RAPPORT ADOPTE PAR LA
VI° CONFERENCE (1-2-3 novembre 1991) DU
"COMITE POUR LA CONSTRUCTION DU PARTI OUVRIER REVOLUTIONNAIRE (LA RECONSTRUCTION DE LA IVe
INTERNATIONALE) - SUITE
Pour la construction d’une internationale ouvrière révolutionnaire
(mes analyses figurent en caracères gras - Lutte de classe - le 30 janvier 2007)
On ne peut évidemment se contenter d’établir ce constat. Comment a-t-il pu se faire : que le révisionnisme se soit développé au sommet de la IV Internationale ; qu’elle ait explosé en 1953 ; que le révisionnisme ait pénétré le Comité international et l’ait détruit ; qu’il se soit emparé de "IVe Internationale-CIR", héritière du CORQI, et du PCI et les ait détruits en tant qu’organisations trotskystes ? Les réponses ne peuvent être recherchées que dans on ne sait quel signe indien ou dans les "méthodes" de fonctionnement de la IVe Internationale, du Comité international, du CORQI, de IVe Internationale-CIR et du PCI. Les sources ce sont : les relations politiques entre les classes et à l’intérieur aux problèmes et aux tâches politiques auxquels ces organisations ont été confrontées.
Le révisionnisme qui s'est développé au sein de le IVe Internationale n'a pas pris seulement la forme du pablisme, mais aussi celle de la subordination à la social-démocratie, à l'idéologie bourgeoise que l'on nomme réformisme, par une frange de dirigeants dont Pierre Lambert. Nous y reviendrons plus loin, notons seulement que l'auteur (Stéphane Just) n'y a pas fait référence. D'autre part, les méthodes de fonctionnement d'un parti ou de l'Internationale dépendent en grande partie de la capacité de leurs dirigeants à analyser correctement la situation et à définir une ligne politique correcte, or ce ne fut pas le cas puisqu'ils pensaient qu'une troisième guerre mondiale allait se produire. Just le dira en pointillé plus loin. La méthode de fonctionnement d'un parti est révélateur de la justesse ou non de sa ligne politique.
Quand la ligne politique définie par sa direction est juste, le fonctionnement démocratique du parti suffit à la faire partager à l'ensemble du parti sur le terrain pratique et assurer ainsi sa cohésion, au-delà des divergences politiques inévitables qui peuvent naître et des positions que chacun peut exprimer et défendre dans le parti. Quand elle n'est pas correcte, la direction du parti a recours à des artifices, des manoeuvres en tous genres, bref, à des méthodes antidémocratiques pour l'imposer à l'ensemble du parti. C'est simple à comprendre.
Quand une ligne politique est correcte, cela signifie qu'elle prend appuie sur le prolétariat dont elle incarne les intérêts et les tâches qu'il a accomplir dans une situation donnée. Quand elle n'est pas correcte, cela signifie qu'elle incarne les intérêts d'une autre classe sociale que le prolétariat. Quand on a un doute sur la ligne politique du parti ce qui peut arriver à tout moment à chaque militant, il faut commencer par déterminer avec précision sur quelle classe sociale elle s'appuie. On peut aussi se demander à qui elle s'adresse.
Prenez la politique du PT par exemple. Elle s'adresse à qui ? Aux élus et notables qui n'ont jamais rompu leurs liens avec le stalinisme ou le réformisme, aux syndicalistes qui font partie généralement de l'aristocratie ouvrière, aux fonctionnaires qui bénéficient de privilèges par rapport aux autres couches du prolétariat, à la petite bourgeoisie, aux intellectuels. Dès lors, il est facile de caractériser la nature petite bourgeoise de la politique du PT. Les couches auxquelles s'adressent le PT sont autant intéressées par le maintien du régime capitaliste que par son abolition. Entre prendre le risque de perdre des avantages substantiels auxquels ils sont attachés et s'engager dans une perspective politique dont ils savent qu'ils n'en tireront personnellement aucun profit, leur choix est vite fait, d'où l'abandon de la voie révolutionnaire au profit de la voie réformisme d'adaptation au capitalisme qu'exprime très bien la politique du PT et son programme. Tout en se présentant comme un parti ouvrier, étant donné que sa ligne politique s'appuie sur une classe qui est étrangère au prolétariat et reflète ses intérêts particuliers, elle ne peut pas offrir la moindre perspective politique pour le prolétariat. Pour l'imposer à des militants issus de la classe ouvrière, sa direction doit donc manoeuvrer en permanence pour masquer ses réelles intentions et la nature de sa politique. Dès lors, la démocratie est étouffée dans ses rangs et toute discussion ne peut avoir pour support et objectif que de justifier la ligne politique définie par la direction. Ceux qui veulent se placer sur un autre terrain ou posent trop des questions sont systématiquement éliminés au fur et à mesure s'ils tentent de lui résister.
La IVe Internationale est née des plus grandes défaites du mouvement ouvrier. Pendant des dizaines d’années, ses organisations ont été des organisations "d’exilés" dans leur propre classe. La bureaucratie stalinienne a réussi à anéantir physiquement tous les cadres révolutionnaires expérimentée et notamment à liquider Trotsky, le fascisme à complété. Au commencement de la guerre, une grande partie des dirigeants de la IVe Internationale a déserté. Ceux qui sont restés ont généralement été exterminés au cours de la guerre. Les dirigeants qui les ont remplacés étaient politiquement inexpérimentés. Leur sélection ne provenait pas de leur insertion dans le combat politique au sein de la classe ouvrière, du mouvement ouvrier, contre la bourgeoisie et la bureaucratie du Kremlin. Ils étaient marginaux par rapport au prolétariat et à ses combats. Il n’empêche qu’ils ont accompli pendant la deuxième guerre mondiale et dans les années suivantes des tâches essentielles : défense de l’internationalisme prolétarien ; lutte pour la IVe Internationale ; défense (même si c’était souvent de façon formelle) de son programme ; action militante pour la construction de ses partis. Ils l’ont fait de façon imparfaite, insuffisante, voire mal, mais ils l’ont fait.
Il ne suffisait pas d'émettre des réserves sur le travail politique accompli par les trotskystes après-guerre tout en reconnaissant la valeur incontestable de leur travail, fallait-il encore une fois reconnues leurs faiblesses sur le plan théorique, déterminer les causes et la nature sociale de ces faiblesses pour les redresser, ce qui n'a jamais été fait au cours des 60 années qui ont suivi. Du coup, à l'issue de cette période qui s'est peut-être achevée immédiatement après la crise de 52-53, ces dirigeants sortiront renforcés de cette période aux yeux des autres militants (et des générations à venir qui leur vouent encore un culte sans faille), ensuite, il ne leur restera plus chacun de leurs côtés qu'à cultiver patiemment leurs faiblesses au lieu de les corriger, ce qu'ils s'appliqueront à faire brillamment et minutieusement jusqu'à nos jours, notamment en théorisant leurs lacunes apparamment insignifiantes au départ qui les éloigneront de plus en plus du marxisme au fil du temps et constitueront les bases sur lesquelles reposeront désormais leurs programmes et leurs partis, leurs Internationales.
C'est à mon avis de cette façon qu'au sein du mouvement ouvrier, le révisionnisme qui s'était emparé de la IVe Internationale pendant la guerre s'est transformé plus ou moins consciemment en un courant liquidateur des traditions révolutionnaires du prolétariat international. Il est inutile de préciser qu'en 2008, il n'existe plus aucun parti ou courant organisé en France pouvant sérieusement se réclamer du léninisme ou du bolchevisme, puisqu'aucun n'a été capable de remonter le fil jusqu'à l'origine de la crise qui a surgit en 52-53.
Comme on vient de le voir, à bien des égards, évoquer uniquement le pablisme comme élément révélateur de la faillite politique des dirigeants de la IVe Internationale était donc insuffisant.
A la fin de la guerre, ils ont été confrontés à une situation imprévue : la bureaucratie du Kremlin, son appareil international, les PC, sont sortis de la guerre au zénith de leur puissance politique. Les partis traditionnels du mouvement ouvrier PC et PS, les appareils syndicaux exerçaient alors et dans l’immédiat après guerre, un contrôle quasi total sur la classe ouvrière. Les organisations trotskystes sont restées marginales (dans l’ensemble) par rapport à la classe ouvrière et dans le mouvement ouvrier. Ces conditions politiques étant données, sous la protection politiques des partis traditionnels, sous l’impulsion de l’impérialisme américain, le système capitaliste s’est reconstruit. Dans les pays de l’est, la bureaucratie stalinienne et ses agences ont contrôlé et pris en main le processus de l’expropriation du capital qu’ils ont achevé à partir de 1947-48. En Yougoslavie, c’est un parti d’origine stalinienne qui a pris le pouvoir et exproprié le capital après une guerre révolutionnaire. Quelques années plus tard la même chose s’est produite en Chine.
Si la situation politique en 1945-47 était imprévue, cela signifie donc qu'elle ne pouvait pas figurer dans le programme de la IVe Internationale, quand on parle du programme de la IVe Internationale, reste à savoir de quoi on parle au juste, or, à ma connaissance, les dirigeants de la IVe Internationale d'hier et d'aujourd'hui ont toujours fait référence uniquement au Programme de Transition écrit par Léon Trotsky en 1934 qui ne constituait qu'un projet de programme d'action, une partie seulement du programme consacrée à la tactique dans une situation bien précise, mais non le programme de la IVe Internationale, Trotsky s'était employé suffisamment à le répéter, mais là encore, les dirigeants de la IVe Internationale n'ont pas voulu tenir compte de ses avertissements, ils ont transformé le Programme de transition en dogme.
Voici à ce sujet ce que j'ai répondu le 24 janvier 2007 à un militant du PT qui agitait le Programme de transition comme un hochet.
Au fait, le Programme de transition n'a jamais constitué le programme de la IVe Internationale, lisez ou relisez donc Trotsky, il le dit textuellement, il y manque la partie théorique et une autre partie dont j'ai perdu la trace.
Dans une lettre adressée à R. Klement le 12 avril 1938, disponible dans les Oeuvres de Trotsky sous le titre Nous sommes la IV° Internationale, il écrivait ceci :
« Je souligne qu'il ne s'agit pas encore du programme de la IV° Internationale. Le texte ne contient ni la partie théorique, c’est-à-dire l'analyse de la société capitaliste et de son stade impérialiste ni le programme de la Révolution socialiste proprement dite. Il s'agit d'un programme d'action pour la période intermédiaire. Il me semble que c'est précisément d'un document pareil que nos sections ont besoin. Le vrai programme de la IV° Internationale devrait être élaboré par une commission spéciale créée par la conférence. ».
Ces lignes sont accablantes et sans appel pour Lambert, je ne sais pas si vous êtes capable d’en prendre conscience ou vous êtes aveuglé par le culte de la personnalité.
Ces lignes ont été écrites 4 ans après la rédaction du Programme de transition auquel vous faites référence. Demandez donc aux dirigeants du PT où est passé le VRAI programme de la révolution socialiste internationale, puisque Lambert ne pourra plus répondre à cette question, lui qui s'est employé à l’enterrer pendant 60 ans. Vous n'êtes pas convaincu, vous voulez refaire l'histoire et vous mettre à la place de Trotsky ? A ce petit jeu, autant vous dire que vous avez perdu d’avance.
Il écrira dans le Manifeste de la IV° Internationale sur la guerre impérialiste et la révolution impérialiste mondiale (Manifeste d’Alarme) rendu public le 23 mai 1940 :
« La IV° Internationale bâtit son programme sur les fondements théoriques de granit du marxisme. (...) Notre programme est formulé dans une série de documents accessibles à tout un chacun. ». Si vous n'êtes pas encore convaincu par ces lignes écrites par la main de Trotsky 6 ans déjà après la rédaction du Programme de transition, je ne peux plus rien faire pour vous, mais comme cela m'ennuierait de finir par un échec, j'en rajoute une dernière couche en redonnant la parole à Trotsky ; si vous ne me croyez pas, vous le croirez peut-être.
Dans le même texte du 23 mai 1940 :
« Les Américains trouvent qu'il est temps de nommer la IV° Internationale IV° Internationale, c'est-à-dire d'abandonner le comique « pour ». On voit bien que nous n'avons pas de concurrents pour « créer » la IV° Internationale - Dieu sait où, quand et comment ! Nous sommes la IV' Internationale. C'est d'ailleurs dit dans le projet de programme. »
Vous avez bien lu LE PROJET DE PROGRAMME ! Je ne sais pas précisément ce qu'incluait la totalité du programme dont parlait Trotsky. Alors cessez de brandir le Programme de transition comme un hochet. Si nous nous étions inspirés de la totalité de son programme, peut-être que nous n’en serions pas là aujourd’hui, vous ne pensez pas ?
Nous avons été victimes d'une formidable mystification de la part de Lambert et il faudrait que cela continue après son décès, voilà le contenu politique réel de l'hommage que ses amis politiques entendent lui rendre. Vous comprendrez aisément pourquoi je ne tiens pas à participer à cette odieuse mascarade.
Pour ma part, j'ai ajouté au Programme de transition de 1934, les quatre premiers congrès de l'Internationale Communiste en prenant pour référence ce que Trotsky avait écrit dans le Bulletin intérieur du G.B.L., n° 2, en octobre 1934, un article intitulé La situation présente dans le mouvement ouvrier et les tâches des bolchéviks-léninistes, dont voici un extrait :
« En abandonnant leur rôle de « fraction du Comintern », les bolcheviks-léninistes, sur la base de leur ancien programme enrichi d'expériences nouvelles, ont créé une organisation indépendante dont la tâche est de lutter pour de nouveau partis et une nouvelle Internationale, la IV° Internationale. ».
Leur « ancien programme » correspondait aux résolutions adoptées lors des 4 premiers congrès de l'Internationale Communiste entre 1919 et 1922, si j’ai bien compris, auquel j'ai ajouté les Thèses (1929) sur la révolution permanente de Trotsky, qui relèvent à la fois de la tactique et de la stratégie pour s'emparer du pouvoir à l'échelle mondiale, elles mériteraient d'être actualisées pour certaines parties, mais elles fournissent une direction qui demeure globalement valable selon moi. Cette liste n'est pas exhaustive et sera complétée si nécessaire, je pense à certains textes rédigés entre 1937 et 1940 figurant dans Défense du marxisme.
Pour revenir au paragraphe qui nous occupe, il faut se souvenir quand même que le "camarade" Tito fut salué comme un militant révolutionnaire par les dirigeants de la IVe Internationale, autre erreur accablante, je n'ai pas le temps de m'étendre sur cette question ici ni sur leur position par rapport à la révolution chinoise ou cubaine. Concernant ce qui s'est passé en France en 1947-48, on ne peut se borner à dire que "sous la protection politiques des partis traditionnels, sous l’impulsion de l’impérialisme américain, le système capitaliste s’est reconstruit.", il aurait fallu ajouter de quelle manière, comment, quel rôle spécifique ont joué les uns et les autres, quelle partie du prolétariat ils ont pris en charge.
Les staliniens ont très vite liquidé la résistance armée, la première mesure a été de rendre les armes à la bourgeoisie et de démanteler les comités qui s'étaient constitués un peu partout en France, notamment dans le sud-ouest et les grandes villes. Ensuite, il a fallu faire accepter aux prolétariat de travailler gratuitement (un passage que beaucoup de militants doivent ignorer), de déblayer les centaines de milliers de tonnes de gravats qui encombraient les rues et les usines dévastées par les bombardements à travers tout le pays, d'après ce que j'ai lu, les tickets de rationnement resteront en vigueur jusqu'en 1949, des centaines de milliers ou des millions de travailleurs dormiront dans des abris de fortune (des bidonvilles en fait) en attendant la construction de nouveaux logements, voilà brièvement pour la situation plus que précaire dans laquelle se trouvait plongé le prolétariat après-guerre.
Pendant ce temps-là, la SFIO et les gaullistes au nom de la lutte contre le communisme et l'URSS agiront de concert sur le plan économique et social, d'une part ils soutiendront l'application du plan Marshall en France négocié à Washington par Jean Monet et Léon Blum et que De Gaulle finalement acceptera, d'autre part, ils organiseront la scission de la CGT qui donnera naissance à Force ouvrière, davantage pour briser la résistance du prolétariat, que pour contrecarrer le contrôle exercé par le PCF sur la CGT.
Nous n'avons pas le temps non plus de revenir plus en détails sur la scission de la CGT, mais il semblerait qu'elle ait été organisée directement par l'impérialisme américain et qu'elle a constitué le second volet du plan Marshall en France pour affaiblir le PCF, et par ricochet le Kremlin. Force ouvrière nous a toujours été présentée par Lambert et les dirigeants du PCI comme un syndicat ouvrier, alors qu'à l'origine, si l'on s'en tient uniquement à la façon dont les choses se sont déroulées, il s'agit bien plutôt d'une création de l'impérialisme, ce qui ne veut évidemment pas dire que des militants de la CGT étouffés par le stalinisme ne l'ont pas souhaitée et encouragée, ce qui était légitime d'une certaine manière, encore aurait-il fallu que ce nouveau syndicat ne soit pas subordonné dès le départ aux intérêts de l'impérialisme, et ne pas chanter ses louanges comme l'a fait Lambert en prétendant qu'il était un syndicat indépendant de l'Etat et des partis, ce qui a toujours été faux. Je pense au contraire qu'il aurait fallu profiter de cette occasion pour constituer un syndicat révolutionnaire luttant à la fois contre l'emprise du stalinisme et du réformisme sur le mouvement ouvrier, même avec des forces extrêmement réduites, au point où en étaient réduites les forces des trotskystes, cela ne leur aurait rien coûté de s'engager dans cette voie, au moins ils auraient permis au prolétariat de disposer d'un syndicat ouvrier qui sauvegardait son indépendance de classe, mais malheureusement, Lambert qui avait en charge la commission ouvrière à laquelle était relié le travail dans les syndicats au sein du PCI capitulera devant la bourgeoisie, c'était sans doute plus confortable pour lutter contre le stalinisme, à moins que Lambert pensait déjà abandonner le léninisme et qu'il se plaçait déjà dans cette perspective, voir à ce sujet son intervention lors du congrès du PCI de 47 ou 48 qui l'indique clairement, ce qui m'a fait dire ailleurs qu'il avait prémédité la liquidation du PCI dès la fin des années 40. Quand des faits qui s'étalent sur une longues périodes concordent et sont orientés dans la même direction et qu'ils finissent pas aboutir à la concrétisation d'un projet évoqué 60 ans plus tôt, on ne peut plus parler d'un pur hasard, d'un simple concours de circonstances ou de simple coïncidence comme le pensent des esprits naïfs, il faut bien à un moment donné se rendre à l'évidence que le ver qui a fini par pourrir entièrement le fruit était bien présent dès l'origine et parler d'un processus conscient et non simplement l'accumulation d'erreurs dont personne ne devrait endosser finallement la responsabilité, c'est un peu trop facile. Que l'on soit d'accord ou non avec cette démonstration, peronne ne peut plus nier qu'il existe un fil qui relie le discours que tenait Lambert en 1947 à la liquidation du PCI.
Just n'a pas suffisamment insité ou il a à peine évoqué (lire plus loin) le rôle cynique que rempliront sans faille dès 1947 les dirigeants du PCI (OCI-PCI-MPPT-PT) au près des réformistes. Il se bornera à évoquer les liens entre les appareils du PCI de FO en faisant référence à une époque bien plus tardive, or pour comprendre l'origine de la dégénérescence de la IVe Internationale il faut remonter à la période d'après-guerre et l'analyser en détail, ce que Just n'a manifestement pas fait ou n'a pas eu le temps de faire, je n'en sais rien (je fais référence à ce rapport uniquement). Ce qui serait particulièrement intéressant à analyser aussi, c'est la manière dont se sont disposés les dirigeants de la IVe Internationale face à la IVe République qui est restée cher jusqu'au bout au ceur de Lambert et des dirigeants du PT, lire à ce sujet les articles dithyrambiques de Roger Sandri dit Geddo, ex-dirigeant confédéral de FO et du PCI parus dans Informations ouvrières.
La direction de la IVe Internationale et les directions de ses sections se sont révélées incapables théoriquement et politiquement de réajuster les analyses et pronostics faits au début de la guerre et caricaturées pendant et à la fin de la guerre. De la méthode d’analyse marxiste ils sont tombés dans le schéma idéologique. C’est ainsi qu’ils ont considéré qu’une fois proclamée, en 1938, et après qu’elle ait été reconstruite pendant la guerre et immédiatement après la guerre : la IVe Internationale et ses partis étaient définitivement structurés comme "Parti mondial de la révolution prolétarienne" ; que sa direction et les directions de ses partis étaient les "directions de rechange" derrière lesquelles les prolétariats ayant fait l’expérience de la bureaucratie du Kremlin, de son appareil international, des partis social-démocrates et socialistes, des appareils syndicaux, finiraient bien par se ranger. La IVe Internationale et ses partis étaient édifiés. Il "suffisait" qu’ils prennent de la chaire et des muscles. De là les statuts de la IVe Internationale adoptés au "IIe congrès mondial" et le fonctionnement résultant de la contradiction entre la réalité et la fiction.
Une fois plus, il ne suffisait pas de se borner à dire que la ou les directions s'étaient révélées incapables de réajuster les analyses et pronostics faites au début de la guerre sur le plan théoriques, fallait-il encore chercher au-delà de leurs manifestations erronées concrètes, leur origine sociale, et à quel endroit précis ils avaient dévié du marxisme, au lieu de s'attarder sur la manière dont elles se sont traduites sur le plan organisationnel. Cependant cette façon d'analyser la dégérénérescence de la IVe Internationale en mettant l'accent sur son côté organisationnel auquel Just relie la politique liquidatrice prônée par Pablo est trés intéressante, car si Just a vu à juste titre(au début du paragrpahe suivant) dans la contradiction entre la réalité et la fiction la source de la dégénérescence de la IVe Internationale qui aboutira à son éclatement en 52-53, bien que cette analyse soit incomplète, par contre, il n'a pas compris que Lambert était sur la même orientation politique... mais à 180°. Cela mérite une explication.
Lambert ne prétendra pas que la IVe Internationale est reconstruite, il caractérisera cette période comme étant celle de "l'imminence de la révolution" sans doute en se référant à la lettre au Programme de transition et qu'il s'empressera d'abandonner dès le 10 mai 81 après avoir appelé à voter Mitterrand dès le premier tour. Le pronostic de Lambert s'est avéré (une fois de plus) aussi foireux que celui de Pablo, notons-le au passage. Si Pablo a failli sur le plan théorique et organisationnel, ce qui personne ne peut contester aujourd'hui, au regard de la suite des événements, on est bien obligé de constater que Lambert a aussi failli sur le plan théorique et organisationnel, au point qu'il en tirera les conclusions en remplaçant la théorie de l'imminence de la révolution par celle de la défense de la démocratie (bourgeoise) et en liquidant le PCI au profit du Mouvement pour un parti des travailleurs (MPPT) ancêtre du PT, condition indispensable pour imposer sa politique ouvertement réformiste et nationaliste. Le plus extraordinaire, alors que le PCI était un parti de 6 000 combattants révolutionnaires (environ) en 81 fondé sur la base du Programme de transition, c'est en 1993 qu'il reproclamera seul la IVe Internationale reconstruite avec un courant communiste internationaliste au sein du PT dont le nombre de militants devaient avoisiner 2 000 à 2 500, sans qu'aucun parti important n'ait été construit ailleurs dans le monde. Il n'est pas exagéré de dire ici que Lambert en 1993 avait rejoint ceux qui après-guerre proclamaient que la IVe Internationale était déjà construite.
Mais pourtant direz-vous, les dirigeants du PT (CCI) prétendent que la période ouverte par la révolution russe n'est pas terminée, n'y voyez-vous pas une contradiction avec ce que vous avez écrit plus haut ? Pas du tout, tant qu'il existe un courant au sein du PT se réclamant du trotskysme et pour que ses militants ne se posent pas de questions sur le véritable programme de la IVe Internationale dont parlait Trotsky, il faut bien que ses dirigeants continuent de se réclamer du Programme de transition, quite à l'interpréter à leur façon, de toutes manières les militants n'ont pas ou plus le niveau théorique nécessaire pour les contredire et les combattre, les dirigeants ne risquent plus rien puisque les vieux militants qui sont restés au PT sont brisés ou ont capitulé politiquement parlant et ils sont incapables de la moindre réaction comme l'ont suffisamment démontré les épurations successives orchestrées par Lambert et Gluckstein. Par contre, pour les militants des générations suivantes qui ont rejoint le CCI en pensant avoir rejoint un courant révolutionnaire, il est utile pour l'appareil de conserver dans un placard le Programme de transition pour y faire référence de temps en temps, en leur faisant croire qu'ils s'en inspirent réellement pour constuire un parti qui n'est qu'une étape transitoire devant déboucher dans un avenir indéterminé vers la forme achevée du parti révolutionnaire. Bref récapitulons, les vieux militants sont incapables de la moindre réaction et les jeunes ne connaissent pas l'histoire du parti qu'ils ont rejoint, encore moins celle de ses dirigeants, du coup, les dirigeants peuvent raconter ce qu'ils veulent et s'ils se contredisent personne ne s'en rendra compte, ceux qui s'en apercevront démissionneront voilà tout. La liquidation du PCI avait pour objectif de briser la volonté des vieux militants révolutionnaires en les immergeant dans un bain réformiste, le MPPT, puis le PT, en les isolant d'une certaine manière pour leur interdire toute velléité de constestation pour permettre à l'appareil d'avoir les mains libres pour amplifier son tournant droitier liquidateur, il faut bien constater qu'ils sont parvenus à leurs fins, le PT n'est pas un parti ouvrier, mais un parti ouvrier bourgeois. La LCR s'apprête à emprunter la même démarche en ouvrant ses portes plus largement encore à des éléments étrangers à la classe ouvrière. Là aussi, les héritiers de Pablo et de Lambert se rejoignent.
Revenons en arrière, j'ai écrit dans l'avant-dernier paragraphe qu'il n'est pas exagéré de dire que Lambert en 1993 avait rejoint ceux qui après-guerre proclamaient que la IVe Internationale était déjà construite. Qu'est-ce que cela signifie au juste ? Souvenez-vous, la ligne de l'imminence de la révolution nous l'expliquions ainsi à la fin des années 70 : une fois que le PS et le PCF seront au pouvoir, les masses vont déchanter et la situation va se transformer en crise révolutionnaire ouverte et elles vont se tourner vers nous. C'est étrange, d'après ce que rapporte Just, c'était exactement la position des dirigeants de la IVe Internationale après-guerre à qui il a reproché de ne pas tenir compte de la réalité. Mais à quelle réalité faisait référence les dirigeants de la IVe Internationale après-guerre, à quelle réalité Lambert fera référence ? La même et toujours la même en vérité.
Si finalement les dirigeants de la IVe Internationale développeront des rapports de nature bureaucratique, car il faut bien appelé les choses par leur nom à un moment donné, si l'on y regarde de plus près, on s'aperçoit que Lambert ne fera jamais autre chose en s'alliant tout d'abord avec l'appareil de FO et en favorisant la construction d'un parti destiné en priorité à la petite bourgeoisie, aux intellectuels et à l'aristocratie ouvrière qui fait les beaux jours de la bureaucratie syndicale, jusqu'à en appeler aux démocrates, aux républicains, aux élus et aux maires de tous bords politiques, aux responsables et aux cadres du PS et du PCF, au lieu de s'adresser directement au prolétariat, à ses couches les plus frappées par la crise du capitalisme, sans parler de la Libre Pensée et du Grand Orient de France qui n'ont rien à voir de près ou de loin avec la classe ouvrière, je passe sur les relations secrètes de Lambert avec les sommets de l'Etat, bref, Lambert a toujours favorisé une politique d'appareil à appareil en passant au-dessus du concept de classe sociale, comme disait Just à propos des dirigeants de la IVe Internationale, il s'est toujours pris pour ce qu'il n'était pas, lui et son parti, l'essentiel étant de préserver son appareil comme un vulgaire opportuniste. De la même manière, il a toujours favorisé le front unique au sommet contre le front unique à la base, c'est la même démarche politique. Quand Gluckstein se réclame de la lutte des classes, cela se résume en réalité aux rapports entre appareils, cela ne saute pas toujours aux yeux évidemment, c'est inscrit dans la ligne politique qu'il défend et qui est subordonnée au maintien du régime et des institutions, cadre dans lequel les appareils continuent d'exister, les références à la lutte de classe du prolétariat qui a donné naissance à ces partis est une véritable escroquerie politique.
Il n'a jamais été question pour les dirigeants de la IVe Internationale ou pour Lambert plus tard de se tourner vers la classe ouvrière, je le répète, mais cela ne s'est pas manifesté de la même manière. Ceux qui ont tenté d'imposer cette orientation ont été liquidée dans les années 50. Les uns n'avaient plus aucune raison de s'adresser à la classe ouvrière puisqu'ils avaient atteint leur objectif, ils n'avaient plus qu'à attendre qu'elle les rejoignent, pendant que les autres n'aurront aucune raison non plus de s'adresser à la classe ouvrière puisqu'elle est sourde et inculte apparemment, plus tard peut-être quand la forme du parti sera enfin trouvée, c'est-à-dire, jamais ! Si vous pensez que les uns et les autres avaient vraiment l'intention ou la volonté de construire réellement un parti révolutionnaire, vous faites fausse route et vous ne pouvez pas comprendre pourquoi nous en sommes arrivés à cette bien triste situation en 2008, je parle uniquement des dirigeants qui ont adhéré aux positions développées par Lambert ou Pablo.
Il fut épargné à Just d'assister à cette pitoyable mise en scène que furent les obsèques de Lambert. S'il a eu le courage de se dresser contre le courant liquidateur de Lambert, il n'a pas compris que Lambert en se soumettant à l'appareil de FO avait non seulement abandonné la conception lutte de classe du syndicalisme, il avait aussi abandonné le combat pour la révolution prolétarienne, non pas pas à pas au fil du temps comme beaucoup de militants le pensent encore aujourd'hui (mille fois hélas !), mais bien dès l'après-guerre, à quelle date exactement, je ne pourrais pas le dire évidemment, il faudrait relire ce qu'il a écrit à cette époque et les années suivantes pour pouvoir le dire avec précision. Pablo a voulu subordonner le mouvement ouvrier au stalinisme, Lambert est parvenu à le subordonner au réformisme, s'il y en a qui voient la différence, concrètement cela revient au même : le prolétariat n'a pas de parti révolutionnaire ni d'Internationale, la voie est libre pour la barbarie.
C’est de la contradiction entre la réalité et
la fiction qu’est né et s’est développé le révisionnisme, le pablisme. Lorsque
les schémas idéologiques se sont effondrés, que la IVe Internationale, ses
partis ont été de crise en crise, que l’impérialisme s’est restructuré, que le
capital a été totalement exproprié dans les pays de l’est de l’Europe, qu’après
avoir résisté au Kremlin, la bureaucratie yougoslave s’est tournée vers
l’impérialisme, que sous la direction du PC chinois, la guerre révolutionnaire
s’est terminée victorieusement en Chine, que la guerre froide a tendu tous les
rapports politiques à un point extrême, la direction de la IVe Internationale a
craqué. Le révisionnisme pabliste s’est cristallisé et il a entrepris son œuvre
de destruction de la IVe Internationale et de ses organisations.
Pour les militants du PCI, puis de l'OCI et les suivants, en réalité, le pablisme fut l'arbre qui devait cacher la forêt.
Pour en finir une fois pour toute avec cette formidable mysfication créée de toutes pièces par Lambert pour se faire passer pour un grand dirigeant opposé au pablisme, je donne la parole à un témoin de l'époque, le camarade Lequenne qui a été interviewé en 2004 par un étudiant en histoire, ex-militant du PT, Karim Landais :
« Lequenne : (...) A ce moment (en 1950) sort le texte de Pablo Où allons-nous ?, et commence une discussion qui a duré un an et demi. La suite, tu l'as lue dans mes bulletins. Lambert passe, y compris dans Le Monde tout récemment, comme le leader de l'anti-pablisme, alors qu'en réalité il ne nous a rejoints que tard après avoir tenté un accord pourri avec Pablo.
Landais : Je suis en effet tombé dans les archives de Stéphane Just sur un texte dans lequel il confirme cette version.
Lequenne : Il l'a dit seulement après son exclusion. Mais Stéphane Just était en effet avec nous au début, de même que Gérard Bloch. Lambert était tout seul à avoir essayé de faire un accord avec Pablo. J'ai, je crois, raconté l'histoire : son souci est de préserver son bulletin, son journal, qui s'appelait L'Unité, un journal d'unité syndicale et dans lequel, d'ailleurs, il y avait très peu de cégétistes. Il a été trouver Pablo : « D'accord pour l'entrisme, seulement il faut préserver ça », etc. Pablo, qui était très malin, n'a rien dit, est allé réfléchir, et en pleine assemblée générale (rire) il le dénonce ouvertement ! Et Lambert (rire), calamiteux, nous rejoint. A partir du moment où il nous a rejoints, effectivement, et comme pendant toute sa vie, il a grimpé pour se mettre au premier rang. ». No comment, tout est dit ici très clairement.
Je suis en règle générale toujours favorable à l'examen minuteux des arguments des uns et des autres pour parvenir à se faire une idée précise sur une question déterminée. Dans le cas présent, s'agissant de la dégénérescence de la IVe Internationale et ses sections, je ne voudrais pas emprunter un raccourci, mais la simple lecture des interviews des ex-dirigeants du PCI ajoutée aux textes de Stéphane Just, suffit à comprendre assez précisément comment les choses se sont déroulées, sans avoir besoin de longues discussions.
En résistance au révisionnisme pabliste s’est formé le Comité International de la IVe Internationale. Ses limites et ses faiblesses ont été soulignées plus haut. Les différentes sections composant le Comité International n’ont pas échappées, à ses erreurs d’appréciation, à l’inexpérience et à la façon dont leurs directions avaient été de facto sélectionnées. L’absence de vie internationale et de direction véritable du CI a favorisé le particularisme de ses sections et cela à tous égards en fonction de la situation économique, sociale et politique de chaque pays et de son évolution, de la situation internationale et de son évolution : par rapport à la classe ouvrière, aux relations politiques du mouvement ouvrier, aux traditions des prolétariats de chaque pays et aussi à l’histoire et la situation propre de chaque section, sans omettre l’existence ou non de section pabliste.
J'ai déjà expliqué que cette "résistance" au pablisme prendra immédiatement la forme de la subordination à la bourgeoisie du fait de la composition sociale petite bourgeoise de la direction du PCI et de l'alignement de Lambert sur l'appareil de FO.
Il y a un épisode que beaucoup de militants doivent ignorer sur la lutte contre le pablisme à cette époque. La majorité du PCI n'était pas contre tout travail dans le PCF, voilà ce qu'a écrit Lequenne :
« Mais chez nous, ça a été très doux. Ça a commencé sur une petite divergence sur l'orientation qu'il fallait avoir. Parce que nous, la majorité française, on ne s'était pas opposés à la possibilité de tout entrisme. On disait : « C'est vrai qu'il faudrait faire du travail à l'intérieur du Parti communiste, mais pas l'entrisme sui generis où tout le monde entre et où les camarades qui sont connus comme trotskystes capitulent en expliquant pour entrer qu'ils ont rompu avec le trotskysme. » Nous on disait : « Il faut faire entrer des camarades qui ne sont pas connus », un entrisme classique en quelque sorte. Pas classique au sens de « à drapeau ouvert », comme avant la guerre : un entrisme clandestin, mais strictement clandestin. Et Lambert a dit : « Oui, mais nous n'avons plus les forces pour le faire. Il faut se rabattre sur le travail syndical ». Ça c'était la ligne de Lambert. Il s'appuyait là-dessus. Dans ses histoires telles qu'il les a écrites et telles qu'il les enseigne toujours, il se donne comme le courant ouvrier, la tendance syndicale, comme s'il avait été le leader ouvrier du parti. Ce n'était pas vrai du tout : il était un des dirigeants du travail syndical, mais il n'était pas le seul. Marcel Gibelin le dirigeait avec lui et au même titre.
Landais : Marcel Gibelin était peut-être même d'une autre stature ?
Lequenne : Oui, je le pense. Gibelin était un grand dirigeant. Mais il était le contraire de Lambert sur certains aspects : autant Lambert était magouilleur, se fourrant partout, se mettant toujours en avant, etc., autant Gibelin était un homme sans ambitions personnelles, sans goût pour la magouille et les luttes intérieures. Il a mené des luttes intérieures quand il le fallait, mais ce n'était pas son truc. Et c'est d'ailleurs le premier que Lambert a exclu, avant nous. »
En passant la légende de Lambert en prend un sérieux coup, mais l'essentiel est ailleurs. La ligne de l'entrisme clandestin était sans doute correcte, bien que très risquée pour les camarades. Donc la question d'entrer ou ne pas entrer dans le PCF ne se posait uniquement de la façon dont Pablo l'a posée et a voulu l'imposer : la sienne était suicidaire donc inacceptable évidemment. Autre chose, vous avez encore confirmation que Lambert sera incapable toute sa vie de concevoir la construction du parti autrement qu'à travers le travail syndical... jusqu'à se noyer finalement dans le trade-unionisme.
Il n’est évidemment pas possible d’analyser dans ce rapport pour chaque section l’ensemble et la combinaison de ces données. Mais prenons un exemple. Il est évident que l’empirisme anglo-saxon, la situation dominante de l’impérialisme américain, l’absence de tradition politique propre de la classe ouvrière américaine, l’isolement du SWP qui était axé immédiatement après la guerre sur "la révolution américaine" et au contraire a subi le mac-carthysme, expliquent beaucoup quant au comportement, au fonctionnement, à la vie du SWP et de sa direction, à la sélection de celle-ci et à son évolution ultérieure. On pourrait y examiner de même l’évolution de la SLL, de l’organisation argentine de Moreno et de sa fraction bolchevique. Quant à la section française, la brochure "Comment le révisionnisme s’est emparé de la direction du PCI" fourni des éléments qui permettent d’avoir une appréciation. Nous y renvoyons les camarades.
Dès 1940, le SWP dominé par la petite bourgeoisie, était gangrené par l'opportunisme, lire à ce sujet les discussions entre les dirigeants américains et Trotsky. Que leur dira Trotsky : tournez-vous vers la classe ouvrière, il ne cessera de leur répéter, en vain ! C'est curieux qu'à aucun moment, Just qui était pourtant un ouvrier, n'a jamais mis le doigt sur cette question fondamentale pour un parti ouvrier, la classe. Je crains fort qu'il pensait comme Lambert que le meilleur moyen d'atteindre la classe c'était de passer par la voie syndicale, ce qui expliquerait qu'il ait été abusé par Lambert.
Mais en réalité et c'est encore plus vrai de nos jours, ce ne sont pas forcément les couches les plus déterminées à combattre le capitalisme que l'on croise dans les syndicats ni les couches les plus défavorisés du prolétariat, c'est une très grave erreur de le penser, c'est le plus souvent les couches du prolétariat qui ont conscience de leurs intérêts particuliers et qui ont compris qu'à travers le syndicalisme ils pouvaient parvenir à les améliorer ou les défendre, point, leur niveau de conscience est alimentaire, alors de là à penser qu'ils ont un niveau de conscience politique supérieur au reste du prolétariat, c'est une véritable escroquerie politique. Ils forment en réalité la base, le ciment du réformisme et de l'aristocratie ouvrière, les alliés les plus sûrs de la petite bourgeoisie dont les intérêts coïncident avec le maintien en place du régime capitaliste. Selon que le discours des représentants du parti du capital ou celui du PS prend davantage en compte leurs intérêts, ils votent pour l'un ou pour l'autre, assurant la stabilité du régime. C'est ce qui permet aussi de définir le PT comme un parti ouvrier bourgeois dans la mesure où il s'appuie sur ces couches précisément au détriment du prolétariat, ce sera une constante chez Lambert comme l'a souligné Lequenne de 1947 à 2008. Vous aurez compris que je parle ici des syndiqués qui ne militent pas à la LCR, à LO ou au PCF ou encore dans un groupe révolutionnaire, j'émets forcément des réserves sur ceux du PT puisqu'il y en a parmi eux qui n'ont pas rompu avec le PS, le réformisme ou le stalinisme.
A l’échelle internationale, une donnée est fondamentale : pour les forces qui pouvaient être gagnées à la IVe Internationale, à son programme, à ses organisations, qui se libéraient de la subordination du Kremlin, à son appareil international (les PC), des partis social-démocrates et socialistes, des appareils des centrales syndicales, les avatars successifs du CI, du CORQI, de "IVe Internationale-CIR" ont fait que le centre révisionniste, le SU, a pourtant semblé toujours être la IVe Internationale. A quoi il faut ajouter : dans les pays capitalistes dominants, des explosions à caractère révolutionnaire, comme celle de mai-juin 1968, se sont produites, elles posaient la question du gouvernement, du pouvoir. Mais les prolétariats n’étaient pas pris à la gorge. Comme sous-produits de leurs combats, ils ont même arraché des réformes sociales importantes comme la Sécurité Sociale, l’assurance chômage, en France par exemple. Les appareils syndicaux, notamment celui de FO, s’en sont appropriés l’origine et la réalisation (le fameux "grain à moudre" de Bergeron) alors qu’ils ont tout fait pour les rendre acceptables pour le capital et les atrophier. Pendant les "trente glorieuses", les quelques années qui ont suivi, dans les grandes puissances impérialistes, le capital disposait des moyens lui permettant de faire des concessions à la classe ouvrière, à la population laborieuse, à la jeunesse.
Ce passage illustre bien les illusions qui n'ont jamais quitté son auteur malgré tous les efforts qu'il a déployés pour y parvenir. Comment des "forces" auraient-elles pu être gagnées à la IVe Internationale alors qu'elle n'avait jamais été capable de produire une analyse de fond correcte, qu'elle était en pleine crise (permanente à partir de la mort de Trotsky), que ses dirigeants étaient incapables de savoir où ils en étaient eux-mêmes, se déchirant, se divisant sur la moindre question, totalement marginalisés, refusant de se tourner résolument vers la classe ouvrière, sans programme de renvendications transitoires, c'est la première constatation. La seconde, si les dirigeants de la IVe Internationale étaient incapables d'analyser correctement la situation et parlaient à plusieurs voix, comment des militants abreuvés par les discours des staliniens et des réformistes auraient-ils pu comprendre la situation, pour un peu, mieux que les dirigeants de la IVe Internationale eux-mêmes, c'était aberrant d'envisager qu'ils rejoindraient la IVe Internationale sous cet angle là aussi. Ajoutons que l'étau du stalinisme et du réformisme ne s'est jamais desséré. Depuis le début des années 70 et la relance de la politique contractuelle (les négociations chers à Bergeron, Blondel, Mailly, Lambert et Gluckstein entre autres), le réformisme a pris le relais du stalinisme pour pourrir le mouvement ouvrier et paver la voie au corporatisme. Les seuls militants qui auraient pu rejoindre la IVe Internationale étaient ceux du secrétariat unifié justement, il aurait fallu pour cela que Lambert rompe avec la politique de l'appareil de FO et s'engage dans une politique de lutte de classe dans les syndicats, mais il s'y est toujours opposé. Feu Lambert et les dirigeants du PT ont beau dire ce qu'ils voudront, mais c'est quand même une section du SU qui a créé et anime SUD et qui montent au créneau contre le gouvernement et le patronat, quoi que l'on en pense par ailleurs, alors que les Lambert et Cie. n'ont pas été foutus de faire autre chose que voter les résolutions de FO à partir de 1969.
Autre élément qui n'a pas été analysé à fond, c'est la manière dont ont été réparties les concessions au prolétariat dont parle Just. En fait, il n'a fait qu'effleurer le sujet, alors qu'en l'analysant, il aurait pu comprendre qu'il avait existé de très grandes disparités au sein du prolétariat entre ceux qui avaient bénéficié des largesses ou des concessions de la bourgeoisie et ceux qui n'avaient eu que les miettes des accords passés entre les dirigeants du mouvement ouvrier et les représentants du capitalisme. Parmi ces largesses, les bureaucrates syndicaux furent bien pourvus ce qui n'est pas sans importance et ce que ne dit pas l'auteur. Je ne fais qu'essayer de compléter l'analyse de Just, je ne suis pas là pour la juger. Pendant les Trente glorieuses, il y avait des millions d'ouvriers comme mon père qui se crevaient en travaillant à la tâche pour un salaire de misère. Quand je vois comment il est resté fidèle à De Gaulle, je me dis que des ouvriers qui auraient été gagnés à la révolution à cette époque y seraient restés fidèles par la suite, donc il était possible à cette époque de construire le parti.
Aujourd'hui, on nous ressort que c'est difficile, qu'ils disent carrément qu'ils pensent que c'est impossible, au moins les choses seront claires et nettes. L'intérêt d'aller au fond des choses, c'est qu'on parvient à y voir plus clair ensuite. C'est peut-être un travail exigeant, mais il est indispensable à réaliser pour définir correctement la situation. Si l'on se trompe sur une question parce qu'on l'a abordée superficiellement ou par manque de données, en continuant malgré tout d'être exigeant, on parvient à répondre à d'autres questions qui par analogie ou comparaison par exemple, nous permettent de trouver la réponse à des questions restées en suspens.
C'est la détermination et la persévérance qui paient le plus avec la volonté quand elles tendent toutes vers le même objectif, en politique : vaincre et pas avoir seulement la haine de notre ennemi, on ne s'enferme pas dans une sorte de personnalisation ou de rapport personnel, dès le départ tu te situes sur le terrain de la lutte des classes et particulièrement sur celui du prolétariat dont tu épouses la cause et l'objectif, prendre le pouvoir.
Quand Just écrit "Mais les prolétariats n’étaient pas pris à la gorge en 1968, chez nous à la maison, ma mère devait emprunter de l'argent à une tante pour finir le mois, mon père était menuisier en bâtiment et c'est ma grand-mère qui nous nourrissait en réalité, donc tous les prolétaires n'étaient pas logés à la même enseigne ce qui n'apparaît pas ici. Si "Les appareils syndicaux, notamment celui de FO, s’en sont appropriés l’origine en parlant des réformes sociales de l'après-guerre dont la Sécurité sociale généralisée, il faut se poser la question suivante : pourquoi ont-elles pu se les approprier pour mieux détourner les travailleurs de leur objectif politique ? Ils en ont immédiatement tiré profit, donc en en revendiquant l'origine, c'était pour eux une façon de se donner une légitimité qui déjà était étrangère au prolétariat, puisque les réformes sociales ne furent que des sous-produits des mouvements sociaux et parfois révolutionnaires d'après-guerre, négociées avec les représentants du capital en échange de la reprise du travail et de la paix sociale, une sorte déjà de compromis pourri avec les capitalistes. Comme dirait l'autre et j'y reviens : le ver était dans le fruit dès l'origine, il faut extirper le réformisme de nos rangs et nos têtes et nous pourrons ensuite marcher en ordre et non dispersé, voilà la première leçon que je tire de l'actualisation de ce document.
Le prolétariat sortira épuisé et meurtri de quatre ans de guerre, de privations en tous genres qui continueront jusqu'au début des années 50 et parfois au-delà, pour ceux qui n'auront pas le privilège de travailler dans une grande entreprise ou la fonction publique, de faux espoirs en illusions, les trahisons pèseront lourds sur le moral et la détermination de la classe ouvrière. Les concessions de la bourgeoisie avaient pour objectif de gagner du temps, c'était un cadeau inespéré que lui faisait les appareils en 1945, pour pouvoir engager la décolonisation en douceur si possible, on sait ce qu'il en adviendra avec l'Afrique couverte de dictatures !
Ces concessions avaient avoir un coût inestimable pour la classe ouvrière, elle les a payées le prix fort, elles étaient la contrepartie de sa soumission au capitalisme, en tout cas c'est dans cet esprit là qu'elles ont été conçues et que certains les ont présentées et interprétées, les représentants de la bourgeoisie bien sûr, ensuite les dirigeants syndicaux en tête, suivis de près par ceux de la SFIO et du PCF, et enfin par leurs béquilles du PT, LCR et LO, qui confondent volontiers les droits acquis qui sont le produit d'un rapport de force par forcément à l'échelle nationale, et les conquêtes sociales qui ont été arrachées par la mobilisation massive du prolétariat au cours du XXe siècle. En passant; le glissement lexical de Lambert qui a remplacé les droits acquis par des réformes n'est pas anodin : il s'agissait de faire croire aux militants et aux travailleurs que le capitalisme était encore capable de procéder à des réformes progressistes sans en évoquer l'origine ni les conséquences sur le plan politique, par exemple aujourd'hui, elles seraient le produit direct de l'exploitation effrénée du prolétariat chinois et le pillage des ressources des peuples en Afrique qui permettent d'assurer la pérennité du capitalisme.
On ne crache pas sur les réformes, on les défend sans s'y soumettre, en refusant la collaboration de classes pour en arracher, car à ce prix là, cela ne vaut pas le coup de se compromettre ni jamais d'ailleurs. Il faut être conséquent, on ne peut pas combattre sur le terrain syndical en restant enfermé dans le carcan de la négociation et de la collaboration de classes, il faut se placer sur un terrain de lutte de classe contre le capitalisme à tous les niveaux, ce qui implique son abolition. Sur le plan politique, cela passe par l'abolition des institutions et de la constitution qui sont les piliers de l'Etat bourgeois et dont dépend la légitimité du capitalisme, même l'Union européenne et ses traités sont soumis à l'approbation de la constitution de la Ve République quite à la modifier si nécessaire n'en déplaise à certains, c'est ainsi (art.5 et 52 notamment). Comme disait Lénine, c'est plus économique par la voie révolutionnaire d'obtenir des réformes sociales pour le prolétariat, et c'est plus économique pour les capitalistes de passer par la voie du réformiste qui leur laisse le temps de respirer avant la prochaine tempête.
Le capitalisme pendant les Trente glorieuse a corrompu les couches supérieurs du prolétariat et leurs dirigeants, ce qui était compris évidemment dans les concessions en question et qu'il faut bien retenir pour comprendre la dégénérescence aussi des syndicats, ce processus n'a pas été propre à la IVe Internationale. La décadence du capitalisme entraîne toutes les couches de la société vers l'abîme à l'exception des capitalistes eux-mêmes.
Le processus de destruction de la IVe Internationale et, en dernier lieu, du PCI et de IVe Internationale-CIR, en tant qu’organisations trotskystes, combattant sur le programme de la IVe Internationale, est foncièrement différent de celui du passage de la IIe Internationale, de la IIIe Internationale et de leurs partis du côté de la défense de l’ordre bourgeois. La IIe Internationale et ses partis sont devenus les expressions politiques de l’aristocratie ouvrière qui s’est formée à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle dans les pays impérialistes dominants. L’exploitation du monde par ces puissances a donné les moyens aux bourgeoisies de ces pays de concéder à certaines couches de "leurs" prolé tariats d’importantes miettes du festin impérialiste (Lénine). La IIIe Internationale et ses partis ont été subordonnés à la bureaucratie du Kremlin dont elles sont devenues l’instrument international. Dans les deux cas se sont formées des bureaucraties qui ont dénaturé ces Internationales et leurs partis.
En ce qui concerne la IVe Internationale, il n’y a pas de couche sociale particulière dont elle serait devenue l’expression politique, il ne s’est pas formé de bureaucratie l’ayant dégénérée.
Si justement, il s'en était formée une ou plusieurs pour être plus précis, une davantage subordonnée au stalinisme, l'autre à la social-démocratie dégénérée. On ne peut pas dire simplement que la direction de la IVe Internationale était soumise aux appareils sans que l'appareil (ou des pans entiers de l'appareil) se soit déjà transformé ou soit en train de se transformer en bureaucratie parasitaire. Quelle était la nature de classe de cette dégénérescence, les intérêts de quelle classe particulière représentait-elle ? Je pense que c'est la question essentielle qu'il nous faut aborder.
La soumission des uns et des autres aux appareils devait forcément à un moment donné passer du plan strictement idéologique au terrain organisationnel ou se traduire concrètement à l'intérieur de la IVe Internationale. Ce que Just n'a pas compris selon moi, c'est que la crise de 52-53 n'était pas seulement le produit de forces extérieures ayant exercées une trop grande pression sur la direction de la IVe Internationale, mais aussi le produit de la capitulation très tôt de plusieurs de ces dirigeants et de la faiblesse théorique de la majorité des autres dirigeants. D'ailleurs leur capitulation devant le stalinisme ou le réformisme renvoyait forcément à une couche sociale particulière.
Si en dernière analyse, donc au-delà de leurs propres contradictions, l'un et l'autre étaient au service du capitalisme mondial, ils jouaient le rôle d'intermédiaire entre les deux seules classes indépendantes qui se caractérisaient par des intérêts fondamentalement opposés, la classe ouvrière et la bourgeoisie, ne pouvant pas s'appuyer directement sur la bourgeoisie et refusant de s'appuyer résolument sur le prolétariat, cette couche bureaucratique à deux têtes au sein de la IVe Internationale représentait avant tout les intérêts de la petite bourgeoisie, de l'aristocratie ouvrière et des couches supérieures du prolétariat plus ou moins liées à la bourgeoisie. Etant donné que le stalinisme et le réformisme apparaissent chacun à leur façon comme l'expression d'intérêts particuliers étrangers aux intérêts collectifs du prolétariat, il était normal que la dégénérescence de la IVe Internationale n'apparaisse pas comme l'expression politique d'une couche particulière et qu'elle ne revête pas une forme organisée au départ, car dans le cas contraire, la nature sociale des classes et des couches sociales sur lesquelles les uns et les autres s'appuyaient auraient tout de suite sauté au yeux, comme elle avait sauté aux yeux de Trotsky aux Etat-Unis par exemple.
Il ne faut pas oublier que les partis se sont toujours construits par en haut au départ. Ce sont des bourgeois et des petits bourgeois, des intellectuels, qui ont été à la base de la construction de tous les partis ouvriers depuis que le capitalisme existe, les partis de la IVe Internationale ne faisaient pas exception à cette règle. Qu'ils définissent une orientation politique en direction des masses est une chose, qu'ils l'appliquent concrètement en s'adressant directement aux masses, ce qui implique le contact physique avec les masses, en est une autre. De ce point de vue le témoignage de Broué est intéressant. Quand il dit qu'après-guerre il n'y avait qu'une poignée de trotskystes dont la majorité étaient des intellectuels et qu'ils étaient par ailleurs impossibles de demander à des étudiants de discuter avec des ouvriers, il résume très bien ce que je viens d'expliquer. De son côté, en substance Trotsky expliquera à J. Cannon que la seule façon de sauver le parti, c'était d'envoyer les intellectuels au contact des ouvriers et d'en recruter un maximum, afin de contrebalancer la tendance petite bourgeoise majoritaire du parti qui s'écartait de plus en plus dangereusement du marxisme...
On peut déjà tirer une première leçon de cette première analyse. Un parti ouvrier comporte au départ peu d'ouvriers. Il est composé essentiellement et dirigé par des militants qui ne proviennent pas de la classe ouvrière. Ses dirigeants appartiennent à une classe qui tend en permanence à pencher sur le plan politique du côté de la classe ouvrière ou de la bourgeoisie. S'il ne recrute pas rapidement des ouvriers et des employés et que rien ne vient compenser à l'intérieur du parti la pression exercée en permanence par la bourgeoisie sur sa direction, il arrivera un moment où la politique de sa direction tendra inévitablement à rechercher des compromis avec la bourgeoisie pour satisfaire les intérêts de la base du parti. Une fois qu'elle aura franchi cette étape cruciale, elle sera définitivement accrochée au char de l'impérialisme et ne pourra plus jamais s'en décrocher.
Il s’agit
tout simplement d’une adaptation et d’une soumission aux appareils
bureaucratiques déjà existants, staliniens, social-démocrates, syndicaux. Ainsi
"l’appareil" du PCI est une projection de celui de FO, un instrument de
l’appareil de FO qui a domestiqué et détruit le PCI. Par la médiation de Lambert
principalement, une osmose a eu lieu. L’appareil de la LCR est induit des
bureaucraties contrôlant et se soumettant le mouvement ouvrier.
Je suis d'accord avec cette analyse à la virgule près. Reste à savoir jusqu'à quel point sur le plan théorique et politique le réformisme s'est infilté dans nos têtes et nos rangs pour l'extirper, je le répète car cela nous concerne tous, il faut inventer l'avenir avec les matériaux dont nous disposons, à nous de choisir l'orientation politique la meilleure pour en faire bon usage et avancer vers notre objectif commun. Une analyse qui n'inclus pas cet objectif ou le perd de vue est inutile. Il faut rompre avec les appareils, voilà la seconde leçon, c'est impératif, c'est une question de vie ou de mort politique, chacun est face à ses responsabilités. Le trotskysme est bien pourvue, il a au moins deux branches pourries pour faire barrage à la construction du parti et de l'Internationale et qui collaborent avec les appareils. La caractérisation de la LCR me convient également, à laquelle on peut associer LO pour que chacun trouve sa place.
Il est a peu près inévitable qu’une tendance à attribuer aux "méthodes" la responsabilité de la destruction de la IVe Internationale et notamment de IVe Internationale-CIR" et du PCI en tant qu’organisations trotskystes. Vieux refrain, mais dont l’air et les paroles ne sont que des bruits de crécelle. C’est ainsi que la naissance, le développement, la victoire en URSS de la bureaucratie du Kremlin ont été attribués aux "méthodes" du bolchevisme qui auraient généré cette bureaucratie et, par extension, la subordination au Kremlin de la IIIe Internationale et de ses partis. "Les méthodes" sont le produit d’une situation politique ce qui ne veut pas dire qu’elles n’aient pas d’importance. Nous renvoyons les camarades aux articles de L. Trotsky sur le bolchevisme et le stalinisme.
La première phrase est illisible à moins d'ajouter se développe ou de mettre le verbe attribuer au mode subjonctif ? Par contre la méthode pour interpréter le monde, c'est quelque chose qui nous intéresse en premier lieu, sans laquelle nous sommes désarmés face à l'ennemi. Les méthodes dans le sens où l'entendait Just concernaient le fonctionnement des partis si je comprends bien ce qu'il a voulu dire. Elles ne sont pas seulement le produit de la situation politique, elles sont aussi le produit de la nature sociale du parti. Staline a ouvert les portes du parti bolchevik après la mort de Lénine, pour en quelque sorte en changer la nature sociale, avant de briser l'opposition de gauche dirigée par Trotsky, afin de pouvoir ensuite liquider physiquement la vieille garde restée fidèle au bolchevisme qui incarnait le prolétariat. Les méthodes sont avant tout le produit de la capacité de la direction du parti à élaborer une analyse correcte de la situation. Parler de méthodes sans se poser la question de savoir quelle était l'orientation politique du parti à ce moment précis, c'est ne parler pour ne rien dire, c'est se livrer à une abstraction. Just a eu raison de nous renvoyer aux articles de Trotsky sur le bolchevisme et le stalinisme, mais je dois dire en passant que ce qu'il a dit plus haut sur la dégénéréscence de la IIe Internationale, il aurait pu très bien l'appliquer à la IVe Internationale dont les partis sont devenus les expressions politiques de l’aristocratie ouvrière qui s’est formée après-guerre. Cela ne vous a-t-il jamais étonné que les dirigeant n'aient jamais produit une analyse sérieuse des différentes classes et des différentes couches qui les composent, et leur transformation, qu'ils n'évoquent jamais le rôle de l'artistocratie ouvrière ? Un silence qui en dit davantage que de longs discours.
Vraisemblablement des camarades seront choqués par le constat que : la liquidation, en tant qu’organisation trotskyste du PCI et de IVe Internationale-CIR, c’est-à-dire combattant sur le programme, est le coup final porté de la IVe Internationale en tant qu’organisation. C’est pourtant la réalité. Ni le SU, ni la LIT, ni les multiples débris qui prétendent être ou représenter, ou construire ou reconstruire la IVe Internationale, ne sont la IVe Internationale fidèle à son programme ou n’en assument la continuité, comme l’ont assumés le CI, le CORQI, IVe Internationale-CIR. Il faudra construire une nouvelle Internationale Ouvrière Révolutionnaire.
En disant cela, Just admet donc que la IVe Internationale avait déjà été reconstruire, alors que je pensais qu'il le contestait, peu importe. Quand il prête au CI, au CORQI, et à la IVe Internationale-CIR d'avoir assumé la continuité de la IVe Internationale, on ne peut que partager son point de vue au regard du travail accompli par les dirigeants qui l'ont défendue loyalement avant d'en être écartés ou éliminés par des renégats du trotskysme. Là aussi je rejoins le point de vue de Just, au lieu de se déchirer autour des débris de la IVe Internationale qui n'aura jamais dépassé le stade embryonnaire selon moi, ou d'y donner un nom qui conviendra à tous les militants, appelons-la tout simplement l'Internationale puisqu'en pincipe, si Marx et Engels ne se sont pas trompés, ce devrait être la dernière inaugurant la voie du socialisme, pourquoi alors vouloir lui donner un numéro, ce serait humiliant et une étape de trop, comme celui de la restauration de la démocratie bourgeoise avant de passer à la révolution socialiste par exemple. Nous aurons bien d'autres raisons de nous quereller.
Aucune organisation ouvrière, aucun parti ouvrier, aucune Internationale n’est immortelle. Pour ne prendre que les Internationales :
La première Internationale, l’Association Internationale des Travailleurs, a été fondée le 28 septembre 1864 dans un meeting international tenu à St-Martin’s Hall de Londres. Au contraire de ce que prétend Lambert et son ami politique Hébert, pour lequel la seule véritable internationale a été la Ière Internationale, ce ne fut pas le nec plus ultra de ce qui peut se concevoir comme Internationale ouvrière. Elle a correspondu à une période de constitution d’organisations ouvrières les plus diverses, à une reprise du mouvement de la classe ouvrière, écrasée au cours des années 1848-1852. Elle a concrétisé un premier effort pour doter le prolétariat mondial d’une organisation internationale. Mais à son origine, elle était extraordinairement composite : très très peu de marxistes ; des organisations trade-unionistes, proudoniennes, anarchistes ; des démocrates petits-bourgeois, des coopérateurs bourgeois ; des personnalités d’organisations philanthropiques, éducatives ; des mazziniens, etc... Mais son apport au mouvement ouvrier international a été décisif pour sa construction, grâce notamment à Marx et à Engels. Elle n’a pas pour autant été immortelle en tant qu’organisation. Ainsi, en 1872, Engels et Marx ont poursuivi le combat à l’intérieur de l’AIT contre Bakounine et les anarchistes. En conclusion du texte "Les prétendues scissions dans l’Internationale", ils écrivaient :
"L’Anarchie, voilà le grand cheval de bataille de leur maître Bakounine... (Il) proclame l’anarchie dans les rangs des prolétaires comme le moyen le plus infaillible de briser la puissante concentration des forces sociales et politiques entre les mains des exploiteurs, sous ce prétexte (...) demande à l’Internationale au moment où le vieux monde cherche à l’écraser, de remplacer son organisation par l’anarchie...
Londres, le 5 mars 1872."
Au congrès de la Haye, le 6 septembre
1872, Engels a proposé et fait voter une résolution transférant le Conseil
Général de l’Internationale à New York, c’est-à-dire la mettant en sommeil. Le
Conseil Général dissoudra la Ière Internationale en 1875. La défaite de la
Commune de Paris a pesé sur toutes les classes ouvrières européennes et impulsé
le développement des forces centrifuges au sein de la Ière Internationale. Marx
et Engels ont alors estimé qu’elle ne pouvait plus être qu’un obstacle à la
constitution d’organisations et de partis ouvriers marxistes dans chaque pays.
La Ière Internationale est morte de la conjonction d’une situation objective
devenue, après la défaite de la Commune de Paris, défavorable au prolétariat et
de son hétérogénéité théorique et politique.
Quand les guerres ne se transforment pas en révolutions ou que les révolutions échouent, le prolétariat en sort défait ou vaincu, son avant-garde se disloque, ses partis et son Internationale avec. Marx et Engels avaient pris une sage décision. Nous aurions peut-être dû prendre la même décision avec la IVe Internationale dès l'après-guerre, la dissoudre tout simplement, je ne sais pas. Dans le passé, jamais une Internationale n'est restée en vie aussi longtemps soi-disant au service du prolétariat, je précise puisque sous une forme complètement dégénérée la IIe Internationale perdure. En disant cela je ne veux évidemment pas dire que la IVe Internationale aurait été construite à un moment donné, mais elle a existé sous des formes variées embryonnaires, une sorte de corps perpétuellement inachevé, non pas à cause des ouvriers qui ne seraient pas capables d'édifier cet édifice, mais parce que les architectes n'avaient pas été foutus de concevoir les bons plans, il y en a ainsi qui cultivent ce genre de malformations, comme on cultive les pour ou les périodes de transition qui agaçaient tant Trotsky.
Quand les dirigeants du PCI ont décidé de liquider leur parti pour le remplacer par un regoupement hétérogène de militants venant d'horizons divers à la fin des années 80 baptisé MPPT, ils ont fait la preuve une nouvelle fois de leur incurie politique, car aucun parti ne s'est construit au cours d'une période de reflux du mouvement ouvrier ou juste après avoir enregistré une sévère défaite. S'ils avaient réfléchit un instant à cette question et qu'ils avaient tenu compte des enseignements de la lutte des classes du XXe siècle, ils n'auraient peut-être pas imposé cette orientation opportuniste à leurs militants. De ce point de vue là, reproclamer la IVe Internationale au lendemain de la restauration du capitalisme en Russie, c'était assurément caricatural et démontrait leur conception aventureuse et grotesque du parti et de la l'Internationale. Si je ne me trompe pas, quand Trotsky a proclamé la IVe Internationale en 1938, certes c'était juste après que le prolétariat avait subi de terribles défaites (Allemagne, Espagne, France, etc.) mais elle comportait une trentaine de sections ce qui pouvait laisser envisager un développement rapide de la IVe Internationale, alors que celle de Lambert en 1993 se comptaient sur les doigts d'une seule main ! Cette proclamation s'apparentait à un caprice de mégalomane, c'était une façon de dire à tous les militants : dorénavant plus personne ne pourra revendiquer la construction de l'Internationale, car l'Internationale c'est nous !
La IIe Internationale a été constituée en 1889 à Paris pendant l’exposition universelle. A l’origine, Engels n’était pas partisan alors de la constituer. Il était avant tout, pour construire dans les différents pays des partis marxistes selon la méthode de construction du parti ouvrier socialiste d’Allemagne. Dans la préface qu’il a écrit en 1894 en vue de la republication de la brochure de Marx "Les luttes de classes en France 1848-1852", Engels expliquait :
"L’histoire a montré clairement (qu’en 1848-1852) l’état du développement économique sur le continent était encore bien loin d’être mûr pour la suppression de la production capitaliste ; elle l’a prouvé par la révolution économique qui depuis 1848 a gagné tout le continent et qui n’a véritablement acclimaté qu’à ce moment la grande industrie en France, en Autriche, en Hongrie, en Pologne et dernièrement en Russie et fait vraiment de l’Allemagne un pays industriel de premier ordre - tout cela sur une base capitaliste, c’est-à-dire encore très capable d’extension en 1848... Alors c’étaient les nombreux Evangiles fumeux de sectes, avec leurs panacées, aujourd’hui c’est la seule théorie de Marx universellement reconnue, d’une clarté transparente et formulant de façon tranchante les fins dernières de la lutte... aujourd’hui (c’est) la seule grande armée internationale de socialistes, progressant sans cesse, croissant chaque jour en nombre, en organisation, en discipline, en clairvoyance et certitude de victoire. Même si cette puissante armée du prolétariat n’a toujours pas atteint son but, si, bien loin de remporter la victoire d’un seul grand coup, il faut qu’elle progresse lentement de position en position dans un combat dur, obstiné, la preuve est faite une fois pour toutes qu’il était impossible en 1848 de conquérir la transformation sociale par un simple coup de main."
Trois aspects de la pensée de Engels,
à ce moment, se dégagent de cette citation :
1) Les conditions économiques pour que le
prolétariat prenne le pouvoir n’étaient pas mûres en 1848, car le capitalisme
recelait de vastes possibilités de développement et en 1894 encore Engels ne dit
pas que ce développement est terminé ;
2) Il souligne l’essor des partis marxistes
pour marteler "il s’agit aujourd’hui de construire des partis marxistes".
3) Il montre que le moment est encore celui
de la progression de "position en position", c’est-à-dire que le temps de la
révolution n’est pas encore venu.
112 ans plus tard, la situation est beaucoup plus contrastée, le capitalisme a atteint un niveau de développement inégalé dans le passé et en même temps une partie considérable des forces productives sont transformées en forces destructrices, si les conditions objectives pour que se produise une révolution sont mûres et ont déjà commencé à pourrir depuis un siècle, le capitalisme a profité d'un répit que lui ont octroyé les appareils, en premier lieu le stalinisme juste après la guerre, avant que le réformisme ne prenne le relais.
A propos de conditions économiques je voudrais seulement dire deux mots. L'affaire de la Société générale fait grand bruit, il y a sans doute un déli d'initiés derrière, mais je remarque que depuis plusieurs décennies à chaque fois qu'une nouvelle crise frappe les marchés financiers, ils s'en sortent toujours très bien, certes avec de la casse et des licenciements par milliers ou des faillites retentissantes, mais le capitalisme est loin d'être à genoux. Et pour cause, si les chiffres qui figuraient dans la Plate forme d'action politique du PT sont exacts, en disposant de 28 000 milliards de dollars de réserve, les multinationales qui contrôlent le marché peuvent faire face à des crises où disparaissent en quelques heures des centaines de milliards de dollars. On nous en parle comme si c'était un événement exceptionnel révélateur de la crise du capitalisme, à ce compte là, on comprend que d'après leurs auteurs la crise du capitalisme n'en finisse plus de durer puisqu'elle serait frappée du sceau de l'éternité comme lui. Le capitalisme ne disparaîtra pas de lui-même et ce n'est pas la perte de centaines de milliards de dollars qui le mettra à terre, mais bien la mobilisation révolutionnaire du prolétariat pour peu qu'il soit organisé et dispose d'un guide pour éclairer son chemin.
L'intérêt de retenir ce chiffre, ce n'est pas pour démontrer que le capitalisme pourrait réaliser des réformes dans le cadre du capitalisme, mais pour montrer que bien qu'il dipose de cet argent, il ne peut pas le mettre en circulation sans que la machine économique s'emballe et ne l'emporte avec, puisque le capitalisme a pour fondement l'accumulation du capital et non son utilisation sur le plan social pour le bien-être de la population. L'abolition du capitalisme est plus qu'une question idéologique ou théorique, elle est avant tout une nécessité historique sur le plan pratique international, d'où l'action nécessaire pour le renverser et la nécessité pour y parvenir de construire des partis et une Internationale sur les bases du marxisme.
Quand je lis que certains reprochent à des groupes de militants de ne pas être reliés à une Internationale, c'est stupide puisque pour que cette internationale existe, au préalable il faudrait qu'il existe des partis construits sur les bases du marxismes. Aujourd'hui les dirigeants du PT contestent cette analyse et veulent revenir à la Ie Internationale. Donc la forme de parti enfin trouvé pour prendre le pouvoir dont parlait Lénine, il faut l'abandonner, sans que l'on sache au juste pourquoi et sans qu'ils soient capables de nous l'expliquer dans leur journal. Ils justifient la présence des anarchistes dans l'Internationale en falsifiant l'histoire de la Ière Internationale, Marx et Engels les avaient virés pas seulement à cause de la question de l'Etat, mais parce que les anarchistes substituaient l'anarchie à l'organisation du prolétariat pour vaincre la bourgeoisie. Si c'est par ce moyen qu'ils espèrent nous convaincre du bien-fondé de leur conception de l'Internationale, c'est mal parti et conforte plutôt notre conviction qu'il faut construire des partis et une Internationale sur la base des principes du léninisme.
Dans cette même préface, Engels fait l’éloge de la façon dont se construit le parti ouvrier social-démocrate allemand : par le bulletin de vote, la conquête de sièges parlementaires, de municipalités, etc...
"Dans l’agitation électorale (le suffrage universel) nous a fourni un moyen qui n’a pas d’égal pour venir en contact avec les masses populaires là où elles sont encore loin de nous, pour contraindre les partis à défendre devant tout le peuple leurs opinions et leurs actions face à nos attaques ; et, en outre, il a ouvert à nos représentants au Reichstag une tribune du haut de laquelle ils ont pu parler à leurs adversaires au Parlement ainsi qu’aux masses au dehors, avec une toute autre autorité et une toute autre liberté que dans la presse et les réunions. A quoi servait au gouvernement et à la bourgeoisie leur loi contre les socialistes si l’agitation électorale et les discours des socialistes au Reichstag y faisaient continuellement des trouées ?
Mais par cette utilisation efficace du
suffrage universel, un tout nouveau mode de lutte du prolétariat était mis en
œuvre et il se développa rapidement. On trouva que les institutions d’Etat où
s’organise la domination de la bourgeoisie fournissent encore de nouveaux tours
de main au moyen desquels la classe ouvrière peut combattre, ces mêmes
institutions d’Etat. On participa aux élections aux différentes diètes, aux
conseils municipaux, aux conseils des prud’hommes, on disputa à la bourgeoisie
chaque poste à l’occupation duquel une partie suffisante du prolétariat avait
son mot à dire. Et c’est ainsi que la bourgeoisie et le gouvernement en
arrivèrent à avoir plus peur de l’action légale que de l’action illégale du
parti ouvrier, des succès des élections que ceux de la rébellion."
Engels n’était pas, pour autant,
devenu un parlementariste, un réformiste. Il restait un révolutionnaire. Pour
lui, les positions ainsi conquises ne pouvaient être considérées que comme des
bastions, des points d’appui pour l’inévitable et nécessaire révolution
prolétarienne, la préparation à la révolution prolétarienne : "le droit
à la révolution n’est-il pas après tout le seul "droit historique"
réel."
Engels estimait qu’il ne fallait pas
renouveler la constitution d’une Internationale hétérogène comme l’avait été la
Ière Internationale, mais réunir les conditions d’une internationale marxiste
par la construction de partis marxistes.
Trotsky a mis en valeur le rôle organisateur
de la IIe Internationale et de ses partis (voir l’IC après Lénine). Plus haut il
a été souligné que, ainsi que Lénine devait l’analyser, la IIe Internationale et
ses partis avaient fait faillite, comme organisations combattant pour la
révolution prolétarienne et le socialisme, en raison de ce qu’ils sont devenus
la représentation politique d’une aristocratie ouvrière bénéficiant des miettes
tombées de la table des puissances impérialistes exploitant le monde entier.
En fait, tant que la question du pouvoir ne s'est pas présentée concrètement au prolétariat, la formule des partis social-démocrates pouvaient permettre le développement du mouvement ouvrier. On pourrait même dire au regard de l'expérience de la IIe Internationale, tant qu'ils n'avaient pas dû affronter directement la bourgeoisie, à avoir à choisir au moment décisif entre le prolétarait et la bourgeoisie, ils ont pu se développer et aider le prolétariat à conquérir des droits, mais de par leur composition, quand l'occasion s'est présentée lors d'un choc frontal, il s'est révélé impropre à aller au-delà de cette tâche, sa direction a capitulé et le parti a éclaté. Si lénine n'avait pas tiré les leçons de cette débâcle lamentable des partis sociaux-démocrates en France et en Allemagne, le parti bolchevik ne serait pas devenu ce qu'il fut par la suite et il n'aurait sans doute jamais pu prendre le pouvoir. C'est cette leçon déterminante pour le prolétariat mondiale qu'a délibérément abandonné le tandem Lambert-Gluckstein.
La composition d'un parti comportant des tendances ne se référant pas à la même voie est une sorte de compromis temporaire entre des voies en réalité inconciliables et qui doit éclater un jour ou l'autre, parce qu'elles ne reposent pas fondamentalement sur les mêmes classes sociales. Puisque la voie réformisme se contente de réformes octroyées par le régime capitaliste qu'elle n'a pas l'intention d'abolir, pour continuer à exister, elle a besoin qu'il assure sa pérennité et de l'y aider au besoin, alors que la voie révolutionnaire s'inscrit dans la perspective de sa disparition, les réformes ne sont alors qu'un tremplin pour tout ravir aux capitalistes et ne rien leur rester. Il faut insister sur les limites de ce que l'on peut attendre de partis construits sur le modèle du parti social-démocrate. A l'époque de l'impérialisme stade suprême du capitalisme, en tenant compte de l'expérience du mouvement ouvrier au cours du XXe siècle, il faut à la fois construire un parti de type bolchevik centralisé et discipliné et à côté proposer une structure d'organisation plus souple ou moins contraignante ouverte à tous ceux qui refusent la régression sociale et qui entendent combattre contre le gouvernement et les institutions, tout en sachant que la confusion entre les deux structures serait mortelle. Il est frappant de constater aujourd'hui que des milliers de militants révolutionnaires se retrouvent inorganisés, alors qu'ils ne demandent qu'à se battre.
La IIIe Internationale a surgi de la Révolution et de la vague révolutionnaire qui a déferlé à la fin de la première guerre mondiale et dans l’immédiat après guerre. En Suisse, à Zimmervald, en septembre 1915, à Krenthal en avril 1916, deux conférences internationales se sont tenues. Elles ont réuni les oppositions à la guerre dans les partis socialistes et les organisations syndicales. A vrai dire, ces oppositions à la guerre étaient fort mélangées et hétérogènes. Tout en votant le manifeste issu de la conférence de Zimmervald, Lénine soumit à celle-ci une résolution et il tint à marquer ses réserves vis à vis du manifeste. Sa résolution proclamait "guerre civile et pas paix sociale". Elle fut rejetée.
Ces conférences, dans la mesure où le parti
bolchevique fit entendre sa position "transformation de la guerre impérialiste
en révolution prolétarienne", "défaitisme révolutionnaire" peuvent être
considérées comme des jalons vers la IIIe Internationale. Trotsky a défini dans
sa critique du projet de programme de l’Internationale Communiste, qui devait
être soumis au 6e congrès de l’IC, lequel s’est tenu en 1928, les tâches, les
stratégies et la tactique du Parti mondial de la révolution prolétarienne, que
les quatre premiers congrès 1919, 1920, 1921, 1922 de la IIIe Internationale
avaient déjà dégagées et commencées à formuler. La dégénérescence de la
révolution russe a entraîné celle de la IIIe Internationale et de ses partis
(voir plus haut).
Trotsky dira également qu'il ne fallait pas se voiler la face et qu'il n'a jamais existé ailleurs qu'en Russie un parti capable de s'emparer du pouvoir, que seul le parti bolchevik avait rempli les conditions nécessaires pour prétendre vaincre. La défaite des différentes révolutions en Europe et en Chine ont certes témoigné du retard du prolétariat à remplir les conditions nécessaire pour se lancer à l'assaut du pouvoir, mais elle a surtout révélé qu'il avait été incapable de se doter d'une direction révolutionnaire.
Les critiques formulées par Lénine et Trotsky à l'encontre du PCF lors du 4e congrès de l'IC laissaient clairement comprendre que ce parti n'était pas vraiment un parti communiste. Les partis de la IIIe Internationale ont dégénéré sous les coups du stalinisme avant d'être arrivé à maturité politique, ils étaient déjà bouffés aux mites par l'idélogie bourgeoise, aucun n'avait suffisamment assimilé les enseignements de Marx et de Lénine.
Le programme de transition, "l’agonie du capitalisme et les tâches de la IVe Internationale" le spécifie "la IVe Internationale est née de grands événements de l’histoire" mais ces événements ce furent les plus grandes défaites que la classe ouvrière internationale ait subies. Grâce à Trotsky, la IVe Internationale a rassemblé tout le capital théorique et politique d’un siècle de lutte de la classe ouvrière, de combats, d’action politique pour, au travers les Ière, IIe, IIIe Internationales, construire les organisations dont le prolétariat a besoin pour prendre le pouvoir et édifier le socialisme. Elle a tiré les enseignements stratégiques et tactiques de la première période de la révolution qui va de la fin de la première guerre mondiale, de la révolution russe, aux terribles défaites de la décennie 30. Mais, contradictoirement, après l’assassinat de Trotsky, aucune direction à la hauteur des tâches que s’assignait la IVe Internationale ne s’est dégagée et constituée. Les raisons en ont été indiquées plus haut. La IVe Internationale est restée marginale. Finalement, la crise qui l’a disloquée en 1951 et 1953, n’a jamais été surmontée et résolue positivement, tel un cancer, a tué la IVe Internationale en tant qu’organisation trotskyste.
Si aucune direction n'a été à la hauteur de la situation politique après la mort de Trotsky, raison de plus pour en déduire qu'il faut analyser en profondeur et jusqu'au bout ce qu'impliqueront les analyses que feront de la situation les dirigeants de 1940 jusqu'à nos jours, quelles positions ils ont développées, quels arguments ils ont mis en avant pour les justifier, quelle méthode ils ont utilisée aussi, à quelle source ils ont puisé, etc. Que valent réellement les bases théoriques sur lesquelles reposent leur programme, leur tactique et leur stratégie ? Il y a de fortes chances qu'elles soient erronées ou inappropriées bien au-delà de ce qu'on peut seulement imaginer.
On peut évidemment ressasser : "il faut reconstruire la IVe Internationale". Désormais ce serait simplement un acte de foi, l’affirmation mystique "hors de la IVe Internationale il n’est pas de salut". Comme les Ière, IIe et IIIe Internationales, la IVe Internationale a eu son histoire. Elle a rempli une fonction indispensable : sauvegarder les acquis théoriques et politiques dont il vient d’être question. Sur certains problèmes, ils ont même été enrichis au cours de la lutte contre le révisionnisme, pour assumer la continuité de la IVe Internationale, par exemple ceux de la révolution politique depuis que le processus qui y conduit a commencé en juin 1953 dans la partie est de l’Allemagne — avant que toutes les organisations qui se réclament d’elle ne succombent au révisionnisme. Un parti comme le POR de Bolivie avait réussi à devenir un parti exerçant une influence de masse. Des sections comme la SLL et l’OCI ont rassemblé des forces qui permettaient d’envisager la construction de véritables partis ouvriers révolutionnaires ayant une influence de masse. Mais, là aussi, la conjonction de la pression de la bourgeoisie, des bureaucraties parasitaires et contre-révolutionnaires des organisations ouvrières traditionnelles, partis et appareils syndicaux, du révisionnisme, les conséquences de l’éclatement de la IVe Internationale ont fini par l’emporter.
Je partage entièrement cette analyse. Reste à construire des partis révolutionnaires sur la base du marxisme dans chaque pays, afin de fonder l'Internationale qui aura pour tâche d'éclairer le prolétariat mondial sur la voie de son émancipation.
Pas plus le Comité que quoi que ce soit ne peut ressusciter la IVe Internationale comme organisation combattant sur ce qui fut son programme, pas plus que l’opposition de gauche ne pouvait ressusciter la IIIe Internationale dont le constat de mort, comme organisation combattant pour la révolution prolétarienne, a été dressé en 1933 par Léon Trotsky. Lors de sa proclamation, en 1938, le programme de transition pouvait dire de la IVe Internationale :
"La crise actuelle de la civilisation
humaine est la crise de la direction prolétarienne. Les ouvriers avancés réunis
autour de la IVe Internationale montrent à leur classe la voie pour sortir de la
crise. Ils lui proposent un programme fondé sur l’expérience internationale de
la lutte émancipatrice du prolétariat et de tous les opprimés en général. Ils
lui proposent un drapeau sans tache aucune.
Ouvriers et ouvrières de tous les pays : rangez-vous sous le drapeau de la IVe Internationale. C’est le drapeau de votre victoire prochaine !"
Aujourd’hui ce n’est plus le cas, le révisionnisme pabliste, l’extension du révisionnisme jusqu’au PCI et à IVe Internationale-CIR, les implications politiques que cela a eu et a plus que jamais, ont souillé son drapeau. Il n’est plus celui des victoires prochaines ou lointaines, du prolétariat. Il couvre maintenant la politique et les organisations qui agissent en flanc-garde des partis et appareils syndicaux, agents de la bourgeoisie. Ceux qu’ils couvrent se dressent en obstacles supplémentaires à la construction des partis ouvriers révolutionnaires de l’Internationale Ouvrière Révolutionnaire dont le prolétariat a besoin pour prendre le pouvoir et édifier le socialisme. Le Comité doit affirmer désormais qu’il combat pour une nouvelle Internationale : l’Internationale Ouvrière Révolutionnaire, laquelle fera sienne tout l’acquis théorique et politique des Ière, IIe et IIIe Internationales.
Depuis que ces lignes ont été écrites, la quantité s'est transformée en qualité, les dirigeants du PT qui sont les mêmes qui dirigent son courant communiste internationaliste sensé assurer la continuité du bolchevisme ont franchi plusieurs étapes supplémentaires sur la voie du reniement du marxisme. La ligne de la défense de la démocratie (bourgeoise) qu'ils avaient défini au début des années 80 et qui devait leur servir d'orientation politique sera enrichie de la défense de la République et de la nation. L'opportunisme qu'ils développeront au cours des années 2000 les amènera à s'en remettre à un antirévolutionnaire déclarée ayant fait toute sa carrière politique au PS, Gérard Schivardi, qu'ils propulseront et soutiendront lors des élections présidentielles de mai 2007. 21 ans après la constitution du Mouvement pour un parti des travailleurs qui devait fournir le cadre pour construire le parti révolutionnaire, est un échec sur toute la ligne. Les militants restés fidèles à la révolution prolétarienne l'ont déserté ou ont été exclus, leur départ a été partiellement compensé par des éléments n'ayant jamais rompu tout à fait leurs liens avec le PS ou le PCF. En avril 2007, en annonçant son remplacement par un parti ouvrier où le marxisme serait encore plus dilué, les dirigeants du PT ont confirmé leur intention d'avancer résolument dans la voie du réformisme laissée vacante par le PS.
Que ce soit sur le plan tactique ou stratégique, leur opportunisme a atteint des sommets : la chasse ouverte pour recruter des élus de tous bords politiques qui ne représentent les intérêts distincts d'aucune classe, a remplacé le combat en direction du prolétariat pour le mobiliser, de ce point de vue là, ils n'ont plus rien à envier à ceux qui se réclament de la société civile ; le combat contre le gouvernement et les institutions est mis systématiquement en sourdine pour ne pas dire abandonné littéralement, au point d'oublier de condamner le rôle joué en Afrique par l'impérialisme français ou de le minimiser derrière le satan américain ; le PT se rendra chez De Villepin, Sarkozy et Barroso après le référendum du 29 mai 2005 trahissant ouvertement le mandat des travailleurs qui avaient voté non ; le PT n'apparaît plus en tant que tel mais se camoufle en permanence derrière des comités qu'il crée au grè des besoins de son appareil, une constante tout de même, la volonté affichée de ne pas se couper des élus du PS et du PCF, c'est toujours utile d'entretenir d'une façon ou d'une autre des rapports avec les appareils ne serait-ce que pour les élections municipales ; le soutien à l'appareil de FO après l'accord signé avec le patronat sur l'aggravation de la flexibilité du contrat de travail fin janvier 2007 ; le projet de manifeste de leur nouveau (vieux) parti reprend intégralement la ligne politique opportuniste du PT, il n'est évidemment pas question de combattre pour la prise du pouvoir par le prolétariat, par conséquence, il n'est pas question de la mobilisation révolutionnaire du prolétariat pour abattre les institutions et le régime, il y est fait référence à une Assemblée constituante souveraine qui serait le produit de la bonne volonté des maires de bien vouloir organiser sa convocation, il n'y figure évidemment aucune référence à la révolution prolétarienne ou au marxisme passés tous deux à la trappe au profit du réformiste Jaurès plus présentable pour les petits bourgeois que la révolution effraie, c'est pour dire à quel degré de dégénérescence ils sont tombés. L'annonce de leur nouveau parti ressemble à s'y méprendre à un vulgaire coup médiatique se situant à cheval sur les élections présidentielles et municipales. Vulgaire par les intentions des dirigeants du PT, mais légitime pour un parti ouvrier honnête qui proposerait au prolétariat une perspective révolutionnaire, ce qui n'est pas le cas du PT. Ils ont oublié une chose importante. Certes cela leur fait de la pub de passer à la télévision, cela leur donne soudain une autre dimension, et il est indéniable que des travailleurs vont avoir manifesté de l'intérêt pour les propositions du PT, mais quand ils vont essayer d'en savoir davantage sur ce parti et qu'ils vont se connecter sur Internet, ils vont rapidement déchanter, bref, le soufflet va vite retomber. Cette opération a aussi pour origine l'intention des dirigeants du PT d'ouvrir les portes de leur parti plus largement encore à des gens qui sont étrangers au marxisme, sans doute de façon à se débarrasser de cette vieille gamelle qui les encombre et qu'ils trainent derrière eux depuis trop longtemps sans trop plus quoi en faire.
Sur le plan International, par des méthodes policières, ils élimineront la majorité librement élue de la direction de leur section brésilienne. Comme il fallait s'y attendre et conformément au pronostic de Just, les dirigeants de la IVe Internationale autoproclamée seront incapables d'impulser la construction de partis révolutionnaires sur la base du marxisme dans aucun pays dans le monde. Le pendant de cette politique sera le développement de l'Entente internationale sur le modèle de la Ière Internationale qui concurrencera en quelque sorte la soi-disant IVe Internationale qu'ils contrôlent. Ainsi par leurs liens avec les partis de la IIe Internationale (appel à voter SPD en Allemagne ou Labour Party en Grande-Bretagne) et ceux qu'ils s'emploient à créer avec le PCF et la direction de la CGT depuis ces dernières années, les dirigeants du PT ont réussi l'exploit à eux-seuls de représenter les quatre Internationales qui ont existé, avec comme point commun à l'exception de la Ière Internationale, l'abandon du programme de la révolution socialiste internationale qui a précédé sa trahison. On peut dire sans prendre de grands risques, qu'ils sont en 2008 les principaux fossoyeurs de l'Internationale ouvrière avec la LCR.
Je me suis permis de supprimer les paragraphes suivants qui concernaient spécifiquement le Comité qu'avait fondé Stéphane Just décédé en 1997. Par contre, j'ai conservé la longue citation de Trotsky qui suit et qui clôturait ce document, j'y ai déjà fait référence dans un autre texte. La discussion entre camarades, l'échange des idées devrait toujours être loyal et fraternel, j'ai abandonné ici le mot confrontation qui fait penser à un choc et à la violence verbale qui n'est pas nécessaire entre nous. Dans un document à caractère polémique c'est autre chose, on se lache un peu ou beaucoup, on dit ce que l'on pense sans retenu, puisqu'il n'y a pas d'interlocuteur pour tempérer nos propos. Là encore il ne faut pas confondre les deux.
Ceux que les mots centralisé ou discipline choqueraient, je me permets de leur dire que tous les jours ils font preuve de beaucoup de discipline face à leur patron, à l'Etat, qui passent leur temps à les humilier et les faire obéir à des ordres absurdes ou des lois iniques et injustes. Dans le parti, chacun les respecte, chacun peut s'exprimer, chacun à sa place, ce n'est pas un châtiment de se plier à une certaine discipline que l'on a accepté librement en entrant dans le parti. Il y a un temps pour tout dans la vie, il en est de même dans le parti, il n'y a rien d'extraordinaire ou d'incongru là-dedans. Si les partis dégénèrent, c'est parce que les dirigeants ne sont pas à la hauteur de leurs responsabilités. Reste à savoir s'ils le font sciemment ou non pour déterminer ensuite l'attitude à avoir à leur égard. Quand un enfant fait une connerie, quelle est la meilleure attitude à avoir avec lui : le sermonner et le culpabiliser ou lui expliquer les choses tranquillement pour qu'ils en tirent les leçons pour l'avenir ? On ne devient pas révolutionnaire ou marxiste du jour au lendemain, le parti ne devient pas adulte du jour au lendemain non plus, il faut donc accepter de laisser mûrir l'un et l'autre, c'est plus facile à dire qu'à faire, tant qu'on est animé par de bonnes intentions, il n'y a pas de raison que les choses se passent mal ou qu'elles dégénèrent.
Quant au fonctionnement et à la vie politique du Comité, ils doivent être guidés par ce que Trotsky a écrit dans l’article :"Le centralisme démocratique, quelques mots sur le régime du parti" (8 décembre 1937) Tome 15 des Œuvres, pages 359, 360, 361, article qui sera la conclusion de ce rapport.
"J'ai reçu, au cours des derniers mois, d'un
certain nombre de camarades qui semblent être jeunes et que je ne connais pas,
des lettres concernant le régime intérieur d'un parti révolutionnaire. Certaines
se plaignent du « manque de démocratie » dans votre organisation, de
l'autoritarisme des « chefs » et d'autres choses de ce genre. Des camarades,
individuellement, m'ont demandé de leur donner « une formule claire et
précise du centralisme démocratique » qui empêcherait des interprétations
erronées.
Il n'est pas facile de répondre à ces lettres.
Aucun de mes correspondants n'essaie seulement de démontrer clairement et
concrètement, sur des exemples, en quoi réside exactement le viol de la
démocratie. Par ailleurs, dans la mesure où moi, à l'extérieur, je puis en juger
sur la base de votre journal et de vos bulletins, la discussion dans votre
organisation a été conduite avec une liberté totale. Les bulletins contiennent
surtout des textes qui émanent des dirigeants d'une toute petite minorité. On
m'a dit la même chose de vos assemblées de discussion. Les décisions ne sont pas
encore prises. Elles le seront évidemment par une conférence librement élue. En
quoi se sont manifestés des viols de la démocratie ? C'est difficile à
comprendre. Parfois, si j'en juge par le ton des lettres, c'est‑à‑dire surtout
par le caractère informel des griefs, il me semble que ceux qui se plaignent
sont surtout mécontents du fait qu'en dépit de la démocratie existante, ils se
soient révélés n'être qu'une toute petite minorité. Je sais par ma propre
expérience que c'est désagréable. Mais y-a‑t‑il là un viol quelconque de la
démocratie ?
Et je ne pense pas non plus qu'il me soit
possible de donner sur le centralisme démocratique une formule qui, « une fois
pour toutes », éliminerait malentendus et interprétations erronées. Un parti est
un organisme actif. Il se développe au cours d'une lutte contre des obstacles
extérieurs et des contradictions internes. La décomposition maligne de la II° et
de la III° Internationale, dans les sévères conditions de l'époque impérialiste,
crée pour la IV° Internationale des difficultés sans précédent dans l'Histoire.
On ne peut les surmonter par une quelconque formule magique. Le régime d'un
parti ne tombe pas tout cuit du ciel, mais se constitue progressivement au cours
de la lutte. Une ligne politique prime sur le régime. Il faut d'abord définir
correctement les problèmes stratégiques et les méthodes tactiques afin de
pouvoir les résoudre. Les formes d'organisation devraient correspondre à la
stratégie et à la tactique. Seule une politique juste peut garantir un régime
sain dans le parti. Mais cela ne signifie pas, bien entendu, que le
développement du parti ne pose pas pour autant de problèmes d'organisation. Mais
cela signifie que la formule du centralisme démocratique doit finalement trouver
une expression différente dans les partis des différents pays et à des étapes
différentes du développement d'un seul et même parti.
La démocratie et le centralisme ne sont pas
dans un rapport constant l'une vis-à-vis de l'autre. Tout dépend des
circonstances concrètes, de la situation politique du pays, de la force du parti
et de son expérience, du niveau général de ses membres, de l'autorité que la
direction a réussi à s'assurer. Avant une conférence, quand il s'agit de
formuler une ligne politique pour la prochaine période, la démocratie l'emporte
toujours sur le centralisme. Quand le problème est l'action politique, le
centralisme se subordonne la démocratie. La démocratie réaffirme ses droits
quand le parti sent le besoin d'examiner de façon critique sa propre activité.
L'équilibre entre démocratie et centralisme s'établit dans la lutte réelle, est
violé à certains moments, rétabli de nouveau ensuite. La maturité de chaque
membre du parti s'exprime particulièrement dans le fait qu'il n'exige pas du
régime du parti plus qu'il ne peut donner. Celui qui définit son attitude à
l'égard du parti à travers les tapes qu'il a personnellement reçues sur le nez
est un piètre révolutionnaire. Il faut, bien entendu, lutter contre toutes les
erreurs individuelles de la direction, les injustices et le reste. Mais il faut
évaluer ces « erreurs » et ces « injustices », non en
elles-mêmes mais par rapport au développement du parti à l' échelle nationale et
internationale. Un jugement correct et le sens des proportions sont quelque
chose de très important en politique. Celui qui a tendance à faire d'une
taupinière une montagne peut faire bien du mal, à lui-même comme au parti.
Le malheur de gens comme Oehler,
Field, Weisbord et autres, c'est précisément qu'ils n'ont pas le sens des
proportions.
Il ne manque pas en ce moment de
demi‑révolutionnaires, épuisés par les défaites, redoutant les difficultés, de
jeunes vieillards qui ont plus de doutes et de prétention que de volonté de se
battre. Au lieu d'analyser sérieusement les questions politiques dans leur
essence, ces gens‑là cherchent des panacées, se plaignent du « régime » à toute
occasion, réclament à la direction des miracles ou essaient de dissimuler leur
scepticisme intime sous les caquetages ultra-gauchistes. Je crains que nous
ne puissions pas en faire des révolutionnaires. à moins qu'ils ne se prennent
eux-mêmes en main. Je ne doute pas, par ailleurs, que la jeune génération
ouvrière sera capable d'apprécier comme ils le méritent le programme et le
contenu stratégique de la IV° Internationale et qu'elle se ralliera à son
drapeau en rangs toujours plus nombreux. Tout véritable révolutionnaire qui
révèle les erreurs du régime de son parti devrait se dire d'abord : « Il nous
faut recruter au parti une douzaine d'ouvriers nouveaux. » Les jeunes
travailleurs rappelleront à l'ordre messieurs les sceptiques et marchands de
griefs, les pessimistes. C'est seulement sur cette voie qu'un régime du parti
solide et sain pourra être établi dans les sections de la IV° Internationale.
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