Lutte de classe
Extrait
de Les luttes des classes en France, K. Marx.
Un
extrait qui porte sur la dette de l'Etat au milieu du XIXe siècle.
Un
texte toujours d'actualité et une définition qui mérite qu'on la retienne :
"L'aristocratie
financière, dans son mode de gain comme dans ses jouissances, n'est pas autre
chose que la résurrection du lumpenprolétariat dans les sommets de la société
bourgeoise.".
"L'endettement
de l'État était, bien au contraire, d'un intérêt direct pour la fraction de la
bourgeoisie qui gouvernait et légiférait au moyen des Chambres. C'était
précisément le déficit de l'État, qui était l'objet même de ses spéculations et
le poste principal de son enrichissement. A la fin de chaque année, nouveau
déficit. Au bout de quatre ou cinq ans, nouvel emprunt. Or, chaque nouvel
emprunt fournissait à l'aristocratie une nouvelle occasion de rançonner l'État,
qui, maintenu artificiellement au bord de la banqueroute, était obligé de
traiter avec les banquiers dans les conditions les plus défavorables. Chaque
nouvel emprunt était une nouvelle occasion, de dévaliser le public qui place
ses capitaux en rentes sur l'État, au moyen d'opérations de Bourse, au secret
desquelles gouvernement et majorité de la Chambre étaient initiés. En général,
l'instabilité du crédit public et la connaissance des secrets d'État
permettaient aux banquiers, ainsi qu'à leurs affiliés dans les Chambres et sur
le trône, de provoquer dans le cours des valeurs publiques des fluctuations
insolites et brusques dont le résultat constant ne pouvait être que la ruine
d'une masse de petits capitalistes et l'enrichissement fabuleusement rapide des
grands spéculateurs. Le déficit budgétaire étant l'intérêt direct de la
fraction de la bourgeoisie au pouvoir, on s'explique le fait que le budget
extraordinaire, dans les dernières années du gouvernement de Louis-Philippe,
ait dépassé de beaucoup le double de son montant sous Napoléon, atteignant même
près de 400 millions de francs par an, alors que la moyenne de l'exportation
globale annuelle de la France s'est rarement élevée à 750 millions de francs.
En outre, les sommes énormes passant ainsi entre les mains de l'État laissaient
place à des contrats de livraison frauduleux, à des corruptions, à des
malversations et à des escroqueries de toute espèce. Le pillage de l'État en
grand, tel qu'il se pratiquait au moyen des emprunts, se renouvelait en détail
dans les travaux publics. Les relations entre la Chambre et le gouvernement se
trouvaient multipliées sous forme de relations entre les différentes
administrations et les différents entrepreneurs.
De
même que les dépenses publiques en général et les emprunts publics, la classe
dominante exploitait aussi les constructions de lignes de chemin de fer. Les
Chambres en rejetaient sur l'État les principales charges et assuraient à
l'aristocratie financière spéculatrice la manne dorée. On se souvient des
scandales qui éclatèrent à la Chambre des députés lorsqu'on découvrit, par
hasard, que tous les membres de la majorité, y compris une partie des ministres,
étaient actionnaires des entreprises mêmes de voies ferrées, à qui ils
confiaient ensuite, à titre de législateurs, l'exécution de lignes de chemins
de fer pour le compte de l'État. (...)
Par
contre, la moindre réforme financière échouait devant l'influence des
banquiers, telle, par exemple, la réforme postale. Rothschild protesta, l'État
avait-il le droit d'amoindrir des sources de revenu qui lui servaient à payer
les intérêts de sa dette sans cesse croissante ? (...)
Pendant
que l'aristocratie financière dictait les lois, dirigeait la gestion de l'État,
disposait de tous les pouvoirs publics constitués, dominait l'opinion publique
par la force des faits et par la presse, dans toutes les sphères, depuis la
cour jusqu'au café borgne se reproduisait la même prostitution, la même
tromperie éhontée, la même soif de s'enrichir, non point par la production,
mais par l'escamotage de la richesse d'autrui déjà existante. C'est notamment
aux sommets de la société bourgeoise que l'assouvissement des convoitises les
plus malsaines et les plus déréglées se déchaînait, et entrait à chaque instant
en conflit avec les lois bourgeoises elles-mêmes, car c'est là où la jouissance
devient crapuleuse, là où l'or, la boue et le sang s'entremêlent que tout
naturellement la richesse provenant du jeu cherche sa satisfaction.
L'aristocratie financière, dans son mode de gain comme dans ses jouissances,
n'est pas autre chose que la résurrection du lumpenprolétariat dans les sommets
de la société bourgeoise."
(Extrait copié à partir
du site Les archives Internet des marxistes, page 15 : http://www.marxists.org/francais/index.htm)