâches matérielles, où l'on ne disposait pas de locaux, pas de bureaux sont loin. Matériellement l’O.C.I. s’est installée confortablement. En soi ce n'est bien sûr pas condamnable. Un grand immeuble. Des imprimeries. Des machines. Des bureaux. Un appareil technique considérable, etc... etc… Désormais l'O.C.I. a pignon sur rue.

Le mini-appareil

Le plus important, bien que inséparablement lié à ce qui précède a été la constitution d'un mini-appareil mesuré à la grandeur et à la force des grands appareils du mouvement ouvrier, gigantesque par rapport aux forces du P.C.I.. Immédiatement après Mai-Juin 1968, Lambert a sélectionné homme par homme cet appareil, de même qu'il a sélectionné le C.C. et les organismes dirigeants. Il n'a eu dans ce domaine qu'un seul rival qui lui aussi, en utilisant sa position de dirigeant de l'A.J.S. et ensuite de la commission province, sélectionnait ses hommes. Aucun contrôle de la " base " qui ne s'en souciait pas trop d'ailleurs, n'existait et ne pouvait exister. Fort de son autorité, Lambert désignait qui il voulait à la place qu'il voulait. On était loin de l'élection à tous les niveaux des responsables que Trotsky préconisait. Tout fonctionnait par cooptation. Les élections au C.C. à la fin du congrès dépendaient de qui Lambert voulait ou ne voulait pas avoir au C.C. A la vérité, étant donné son " aura " personne n'y voyait à redire. Aucun contrôle sur les ressources et les dépenses de l'organisation n'existait. Les rapports financiers faits au B.P. étaient de simples additions et soustractions de postes très généraux concernant de grandes masses, sans documents comptables, sans rubriques éclatées. Lambert, quel que soit le responsable en titre, disposait. Pas de commission de contrôle financier. Rien sous le prétexte que cela ressortissait du secret et ne devait pas devenir public.

Trois événements revêtent sur la question du fonctionnement de l'organisation, une particulière importance. " L'affaire Varga ", la liquidation de " la loi de finance " " l'affaire Berg ".

Retour sur Varga

L'affaire Varga. Il est tout de même inquiétant qu'un certain fonctionnement de l'O.C.I. ait permis à Varga d'occuper les postes de direction qu'il a occupés.

Bien sûr, il n'y a aucune garantie que l'O.C.I. ne puisse être infiltrée au plus haut niveau. Tout de même, un examen sérieux de la façon dont avait pratiqué, Varga et comment il avait utilisé un certain fonctionnement de l'O.C.I. n'aurait pas été superflu. Mais on aurait découvert la façon dont Lambert pratiquait, le copinage et bien d'autres choses.

La commission de contrôle financier

Au début de 1976 une commission de contrôle financier a été élue par le B.P. en raison de pertes financières dans certaines affaires. La commission ne put aboutir sur tous les problèmes auxquels elle a été confrontés. Néanmoins, elle a élaboré des règles de fonctionnement financier de l'O.C.I. et, notamment-, comment le budget doit être établi : une " loi de finance " dont tous les postes doivent être éclatés : recettes et dépenses, prévisions et réalisations. Mais elle ne put aller jusqu'au bout du contrôle financier. Néanmoins le " principe " de la " loi de finance " sera appliqué pour deux budgets. Mais la commission ne pouvant aller jusqu'au bout du contrôle, elle cessa de fonctionner. " La loi de finance " a alors été liquidée. Il n'y en aura plus. Tout reprend son ancien cours.

Les limites devant lesquelles s'est trouvée placée la commission et l'arrêt de son fonctionnement ont favorisé les malversations de Berg. Or il faut le dire : Lambert était contre cette commission. Elle s'est trouvée bloquée à cause de lui et a disparu en raison de son opposition.

A nouveau sur l'affaire Berg

L'affaire Berg. On vient de voir comment l'absence de contrôle financier a favorisé les détournements de Berg. Mais surtout l'affaire Berg est une des conséquences de la formation d'un mini-appareil composé de permanents. On pourrait énumérer cas par cas : Josette, Dan, Lionel, Sartana, beaucoup d’autres ont été sélectionnés par Berg et ont été directement ses instruments à l'A.J.S. ou (et)à la commission province. Les racines de l'affaire Berg sont dans le mode de fonctionnement de l'O.C.I. que Lambert a imprimé. Si ce fonctionnement n'avait pas été ce qu'il était, jamais Berg qui était lui-même un déraciné social n'aurait pu agir ainsi qu'il a agi. Mettre à nu les racines de l'affaire Berg revenait à mettre en cause tout le mode de fonctionnement politique, organisationnel, financier du P.C.I., à commencer par la façon dont fonctionne et vit la direction. Il n’en était pas question. C'était déjà pratiquement remettre en cause l'O.C.I.

Plus de cent permanents

Rien n'a changé. Berg exclu, Lambert a utilisé tout le personnel que Berg avait sélectionné. Ceux qui le composaient ont changé d'employeur. Le nombre, déjà considérable, de permanents n'a fait que croître. Aujourd'hui il doit se monter à une centaine si on y inclut les permanents techniques. Le plus grave, c’est que, à peu près tous sont des déracinés sociaux ou le deviennent. Ils forment une coterie dépendant étroitement politiquement et économiquement de Lambert. Ce sont eux qui contrôlent au compte de Lambert le P.C.L. Le P.C.I. ne dispose pas d'un appareil qu'il contrôle. C'est l'inverse. La plupart des membres du C.C. sont des permanents. Il faut ajouter les permanents syndicaux dont, la position dépend de leur appartenance au P.C.I.. La cohorte des permanents s'entoure de " responsables " auxquels elle inculque le sens de la " hiérarchie " et qui souvent l'imitent dans les rapports avec les militants.

Pour ma part, j'ai été éliminé progressivement de toute direction de commission ou de participation à des commissions auxquelles Lambert ne participait pas. Plus grave, Lambert a constitué ainsi qu'il a déjà été dit un " secrétariat " composé de lui, Lacaze, Seljouk, Kostas qu'aucun organisme n'a élu au départ.

Le roi désigne son gentil dauphin

Il est intéressant de revenir sur une lamentable comédie qui a eu lieu au 27e Congrès, Lambert désignant son successeur. Lambert, au cours du rapport sur la direction, a expliqué : pour la première fois ce n'est pas moi qui ai fait le rapport politique devant le congrès ; le camarade Lacaze a prouvé sa capacité à diriger le parti ; je continue le combat que j'ai toujours mené et continuerai tant que je le pourrai, mais il est temps que ce soit quelqu'un d'autre qui dirige le parti ; le camarade qui doit maintenant diriger le parti, c'est le camarade Lacaze. C'était à la fois scandaleux et dérisoire. Scandaleux : personne n'avait le moindre doute, Lambert continuait à diriger le parti. Et même en désignant son successeur il se situait au-dessus de tous, en juge suprême, en souverain dont tout procède. Le roi désignait son gentil dauphin. Dérisoire. Au cas où pour une raison ou une autre, Lambert ne pourrait plus diriger le P.C.I. " les jeunes loups " du Secrétariat se déchireraient à belles dents " l'héritage " et il y a gros à parier que le gentil dauphin serait dévoré. Néanmoins cette anecdote est illustrative des rapports qui existent à la direction du P.C.I.

Les aspects scandaleux et dérisoires de ce petit scénario ne doivent pas masquer la manœuvre qu'il y avait derrière. Lambert transmettait au meilleur selon lui de la nouvelle génération le pouvoir. " Place aux jeunes ". Sinon aux jeunes travailleurs. La " vieille génération " devait céder la place. C'est la vie. C'est ça préparer l'avenir. Lambert, au moins dans l'immédiat, ne cédait pas sa place. Il se situait au-dessus de " la direction " en super sage et gardait en fait le contrôle de tout. Il devenait le " Gourou ". Par contre, d'autres faisant partie de la " vieille génération ", ils devaient comprendre que le moment était venu qu'ils s'en aillent et laissent la place à la " nouvelle génération de dirigeants ". A l'évidence, la " question des générations " n'a rien à y voir. Il s'agit d'une question politique : éliminer tout ce qui peut être un obstacle au nouveau cours.

Un mini-appareil induit des grands appareils

Dans le P.C.I., sous la houlette de Lambert, quelquefois d'une façon caricaturale, étant donné que c'est au nom du " centralisme démocratique " et que le P.C.I. est de plus une petite organisation, se sont- institués des rapports de fonctionnement qui reproduisent les rapports existants dans les organisations bureaucratisées du mouvement ouvrier. Il ne s'agit pas de la naissance d'une " nouvelle bureaucratie ", les bases sociales n’en existent pas, mais d'un mini-appareil induit à l'intérieur du P.C.I. des grands appareils bureaucratiques où si l'on veut, qui traduisent la pénétration au sein du P.C.I. de ces appareils sous la forme d'un prolongement dont la sélection et la fonction, est spécifique : utiliser le P.C.I..

" La ligne de la démocratie ", la construction d’un parti qui selon Lambert, ne doit jamais se constituer (sic) dénommé " parti des travailleurs " qui n’a pas de programme, sinon celui de " la démocratie " indiquent la place qui est assignée au P.C.I.. A signaler aussi l'évolution de l'U.N.E.F.. La défense de l'U.N.E.F. et sa prise de direction one menées victorieusement dans la lutte, notamment contre la participation, le boycott des élections aux conseils de gestion des universités. Depuis 1982 l'U.N.E.F.-I.D. participe aux élections aux conseils de gestion et y siège.

Mon rôle et ma place

Inéluctablement la question doit être soulevée : " tu passes pour être à côté de Lambert un chef historique de l'O.C.I. Que faisais-tu au cours de toutes ces années ? "

Je l'ai déjà dit : avant 1958,mon rôle est resté secondaire. Au début 1959, j’ai quitté le groupe : j'avais des problèmes personnels. Je suis resté manœuvre à la RATP jusqu'en 1958. En outre, j'en avais un peu assez du fonctionnement du groupe Lambert.

J'ai raccroché en septembre 1962 au moment du référendum sur l'élection au suffrage universel du président de la République.

J'ai remilité à partir d'avril 1963 dans le groupe. J'ai commencé à avoir une influence réelle vers cette époque et surtout à partir de 1965. Mais enfin elle n'était pas comparable à celle de Lambert.

Pourtant j'étais le seul dans l'O.C.I. à pouvoir discuter d'égal à égal avec lui et, éventuellement, à le mettre en cause parce que j'étais capable de répondre largement à l'ensemble des problèmes qui confrontaient l'O.C.I. : Internationale, de l'O.C.I., dans la lutte des classes.

Je n’ai jamais fait partie de l’appareil.

En outre :

1°) Alors même que je m'opposais à telle ou telle orientation je le faisais en m'efforçant de rectifier la ligne sans ouvrir de conflit politique ;

2°) L'affaire de la commission de contrôle : pousser au bout c'était mettre en cause l'existence même de l'O.C.I.. C'est à peu près la même chose en ce qui concerne l'affaire Berg ;

3°) Je pensais que les oscillations et tendances opportunistes seraient surmontées ;

4°) J'étais aussi aspiré par la tendance à l'opportunisme et j'étais loin, tant que j'étais dans le cadre du S.I., du B.P., du C.C., de voir toujours clair et d'appréhender les tenants et les aboutissants ;

5°) Je mesurais l'ampleur des problèmes que je soulevais et à quoi il faudrait répondre.

Enfin, dès 1973 Lambert a commencé à prendre ses précautions. Elimination de la direction de la commission internationale en raison des liens et relations qu'elle permettait de nouer.

En 1976, comme en 1979, il tremblait de peur. Il a d'autant plus pris le contrôle étroit de l'appareil et il l'a renforcé après l'affaire Berg. A partir de là un long travail de taupe pour m'écarter de toute direction réelle, d'autant que je n'étais pas d'accord avec de nombreuses prises de position. Le tout s’est accentué à partir de 1980-81. Pendant des années une campagne souterraine a été menée contre moi. Fin 1981 un " secrétariat " a été élu par personne et s'est mis à fonctionner. Il a décidé de l'essentiel. Le B.P. était de fait court-circuité. Il n'a été légalisé qu'après le 27e Congrès. Mais la rupture de " IVe Internationale C.I. " a contraint Lambert qui avait besoin de moi à ralentir son offensive.

J'étais éliminé du comité de rédaction de " I.O. ". Ces deux dernières années je n'avais pratiquement plus de responsabilité. Le problème était alors de savoir quand et comment engager la bataille. J'avoue d'ailleurs que je ne pensais pas que Lambert précipiterait le mouvement de mon élimination et non plus seulement de la direction du P.C.I., mais du P.C.I. lui-même.

Le moment de la transformation de quantité en qualité : l'union de la gauche au pouvoir

Les oscillations et tendances opportunistes, le rôle de Lambert et certaines de ses tendances propres, le mode de fonctionnement de l'O.C.I. et ensuite du P.C.I., les liens noués avec l'appareil F.O. et au moins certains milieux du P.S., la constitution du mini-appareil entièrement entre les mains de Lambert prédisposaient à la subordination du P.C.I. à la politique du Front Populaire. Tant que " l'union de la gauche " et, en particulier le P.S., étaient dans l'opposition, compte tenu que l'O.C.I. ne représente qu'une force politique limitée, l'orientation pouvait apparaître une orientation entachée d'opportunisme mais restant cependant dans le cadre général du " trotskysme ". L'épreuve de " l'union de la gauche ", du " front populaire " a été décisive : les oscillations, les tendances opportunistes se sont transformées en révisionnisme ; le mini-appareil est devenu un instrument de subordination du P.C.I. à cette politique et d'épuration de celui-ci des militants n'acceptant pas cette politique.

Il en va toujours ainsi. C'est toujours au moment où apparaît une situation pré-révolutionnaire pouvant se transformer en situation révolutionnaire ouverte que pèse sur les organisations qui se réclament de la révolution prolétarienne tout le poids de la société bourgeoise. Les contradictions qu'elles recèlent, inéluctablement prennent toutes leurs forces. Les mille liens qui les attachent à la société bourgeoise se tendent et l'enserrent. Il était donc inévitable que, avec l'avènement au pouvoir de " I’union de la gauche ", le P.C.I. soit soumis à une pression gigantesque, que ses contradictions se tendent et les liens qui le lient à la société bourgeoise se resserrent.

Chiffres officiels de la progression de l'O.C.I. depuis 1968

Pourtant à partir de 1968 l'O.C.I. s'est constituée comme organisation jusqu'à être en mesure de redevenir à son 26e Congrès le P.C.I.. Elle pouvait légitimement prétendre avoir la force et les moyens de devenir un parti jouant un rôle national, sinon être " le " " parti révolutionnaire " dirigeant. Les chiffres fournis au 24e Congrès en ce qui concerne sa progression numérique sont les suivants :

Janvier1968 : 528 militants Janvier 1978 : 3 558 militants
‘’ 1971 : 1 245 militants ‘’ 1979 : 4 427 militants
‘’ 1973 : 1 807 militants ‘’ 1980 : 3 840 militants
‘’ 1977 : 2 436 militants (24e congrès avril 1980) : 4 026 militants

Dans son rapport pour le 28e Congrès Kostas indiquait :
 

Janvier 1981 : 4.760 militants Mai 1981 : 5 617 militants
Mai 1983 : 6 332 militants Janvier 1984 : 5 900 militants

Jusqu'en 1977 ces chiffres correspondent à une progression réelle. Avant d’être intégrés à l'O.C.I., les militants passent par des G.E.R. Lorsqu'ils sont intégrés, ce sont en général de véritables militants. La formation des militants est poussée autant qu'il est possible bien que toujours insuffisante.

Berg exclu, ses méthodes triomphent

Ensuite les chiffres sont trompeurs. A partir de 1977, la façon de recruter commence à être modifiée. Nombre de cotisants cotisent peu et ne militent guère plus. Ce sont, tout au plus, des sympathisants mais ils sont comptabilisés " militants ". Berg ira plus loin. Il procède à une véritable cavalerie. " L'affaire Berg " éclate au 22è Congrès en février 1979. La chute des effectifs constaté au 1er janvier 1980 correspond à un certain " dégraissage ".

En 1980 " l'inflation " reprend de plus belle. Pour apprécier les chiffres au 1er janvier 1981 il ne faut pas omettre qu'avec la fusion O.C.I.-L.C.I. ce sont 450 militants qui ont été intégrés d'un seul coup en octobre 1980 à l'O.C.I..En 1981-82, le truquage commence ou s'amplifie. Jusqu'alors les membres des G.E.R. et, ultérieurement des pré-cellules, n'étaient pas comptabilisés en tant que militants du P.C.I.. Lorsque les pré-cellules sont supprimées et que le recrutement se fait par l'entrée directe en cellule tous sont comptabilisés " militants ". En conséquence, les chiffres sont ainsi gonflés de 7 à 800. Berg a été exclu. Ses méthodes de comptabilisation des " militants " au P.C.I. triomphent. Par des jongleries comptables nombre de " phalanges " sont fictives. Ce qui n'empêche pas une chute du nombre des " inscrits " au P.C.I. : moins 432 entre Mai 1983 et Janvier 1984, c'est-à-dire en 7 mois.

Stagnation réelle et décomposition politique de l'O.C.I.-P.C.I.

En réalité le nombre de militants réels (et non celui des " inscrits ") n’a sans doute que peu augmenté, s'il a augmenté, entre 1978 et Janvier 1984. Circonstance aggravante mais normale, parce que consécutive à cette conception de la construction de l'O.C.I. et ensuite du P.C.I., la vie politique, le fonctionnement du P.C.I. se sont délabrés, Le recrutement est devenu un recrutement type " fête de l’Humanité ". Le fonctionnement politique est celui d'un " parti de masses " sans les " masses " (5 900 inscrits). L'O.C.I. et le P.C.I. deviennent des passoires. Il n'y a pratiquement plus de formation : ni des, cadres, ni des militants. Les militants réels sont lancés dans un activisme fébrile et superficiel. Ils montent et descendent les étages, doivent effectuer des collages massifs d'affiches, assurer des permanences tonitruantes sur les marchés. C'est la conception construction de l’O.C.I., puis du P.C.I., selon les méthodes du " Barnum Circus ". Par contre, nombre " d'inscrits " ne participent jamais à leur réunion de cellule et à l'activité de l'organisation. Les réunions de cellule se réduisent à la lecture commentée de l'édito d'" Informations ouvrières ".

LA IVe INTERNATIONALE MANQUE LE RENDEZ-VOUS DE 1951-53

-------------------------------------------------------------------------------------------

Les causes propres au P.C.I. s’incluent en des causes plus générales

Dans tout ce oui précède j’ai essayé de montrer qu'il y a des causes profondes propres au P.C.I. qui ont amené à la politique révisionniste et on peut bien dire liquidatrice actuelle de la direction. Liquidatrice même si elle permettait une progression formelle du P.C.I., dans la mesure où elle le dénature et en fait une organisation qui a de moins en moins à voir avec le parti révolutionnaire que nous avons à construire. Le rôle particulier de Lambert, pourquoi et comment il en a été ainsi a été souligné. Pourtant on ne peut en rester là. Il y a des formes, des causes propres concernant le P.C.I. mais qui procèdent et s'incluent dans des conditions plus générales, ou plutôt une qui les concentre toutes : la crise qui a disloqué la IVe Internationale.

La IVe Internationale

Le rôle de Lambert, comment, pourquoi ne s'explique qu'en relation avec la crise de la IVe Internationale. Les faiblesses, les oscillations, les tendances opportunistes ont été d'autant plus difficiles à surmonter qu'elles procédaient d'un certain héritage dont les conséquences les plus négatives ont été la crise de la IVe Internationale et que la crise de la IVe Internationale privait le P.C.I. du cadre des rapports politiques qui lui auraient permis de palier à ses faiblesses et de surmonter ses contradictions. Bien entendu, l'effondrement du P.C.I., alors que les conditions objectives de la construction du parti révolutionnaire se dégageaient, notamment en raison de l'ouverture de la révolution politique et de la crise du stalinisme, l'ont marqué.

S.U. : un mode de fonctionnement fédératif et social-démocrate

Un rapide coup d'œil permet de voir que la façon dont fonctionne le P.C.I. les oscillations et tendances opportunistes débouchant, sous une forme ou sous une autre, sur le révisionnisme, ne lui sont pas propres. Toutes les organisations dont l'origine est la IVe Internationale sont marquées. En ce qui concerne l'opportunisme et le révisionnisme il n'est même pas nécessaire de s'y attarder : c’est l'évidence. En ce qui concerne le mode de fonctionnement, il y a quelques différences notables. Le mode de fonctionnement du S.U. est du type fédératif. Des compromis et marchandages se concluent de puissance à puissance - ainsi depuis 1963 entre le S.W.P. et une autre partie du S.U.. Ils se conjuguent à une démocratie formelle. La L.C.R. en tant qu'organisation fonctionne plutôt dans le style d'une organisation social-démocrate, rassemblement de tendances. Mais les autres courants internationaux, les autres organisations nationales issues de la crise de la IVe Internationale ont un type de fonctionnement bien particulier : toutes sont marquées par une sorte de caudillisme :

La S.L.L.

La S.L.L. a été, vers la fin des années 1960, la plus forte organisation trotskyste. Elle avait conquis la direction de la jeunesse du Labour Party. Son type de fonctionnement. était autoritaire, à partir d'un chef, d'un caudillo, entouré d'un certain nombre de -lieutenants. L'aboutissant a été la rupture du C.I., la destruction de la S.L.L. comme organisation trotskyste.

Le P.O.R.

Le P.O.R. a été un parti jouant en Bolivie un rôle national, pouvant prétendre à la direction du prolétariat. Mais lui aussi a fonctionné de façon autoritaire, à partir d'un chef, d'un caudillo : Lora. Le P.O.R. a éclaté.

Moreno - Lambert

Moreno est lui aussi un dirigeant de type caudillo. Lambert, en France, est lui aussi une sorte de- petit caudillo.

La IVe Internationale attribut nécessaire

Healy – Moreno - Lambert, chefs d'une organisation nationale plus ou moins puissante, disposant de moyens matériels plus ou moins grands, ont constitué leur regroupement international - au nom de la IVe Internationale. C'est un attribut nécessaire à tous ces caudillos qui prétendent : incarner le trotskysme. Il faut qu'ils adoptent, au moins dans la forme, la caractéristique indispensable: se réclamer de la construction ou de la reconstruction de la IVe Internationale.

Le S.W.P.

Le S.W.P. représente un autre cas. Son fonctionnement a longtemps été personnalisé. Canon faisait la loi surtout après l’assassinat de L. Trotsky. Tant que Léon Trotsky vivait Canon devait respecter certaines normes. La discussion de 1939-40 a été une discussion réelle parce que Léon Trotsky l'a imposée. Il disait même que si Schachtmann et Burnham avaient la majorité il faudrait respecter la discipline.

Après la mort de Trotsky, le régime du S.W.P. a été rien moins que démocratique. Canon a personnifié ce que l'on a pu appeler le canonisme. Aujourd'hui le S.W.P. a basculé du côté du castrisme et son fonctionnement n’a rien à envier au fonctionnement du P.C.I. et réciproquement.

Pablo

Le mode de fonctionnement que Pablo avait imprimé à la IVe Internationale tendait à imposer son caudillisme à lui.

On est bien obligé donc de considérer :

Les causes

Les causes profondes sont celles qui ont conduit au pablisme :

Pas une nouvelle bureaucratie

Il n'y a pas de nouvelle bureaucratie à partir de la IVe Internationale, mais des cliques, des coteries qui, en réalité, sont induites, sont la projection, ou plutôt la réflexion des bureaucraties des organisations traditionnelles. La raison : absence de base sociale. C'est possible pour les raisons précédemment énoncées.

La IVe Internationale n'est pas au rendez-vous de l'histoire

La raison fondamentale de la formation de coteries comme celles de Healy, Lambert, Moreno, Barnes, c’est le fait qu'en 1951-53, alors, qu'avec la révolution politique sonnait l'heure de la IVe Internationale, celle-ci craquait en tant qu'organisation internationale. C’est un nouveau drame historique pour la classe ouvrière comme l'ont été la faillite de la Ile Internationale, le passage définitif de la IlIe Internationale du côté du maintien de l'ordre bourgeois.

Alors que se débloquent les rapports dans la classe ouvrière qui permettent sa construction la IVe Internationale craque. Il faut se rendre, compte que la IVe Internationale et ses organisations, intervenant de façon centralisée aux échelles internationales et nationales (l'élément subjectif), cela modifiait profondément le développement de la crise du stalinisme et l'accélérait.

1951-53 : un tournant mondial

Que l'on se rende compte : en 1952, la révolution bolivienne, en Juin 53 le mouvement révolutionnaire de l'Allemagne de l'Est, précédé d'importants mouvements en Tchécoslovaquie (Pilsen), la crise de direction de la bureaucratie stalinienne à la mort de Staline, en Août la grève générale en France, en 1956, la révolution hongroise des conseils, quelles extraordinaires possibilités ouvertes à- une IVe Internationale centralisée et agissante sur le programme et selon la méthode trotskyste.

Au lieu de quoi : la dislocation, la destruction d'organisations comme le PCI, la direction de la IVe qui sert de couverture au stalinisme.

Les répercussions de cette crise continuent à se développer aujourd'hui ce qui se passe dans le P.C.I. en est une, je crois l'avoir montré au cours de cet exposé.

Alors se posent les questions : où en sommes-nous ? que faire ?

La continuité de la IVe Internationale avec ses contradictions

Où en sommes-nous ? Le premier texte préparatoire aux journées d'étude s’efforce de montrer que nous ne repartons pas à zéro.

Une donnée objective, décisive doit être clairement reconnue. La crise de la IVe Internationale n'a pas- permis que la crise du mouvement ouvrier, du stalinisme ait comme résultat immédiat la construction de la IVe Internationale et de ses partis. Le programme, la lutte politique pour sa défense ont, néanmoins, été assumée et aussi la continuité de ce que signifie la IVe Internationale. L'OCI a été la force agissante et s'est construite dans cette bataille, tout en étant profondément marquée par la crise de la IVe Internationale. Mais on peut dire que si en 1951-53 la IVe Internationale n'a pas été au rendez-vous de l'histoire, à son tour en 1979-1984, le P.C.I. n’a pas été au rendez-vous de histoire. Il a été submergé par l'opportunisme et les méthodes d'appareil au moment où son heure sonnait, où il pouvait devenir un parti révolutionnaire jouant un rôle national.

L'O.C.I., le P.C.I. d'aujourd'hui sont l'expression concrète, vivante de cette contradiction. Ils sont à la fois étroitement contrôlés par un mini-appareil dans les conditions que je me suis efforcé d'expliquer et un acquis politique et militant considérable. Le sort du P.C.I. n'est pas réglé. C'est pourquoi nous combattons pour le redressement politique et organisationnel du P.C.I..

Pas de redressement pacifique du P.C.I.

Le redressement politique et organisationnel du P.C.I. ne peut résulter d'une simple lutte formelle pour la réintégration. Il faut briser le mini-appareil. Ce ne peut résulter que d'un profond mouvement interne au P.C.I. extrêmement difficile à réaliser, d'une véritable révolution interne et non sans casse.

Cependant, et c'est là un point décisif, je dirai le point décisif impulser le mouvement à l'intérieur du P.C.I., nourrir le mouvement des militants contre le mini-appareil cela ne peut résulter d'une simple intervention littéraire.

Intervention dans la lutte des classes

Il nous faut intervenir dans la lutte des classes selon une orientation politique précise, en donnant des réponses politiques, en nous construisant nous-mêmes.

Du point de vue des réponses politiques, le rapport politique et sa discussion permettront de préciser. Mais je crois qu'il faut dégager un thème central sans lequel nous ne pouvons nous construire. La nécessité d'un nouveau parti n'est pas discutable. La possibilité de ce parti existe. Mais est-ce le Parti des Travailleurs et, qui plus est, sur la ligne de la démocratie ? Non.

Sur un programme d'action anti-capitaliste

La situation de la classe ouvrière française, son expérience politique, l'histoire du mouvement ouvrier français ne sont pas identiques à ceux du Brésil, ou des U.S.A. La classe ouvrière n'a pas à se constituer comme classe politiquement organisée. C'est vrai d'ailleurs en général en Europe. Si un nouveau parti est nécessaire, il s'agit d'un parti ouvrier révolutionnaire axé sur l'actualité, la nécessité de la révolution prolétarienne, de la marche au socialisme qui combatte sur la ligne : " on ne peut rien résoudre si on craint de s'engager sur la voie qui mène au socialisme ". Un tel parti ne peut se constituer sans un programme d'action qui se situe sur ce terrain.

Nous devons lier à notre intervention dans la lutte des classes l'agitation politique sur ce thème, recruter nous-mêmes, constituer des groupes, des cercles politiques avec ceux qui estiment qu’un tel parti est nécessaire.

Mot d'ordre algébrique

" Pour un parti ouvrier révolutionnaire " est un mot d'ordre algébrique dont on ne peut fixer à priori les composantes arithmétiques. Ce serait faire aujourd'hui des plans sur la comète.

De notre intervention dans la lutte des classes, de notre agitation pour un parti ouvrier révolutionnaire, dépendra l'efficacité de notre intervention pour redresser politiquement et organisationnellement le P.C.I..

La question des permanents

Organisationnellement, j'y insiste : on ne peut éviter qu'un appareil, que des permanents soient nécessaires, dès lors que l'organisation se développe. Mais encore. Comment est-il sélectionné ? Comment est-il contrôlé ? Quel est son poids relatif par rapport à l'organisation. Pour ma part, j'en suis venu à la conception : les permanents ne doivent pas être majoritaires dans le Comité Central ; il doit y avoir un statut des permanents qui en limite le nombre par rapport à la grandeur de l'organisation et, autant que possible, ne fasse pas devenir permanents des militants peut-être dévoués mais n'ayant pas d'expérience dans la lutte de classe, voire pas de formation politique. Il faut, autant que possible, qu'ils puissent se reclasser socialement.

Elections

Il faut en revenir à l'élection (peut-être au scrutin secret lorsque c'est nécessaire) des responsables à tous les niveaux.

Il faut aussi que les fonds, recettes et dépenses de l'organisation soient strictement contrôlés.

Contrôle financier

C'est un phénomène extraordinaire dans le P.C.I., il n'y a aucune commission de contrôle financier. Il faut un budget permettant de contrôler chaque centime des recettes et des dépenses. Le coup de " l'ennemi nous épie " c'est de la rigolade. Ce n'est qu'un prétexte pour éviter qu'il y ait un budget réel et le contrôle financier.

Nous devons projeter l'agitation sur ces thèmes également dans le P.C.I. car ce sont des problèmes politiques de fond. Et ils auront un écho considérable.

Armement théorique et politique

Naturellement ce ne sont là que des garde-fous. Tout dépend, en dernière analyse, de l'armement théorique et politique des militants de l'organisation, de sa capacité à se construire.

Mais il faut aller plus loin. Et si le P.C.I. n'est pas redressé ? Et l'Internationale

Si le P.C.I. n'est pas redressé

Si le P.C.I. n'est pas redressé, ce qui est possible, il me semble néanmoins que c'est la seule orientation qui nous permette : de, regrouper, d'organiser ceux que la direction du P.C.I. enserre dans le carcan du mini-appareil, de la fidélité à un passé et à un avenir qu'il trahit et de se mettre en situation de poursuivre le combat pour la construction du parti révolutionnaire, de l'Internationale

Si le P.C.I. est redressé, le noyau international que constitue " IVe Internationale (CIR) " le sera aussi.

Si le P.C.I. est redressé poursuite de la lutte pour la reconstruction de la IVe Internationale

Il faut dire également que la capacité de réagir à la politique que la direction du P.C.I. imprime au P.C.I. et aussi à " IVe Internationale(CIR) "la réaction d'organisations, de militants qui en sont membres est un facteur très important de redressement possible du P.C.I. Dans ce cas, la lutte pour la reconstruction de la IVe Internationale se poursuivra : Dans quelles conditions ? Nous le verrons bien. Ce sera naturellement en relation avec les développements de la crise du mouvement ouvrier, des forces dont nous disposerons. Ce ne sera vraisemblablement pas sous la forme de " petit poisson deviendra grand ", mais par des regroupements.

La question de la IVe Internationale si le P.C.I. n'est pas redressé.

Et si le P.C.I. n'est pas redressé ? " IVe Internationale (CIR) " et nombre d'organisations qui y participent seront certainement entraînés dans le désastre. Il faudrait alors faire un bilan de la IVe Internationale et de sa crise. Je dis tout de suite que ses acquis théoriques et programmatiques, politiques resteront des acquis indispensables à la construction de partis révolutionnaires dans chaque pays, de l'Internationale nécessaire. Mais peut-être faudra-t-il conclure que la IVe Internationale, faute d'avoir pu s'enraciner, faute d'avoir été au rendez-vous de l'histoire en 1951-53 a pourri sur place et a pourri par la tête faute de se nourrir de la sève dont un parti, une internationale ont besoin, qu'elles ne peuvent puiser que par des racines plongeant et se développant profondément et largement dans le prolétariat.

Reconstruction du mouvement ouvrier sur un nouvel axe

Mais il nous faut revenir sur le développement de la situation objective. En 1951-53 de nouveaux rapports commençaient, commençaient seulement, à apparaître dans le mouvement ouvrier, de nouveaux rapports entre les masses, les appareils bureaucratiques, et particulièrement l'appareil international du stalinisme, la bureaucratie du Kremlin. La IVe Internationale n'était pas au rendez-vous et les conséquences en sont immenses. Pourtant ces nouveaux rapports se sont depuis considérablement développés. Ils ont pris une dimension nouvelle bien que leurs développements aient été, à l'échelle internationale et dans chaque pays, inégaux tout en étant combinés. C'est la signification de la tendance au regroupement de la classe ouvrière, du prolétariat sur un nouvel axe et c'est en cela notamment que la nouvelle période de la révolution prolétarienne ouverte en 1968 diffère profondément de celle de la fin de la guerre et de l’immédiat après-guerre.

Et aujourd'hui

C'est ce que traduit, tout aussi bien la révolution politique en Pologne, que les millions d'abstentionnistes des dernières élections en France. La nécessité de nouveaux partis, qui ne peuvent être que des partis révolutionnaires, se donnant pour tâche d'en finir avec le capital et les bureaucraties parasitaires, ainsi qu'avec les appareils des organisations traditionnelles, est devenue une nécessité objective pressante ressentie par des millions d'être humains de prolétaires, de jeunes. En même temps ils sont extrêmement méfiants et réticents. Alors qu'ils jettent la chemise sale du réformisme et du stalinisme, la IVe Internationale se décompose, en France, le P.C.I. a une politique de couverture de l'aile " réformiste " de " l'union de la gauche ". Ils hésitent avant de passer une autre chemise.

Mais la nécessité impérieuse de disposer de nouveaux moyens politiques l'emportera. Ce que seront ces moyens politiques n'est pas donné à l'avance, car cela se fera dans la pire confusion, vraisemblablement pas d'un seul coup, au prix de contradictions, de flux et de reflux et sur une longue période. En tout cas, en agissant ainsi que nous allons le faire, nous aiderons ce processus à se développer, nous nous y insérerons.

Non décidément, nous ne recommençons pas à zéro. Nous poursuivons, selon des conditions données, à un moment donné, le combat séculaire du prolétariat pour se doter des moyens de son émancipation.

Le 27 Août 1984, Stéphane JUST.

Début