Lutte de classe
Comment
légitimer le gouvernement ? Mode d’emploi.
Des camarades m'ont reproché mes prises de position contre le PT. C'est leur droit. C'est le mien également de dénoncer les manipulations quand je pense qu'il y a manipulation, d'où qu'elles viennent.
Chacun a encore en mémoire les
articles d'Informations ouvrières s'en prenant au PS et à ses alliés
PCF, LCR, parce qu'ils s'étaient adressés à Chirac et à l'UMP pour qu'ils
abrogent le CPE. C'était correcte de le faire, mais alors, pourquoi faire la même chose quelques semaines plus
tard ?
En lisant les décisions qui ont
été adoptées par la deuxième convention nationale du Comité pour la
reconquête de la démocratie qui s'est tenue les 27 et 28 mai 2006, on ne
peut être que surpris et stupéfait à la fois. Qu'apprend-on ?
Ils vont organiser trois
délégations : une au ministère de l'Intérieur, une autre au ministère de la
Justice et une troisième au Ministère de l'Education nationale.
A quoi cela rime-t-il? Ils vont
aller dans chacun de ces ministères pour demander aux ministres de revenir sur
les lois qu'ils viennent de faire passer, on croit rêver. Après la lettre
qu’ils avaient adressée à de Villepin au mois d’octobre 2005, pour lui demander
de « trouver des solutions », on appelle cela de la récidive,
de l’acharnement.
En vérité, cette initiative
pourrait très bien être revendiquée par le PS, le PCF et la LCR réunis !
J'avais indiqué, il y a quelque
mois, que le PT monterait à son tour au créneau pour défendre les institutions
de la Ve République et le gouvernement, en voilà une nouvelle preuve magistrale
servie sur un plateau pour ceux qui n'avaient pas encore compris la nature de
ce parti. Quelle preuve manifeste d'allégeance au pouvoir en place et de sa
capitulation devant la bourgeoisie !
Alors que les contre-réformes
continuent de s'abattre sur les travailleurs et jeunes à un rythme effréné,
qu'est-ce que nous pouvons attendre de telles initiatives ? A quoi cela
sert-il, et quelle en est en réalité la finalité ?
Le gouvernement Chirac-de
Villepin-Sarkozy aurait-il encore la moindre légitimité, ne serait-il plus
minoritaire dans le pays ?
Alors que l'UMP-UDF a été balayé à
trois reprises en 2004, lors des élections cantonales, régionales et européennes, cela n'a pas empêché Chirac et
le Medef de continuer la même politique dictée par l'Union européenne.
Alors que le 29 mai 2005 nous
avons massivement rejeté la politique mis en oeuvre par Chirac et son
gouvernement, cela ne les a pas empêchés de continuer avec le CNE, le CPE, etc.
Alors que plusieurs millions de
travailleurs et jeunes sont descendus dans la rue entre février et avril 2006
pour dire à Chirac et à son gouvernement que nous en avions marre de leur
politique ultra réactionnaire, cela ne les a pas empêchés de continuer avec le
CNE pour les travailleurs de plus de 57 ans, la loi sur l’immigration, et ce
n'est pas fini, puisqu'ils ont déjà annoncé de nouvelles contre-réformes aussi
capitales et réactionnaires touchant l'ensemble des travailleurs et jeunes,
dont la fermeture de 113 services de chirurgie, la suppression de 15 000 postes
dans la fonction publique, le dépeçage d’EADS, etc.
Donc, si on fait le compte, trois
élections, un référendum, des millions de travailleurs et jeunes dans la rue
n'auront rien changé à la détermination de Chirac-de Villepin-Sarkozy de
continuer à mettre en oeuvre une politique antisociale entièrement tournée
contre les travailleurs et les jeunes
de ce pays.
Cela ne constitue-t-il pas la
preuve qu'il n'y a rien à attendre de ce gouvernement, d'ailleurs à chaque fois
qu'ils en ont eu l'occasion, les travailleurs l'ont clairement signifiés en
rejetant massivement sa politique réactionnaire. Manifestement, les illusions
ne se situent pas du côté des travailleurs, mais bien du côté du PT, qui continue
de s'adresser au gouvernement, comme si les travailleurs ne s'étaient jamais
exprimés, bref, comme s'ils n'existaient pas.
Il faut bien dire les choses comme
elles sont à un moment donné, que cela plaise ou non à certains, peu importe.
Bien entendu, cette triple
initiative n'est pas due au hasard. Dés lors qu'elle ne peut pas profiter aux
travailleurs et jeunes, on est en droit de se poser une question : à qui
profite-t-elle ?
L’intervention de Lambert à cette
convention nous donne la clé qui nous permet d'y répondre, ces initiatives
opportunistes s'inspirent de la ligne
politique du PT .
Pierre Lambert a expliqué qu'en
1945 la "démocratie sociale s'est inscrite tout de suite",
omettant de dire au passage que c'était la question du pouvoir et du régime qui
était alors posée, et que la "démocratie sociale" a en réalité
coïncider avec la liquidation de toute issue politique révolutionnaire pour les
masses. C’est ce marchandage que Lambert passe soigneusement sous silence. Que
Lambert le revendique aujourd'hui, il n'y a rien d'étonnant, puisqu'il a
liquidé depuis le parti révolutionnaire qu'il avait lui-même contribué à
construire, le PCI, au profit du parti ouvrier-bourgeois PT. Au passage, cela
nous donne une idée plus précise des limites de ce mot d'ordre qui a
effectivement toute sa place dans la perspective politique de la préservation
de l'Etat bourgeois, Lambert vient d'en donner la preuve lui-même.
En ajoutant "on est passé
par dessus" le patronat, il voudrait nous faire croire que nous sommes
dans une situation politique, économique et sociale similaire à celle de 1945,
que nous vivrions pour un peu dans le même monde, comme si les contradictions
du système économique capitalisme ne s'étaient pas considérablement accentuées,
profondément aggravées, pour aboutir aujourd'hui à la remise en cause
systématique de toutes nos conquêtes sociales et démocratiques, pas seulement
en France mais sur tous les continents.
On pourrait aussi poser une
question à Lambert : qui est « on » ? De Gaulle et Thorez
associant les partis ouvriers et les syndicats à la
« reconstruction » de la France à travers un certain nombre
d’institutions comme la Sécurité sociale? Il faudrait quand même un jour
remettre les pendules à l’heure.
Alors que la liquidation de l’Etat
bourgeois était à l’ordre du jour en France en 1945, que la constitution d’un
gouvernement ouvrier était directement posée, c’est au nom « d’une seule
police, d’une seule armée, d’un seul Etat » que Maurice Thorez liquidera
les embryons de soviets qui existaient notamment dans le sud de la France où
les militants voulaient instaurer La Commune, à Toulouse, en négociant avec de
Gaulle la collaboration du PCF, ce qui se traduisit concrètement par des
concessions, dont certes, la classe ouvrière profitera pendant des décennies et
même jusqu’à nos jours, mais dans le cadre de la collaboration de classe
institutionnalisée, de la soumission totale des syndicats et des partis
ouvriers à l’ordre bourgeois. Les concessions de la bourgeoisie ont été faites
à cette condition, l’acceptation du cadre de la collaboration de classe, ce que
de nombreux militants semblent ne pas savoir ou avoir oubliés.
C’est dans ce cadre une fois posé
et accepté définitivement par les dirigeants des syndicats et des partis
ouvriers, que se situeront dorénavant tous les rapports entre la bourgeoisie et
les représentants du prolétariat. Cela aide peut-être à comprendre où nous en
sommes aujourd’hui, car tous les partis, y compris ceux des trotskystes, se
sont accommodés de cette situation allant même jusqu’à lui trouver des
avantages, ne chantent-ils pas tous les louanges de la politique contractuelle
qui limite volontairement la hausse des salaires des travailleurs et leurs
droits, en laissant les dirigeants des entreprises et les actionnaires fixer
eux-mêmes leur propre rémunération, ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
Qui ne voit pas que les marges de manœuvre du capitalisme mondiale se réduisent un peu plus chaque jour qui passe, il ne leur reste plus que la majorité des pays africains et une partie des pays asiatiques comme réserve d'esclaves pour contrebalancer la baisse tendancielle du taux de profit, au-delà, dans le reste du monde, pour assurer leur survie, ils doivent affronter frontalement les travailleurs en prenant le risque de déclencher une révolution sociale à tout moment.
Pour tenter de freiner la
décomposition inexorable du système capitaliste, ils ont accéléré la
réintégration de l'ex-URSS et de ses satellites dans l'économie de marché, le
même mouvement est actuellement en cours en Chine et dans l'ensemble des pays
du sud-est asiatique, afin d'élargir leur marché et écouler leur production
tout en délocalisant une partie de leur production vers ces pays pour baisser
la part du capital variable (salaire) entrant dans le procès de la production,
et ainsi maintenir ou accroître leur taux de profit. Cet objectif n'a pas pu
être entièrement atteint, car les revenus de la population de ces pays ne
permettaient pas d'absorber les marchandises nouvellement produites et les salaires
des travailleurs des pays où le capitalisme est le plus développé ont été
bloqués ou ont diminué au cours des dernières décennies.
Alors quand on prend la peine de
regarder la situation économique et sociale dans tous les pays où le
capitalisme est le plus développé, on s'aperçoit que partout les mêmes règles
sont appliquées remettant systématiquement en cause les droits sociaux et
démocratiques de la population, il n'y a pas un pays dans le monde où on
enregistre un progrès social, Lambert semble l'oublier, étonnant. D'après les
capitalistes et leurs valets réformistes du PS, au Danemark, le pays cité
régulièrement en exemple pour son "modèle social", où le mode de vie
y serait idyllique paraît-il, c'est justement dans ce pays où l'on travaille le
plus longtemps en Europe, jusqu'à 67 ans ! Quel progrès social !
Lambert est un réformiste, donc il
pense logiquement que le capitalisme français serait encore en mesure de
procéder à des réformes progressistes, il doit bien être le seul à le croire.
Nous, nous pensons le contraire, je pourrais dire par la force des choses, en
observant ce qui se passe partout dans le monde, tout simplement, je n'invente
rien.
A ce stade, une question se pose : qui peut procéder à
des réformes progressistes demain, pas dans un avenir indéterminé, qui s'en
réclame ? Devinez : ce n'est pas l'UMP ou l'UDF, mais les réformistes, les
philistins petits-bourgeois du PS ! Lambert ne peut évidemment pas le dire
aussi clairement, lui qui pense encore que le réformisme à un avenir devant
lui, son parti éclaterait immédiatement, mais sa ligne politique conduit à
soutenir dans la pratique le réformisme comme nous venons de le voir.
Que Lambert se réclame de la lutte
des classes, libre à lui, mais cela n'engage à rien, comme le disait Lénine, à
partir du moment où la finalité de la lutte des classes ne réside pas dans la
dictature du prolétariat, autrement dit dans la constitution de la classe
ouvrière comme classe dominante. Or le PT ne combat pas pour prendre le
pouvoir, il ne combat pas non plus pour que les travailleurs prennent le
pouvoir, il met en avant l'Assemblée constituante souveraine, en omettant ce
qui est déterminant pour qu'elle voit le jour et se maintiennent au pouvoir :
la nécessité absolue de l'existence d'un parti révolutionnaire pour guider les
masses au cours de la révolution, sans parler du contenu et de la forme des
comités que le PT met en place et qui ne peuvent pas être assimilés à un
embryon de soviets, sans lesquels, il faut le dire encore une fois, la prise du
pouvoir par le prolétariat sera impossible. Que les militants ne se leurrent
pas, il ne faut pas leur raconter d’histoires.
Les bonnes intentions ne suffisent
pas à transformer une ligne politique opportuniste et réformiste en une ligne
politique révolutionnaire et correcte au service des intérêts des travailleurs.
Lambert croit bon de préciser
maladroitement que "Il (Mitterrand) était pour la lutte de
classe", tu parles d'une référence, cela prouve justement le contraire
de ce qu'il voulait démontrer : Mitterrand déclarait effectivement reconnaître
l'existence de la lutte des classes... pour le compte de la bourgeoisie, ce qui
prouve bien que les déclarations en faveur de la lutte des classes n'ont aucune
valeur en soi, faut-il encore que cette lutte de classe corresponde à la défense des intérêts des
travailleurs et non à ceux du capital, ce qui a toujours été le cas de
Mitterrand contrairement à ce qu'affirme le PT aujourd'hui.
Lambert a choisi de terminer son
intervention en rappelant qu'il avait appelé à voter Mitterrand, dés le premier
tour en 1981, faut-il le rappeler, avant de poser une question dont on peut se
demander si elle est reliée aux problèmes posés par la politique du
gouvernement ou à l'actualité politique dominée par l'élection présidentielle
de 2007, puisqu'il venait juste de parler des élections présidentielles de 2002
: "faut-il oui ou non faire barrage ?" .
La terminologie politique que l'on
utilise est généralement reliée à des circonstances particulières. Le
substantif "barrage" n'a pas été employé le 29 mai 2005, on
parlait de voter "contre" un texte, d'empêcher l'adoption d'un texte,
il en va de même d'une contre-réforme, d'un texte en général, le PT parlait de
"stopper" l'UE, on stoppe une initiative de grande envergure qui s'étale
généralement dans le temps, contre le CPE, on a parlé "d'abrogation",
de "retrait" du CPE, on emploie "abolition" à propos d'une
loi déjà en vigueur, on utilise "barrage", pour s'opposer à un plan
ou à un candidat, "faire barrage à la droite", c'est l'expression qui
revient le plus souvent.
Lambert a le don de créer
sciemment des situations ambiguës. Quand il rappelle sur un ton anecdotique les
élections présidentielles de 1981, pour dire immédiatement après que "le
problème aujourd'hui" c'est de faire "barrage",
veut-il parler de Sarkozy en 2007 ou des contre-réformes en 2006?
Prépare-t-il l'annonce d'une
candidature du PT "pour faire barrage" ou son soutien au
candidat du PS au second tour, comme si celui ci pouvait faire
"barrage" à autre chose qu'à la mobilisation contre le capital ? Nous
n'en savons rien.
Ou s'agit-il de faire" barrage"
en donnant l'illusion qu'il pourrait sortir quelque chose des ministres de
l'UMP, de Sarkozy le nazillon ?
Qu'il faille défendre toutes les
conquêtes sociales, économiques et démocratiques, tous les travailleurs et
militants sont évidemment d'accord, mais s'agit-il bien de cela ici ?
Question : Quel militant, quel
travailleur, quel jeune pourrait cautionner une telle démarche ?
On comprend mieux désormais le
sens de ces trois initiatives qui n'en font qu'une.
Une fois la balade aux ministères terminée, quel bilan en tirer ? Qu'il n'y avait rien à attendre de ce côté là ? Comme si nous ne le savions pas déjà depuis longtemps ! S'il n'y a rien à attendre de ce côté là, on est en droit logiquement d'attendre quelque chose de l'autre côté, du candidat de l'"opposition", pourquoi pas après tout , Lambert ne le suggère-t-il pas implicitement ?
Un mot d’ordre a été avancé lors de cette convention, celui de "l'union libre et fraternelle des peuples libres d'Europe". Qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire ?
Ce mot d'ordre n'ouvre absolument aucune perspective. Comment les peuples pourraient-ils se dire "libres" sans avoir vaincu au préalable le capitalisme ? Un peuple et un peuple seulement qui aurait vaincu le capitalisme, pourrait-il réellement se dire libre ? Assiégé de toute part par le capitalisme mondial, serait-il devenu possible de construire le socialisme dans un seul pays et de passer du règne de la nécessité à celui de la liberté sans avoir au préalable éradiquer l'exploitation de l'homme par l'homme au niveau de l'humanité tout entière ?
Pourquoi ne pas combattre pour les Etats-unis socialistes d'Europe ? Cela aurait au moins le mérite de fixer une perspective politique précise à tous les peuples, non ? Ce mot d'ordre ne figurerait-il plus au programme de la révolution mondiale ? Le socialisme ne serait-il plus notre objectif ? Le combat pour le socialisme dans tous les pays dominés par les institutions européennes, ne coïnciderait-il pas en partie avec le combat pour la rupture avec la totalité des institutions au service du capital ? Mais peut-être que la rupture avec l'Union européenne mise en avant par le PT, ne coïncide pas vraiment avec le combat pour le socialisme, qu'il y aurait antinomie ou contradiction entre les deux, comme nous l'avons déjà expliqué et démontré à plusieurs reprises.
Il faut aller plus loin : en imaginant que la révolution aurait éclaté dans un pays de l’UE et que le prolétariat réussisse à se constituer en classe dominante, à constituer un véritable gouvernement ouvrier, qu’il ait entamé sa libération du capitalisme en quelque sorte, pourrait-on imaginer une « union libre » de ce gouvernement ouvrier avec les gouvernements capitalistes des autres Etats de l’UE ? Poser la question, c’est y répondre : impossible ! On voit bien là qu’il ne peut y avoir d’ « union libre » des peuples d’Europe que dans le cadre du combat pour en finir avec le capitalisme, pour le socialisme dans chacun des Etats de l’UE, d’où le mot d’ordre d’Etats-Unis socialiste d’Europe.
Qu'est-ce qu'une "union
libre" ? Qu'est-ce que "des peuples libres" ? Libre par rapport
à quoi et à qui?
D’une certaine manière, il
suffirait d'être débarrassé de l'Union européenne pour que les 25 peuples de
l'UE soient enfin "libres"
? On pourrait facilement en déduire qu'au cours de la première moitié du XXe
siècle, tous les peuples étaient "libres" puisque l'Union
européenne n'existait pas. Mais les travailleurs étaient-ils plus libres pour
autant ? Pas que je sache.
Pour qu'il y ait "union
libre" des peuples, cela signifierait que les différents peuples qui
constitueraient cette union auraient décidé librement et démocratiquement de
leur destin. Un peuple pourra-t-il décider librement et démocratiquement de son
destin sans avoir réglé auparavant son compte au capitalisme, dont la
domination économique a forcément besoin d'une forme de domination politique
antidémocratique par nature ?
Quand on parle du capitalisme, on
parle avant tout d'un système d'exploitation et d'oppression. Un système
économique qui exploite et opprime un peuple s'accommode très mal de la notion
de liberté du peuple, de la démocratie de la majorité, il la supprime lorsqu'il
est en difficulté, et il la tolère le reste du temps, à défaut de pouvoir la
liquider d'un coup. Le corporatisme, la dictature militaire ne sont-ils pas à
eux seuls la négation de la liberté d'un peuple ? La domination d'une classe
minoritaire sur une autre par des moyens coercitifs, un appareil d'Etat
répressif, n'est-elle pas la négation de la liberté de la majorité d'un peuple?
A-t-il existé un jour un peuple libre ? Sans doute, avant que la notion de
peuple elle-même n'existe, bien avant l'apparition de l'Etat comme moyen organisé
de domination d'une classe sur une autre. En poussant les choses plus loin, on
peut dire qu'il n'y aura pas de peuple libre tant que les classes et l'Etat
n'auront pas disparu, ne se seront pas éteints, comme disait Engels.
Car c'est bien la toute la
question. Pour qu'un peuple soit libre de son destin, il faut que la politique
de son gouvernement corresponde aux intérêts de la majorité de la population,
qu'elle ait le soutien de cette majorité, qu'elle ait pu s'exprimer et
s'imposer dans les faits.
Nous ne sommes plus dans le cadre
de la domination du capitalisme colonialiste imposant le mot d'ordre
d'autodétermination des peuples. Il existe à travers le monde environ 210 pays
indépendants. Après l'attaque de l'impérialisme américain contre le peuple
afghan et irakien, on peut dire que l'indépendance des nations est en grande
partie théorique, puisqu'à tout moment elle peut être remise en cause, avec
l'accord ou non de l'ONU. La guerre contre les peuples vietnamien et coréen en
était déjà une préfiguration.
On voit bien ici dans quelles
limites réformistes et réactionnaires se situe ce mot d'ordre : dans le cadre
du maintien du système capitaliste à l'échelle mondiale.
L’ « union libre »
des peuples que revendique le PT, ressemble comme deux gouttes d’eau à
l’ « union libre » entre un patron et un salarié : l’union
du salarié à un patron est indispensable pour qu’il puisse survivre, il faut
bien travailler, c’est donc une obligation, une contrainte, le contraire de la
liberté, tandis que le patron est libre de l’embaucher ou non, lui seul en fait
est libre de faire ce qu’il veut, seul le patron a le choix du salarié qu’il
embauchera, alors que le salarié doit se contenter de ce qu’il trouve comme
boulot. C’est la définition de la liberté, version PT, ce n’est pas la nôtre.
Pour notre part, conformément aux
positions exprimés par la majorité des travailleurs de ce pays depuis notamment
le 29 mai 2005, nous disons :
Rupture des relations avec le
gouvernement Chirac-de Villepin-Sarkozy!
Rupture des relations avec le
Medef !
Rupture des relations avec toutes
les institutions créées, liées ou au service du capital !
A bas la collaboration de classe !
A bas le réformisme !
Vive la révolution sociale !
Vive les Etats-Unis socialistes
d'Europe !
Supplément.
Depuis que ce texte a été rédigé,
nous en savons un peu plus sur les positions du PT concernant l’élection
présidentielle de 2007.
Dans l’éditorial n° 748 d’Informations
ouvrières, on pouvait lire un extrait des conclusions de la deuxième convention
nationale du Comité pour la reconquête de la démocratie, tenue à Paris
les 27 et 28 mai 2006 : « Le modèle républicain, héritier de la grande
Révolution de 1789 et auquel adhèrent tous les démocrates et républicains dans
notre pays, est menacé de disparaître. », entendez par « tous les
démocrates et républicains », aussi bien les élus et les militants de
l’UMP, de l’UDF que ceux du PS, du MRC, du PCF, des Verts qui se prétendent
« démocrates » ou et « républicains », et ils proposent de
soutenir « tout candidat qui s’engagerait à faire ne serait-ce qu’un pas (…)
réel et concret remettant en cause le carcan de l’Union européenne et
s’engageant dans la voie de la restauration de la démocratie ».
Autrement dit, sans engager le
combat pour en finir avec les institutions bonapartistes de la Ve République,
sans rompre avec le capitalisme, sans engager le combat pour le socialisme, le
PT se propose de soutenir n’importe quel candidat sur la base « d’un
pas » remettant en selle le réformisme, puisque l’Union européenne est
présentée comme antidémocratique.
Cette perspective politique
s’inscrit totalement dans le cadre de la préservation de l’ordre bourgeois. Oui
ou non ? Cela semble pourtant d’une clarté indiscutable.
Pour ceux qui ne l’auraient pas
encore compris, il y a l’ordre bourgeois ultra réactionnaire obéissant
aveuglément aux diktats de l’Union européenne, avec laquelle il faut rompre, et
il y a l’ordre bourgeois « démocratique » qui pourrait procéder à des
réformes progressistes et démocratiques, et qu’il faudrait restaurer au nom de
la « démocratie politique et sociale », selon le PT.
Quand on a abandonné le programme
de la révolution prolétarienne, on en arrive obligatoirement à capituler
honteusement devant la bourgeoisie, et qu’on y mette les forme pour le
camoufler n’y change rien.