Royal : "Une femme pratique"
Le 25 avril, depuis son QG parisien Royal a dit : "Je ne propose pas l'étatisation de l'économie, bien au contraire.", on le savait déjà, puisque qu'elle s'engage dans son programme à continuer la politique de liquidation des services publics engagée par Mitterrand et poursuivie par Chirac.
Vous avez dit opportuniste ou démagogique, vous êtes encore loin du compte : "J'ai entendu l'appel qu'ont adressé les électeurs sur le besoin de rénovation et de prendre les idées d'où qu'elles viennent.", inutile de commenter !
Elle l'a confirmé sur France 2 : "Je suis une femme pratique (…), une femme qui s'adapte aux circonstances" ce dont on se fout complètement, l'essentiel résidant dans la manière dont elle s'y adapte et pour quoi faire.
Un exemple d'adaptation du PS. Lors de l'émission Elections 2007 sur TV Monde, le 25 avril, une émission concoctée spécialement pour les Français de l'étranger, E. Guigou a répondu au journaliste qui l'interrogeait sur la sécurité, que la présence des CRS était "bien sûr" nécessaire dans les banlieues ouvrières, question de "circonstances" sans doute, qui durent, qui durent... et qui s'inscrit dans la durée, l'air de rien évidemment !
Pour revenir à la reine du PS, elle a justifié ainsi sa tactique : "Je suis au-dessus des partis, bien sûr, puisque je dois rassembler un Français sur deux. (…) Il faut sortir de l'affrontement bloc contre bloc.", classe contre classe quoi !
D'après-vous, n'y a-t-il rien qui cloche dans cette affirmation, ne remarquez-vous pas une contradiction frappante au-delà de la remise en cause de l'existence des différentes classes sociales aux intérêts inconciliables qu'elle exprime en appelant à dépasser cet "affrontement bloc contre bloc" ?
Pourquoi aurait-elle besoin pour se faire élire de remettre en cause le clivage existant entre les classes ? Je peux me tromper, mais à ma connaissance, sur 44,4 millions d'électeurs, la classe ouvrière, les travailleurs des villes et des campagnes, l'ensemble du prolétariat constitue toujours l'immense majorité de la population. Alors pourquoi emploie-t-elle sciemment cette formule qui s'apparente à un appel à l'union nationale, à la collaboration directe entre les classes ?
C'est parce que le PS est bien devenu un parti bourgeois, un parti qui ne représente plus depuis longtemps le prolétariat et ses intérêts et qui pour cette raison ne peut plus prétendre remporter des élections sans en appeler directement à la petite bourgeoisie dont les intérêts sont temporairement liés à ceux de la bourgeoisie et à la bourgeoisie elle-même.
Si le PS était encore un parti ouvrier, ne serait-ce qu'un parti ouvrier bourgeois, Royal n'aurait aucune difficulté à " rassembler un Français sur deux ", il lui suffisait d'en appeler au prolétariat et à la frange de la petite bourgeoisie qui en est le plus proche pour être en mesure de remporter facilement cette élection, puisqu'ils constituent plus des deux tiers des électeurs, mais tel n'est pas le cas.
Vous vous souvenez sans doute que lors du référendum du 29 mai 2005 le non avait atteint 70% à 80% des voix dans certains quartiers, 70% dans de nombreux village. Et bien vous pouvez vous dire que les 20 ou 30% restant correspondent environ au nombre de patrons en activité et retraité, leurs compagnes, leurs enfants en âge de voter, bref la réaction ou le capitalisme petit, grand et moyen au grand complet.
Le 22 avril, Sarkozy a fait le plein des voix de son camp, de la réaction. Peu d'entre eux ont voté Le Pen ou de Villiers. Bayrou a détourné les voix qui auraient dû se porter sur Royal ou d'autres candidats de la "gauche", c'était l'objectif de sa candidature, sans la médiatisation à outrance dont il a été l'objet, il n'aurait jamais atteint ou dépassé les 10%.
Sarkozy comme Le Pen, et dans une moindre mesure De Villiers, ont construit leurs campagnes en direction des mêmes électeurs sur les mêmes thèmes, principalement l'immigration et l'insécurité comme bouc émissaire à tous les maux de la société. Ils incarnent cette politique.
Ils ont récolté des voix des travailleurs au chômage ou frappés par la précarité, des retraités plus faibles avec l'âge que la violence inquiète particulièrement, la petite bourgeoisie qui craint pour sa sécurité matérielle et physique, notamment les commerçants et artisans, une partie de la population des campagnes que la violence qu'ils découvrent jour après jour à la télé déconcerte et qu’elle condamne sans avoir les moyens d'en connaître l'origine exacte, une partie de la jeunesse excédée par le racket, les vols et les agressions en tous genres, et pour finir une partie des travailleurs victimes directement ou dans leur entourage de la violence qui sévit dans toutes les grandes villes et leurs banlieues. On aurait pu ajouter à ce tableau, la paranoïa entretenue quotidiennement par les médias sur les risques d'attentats terroristes et le spectacle de la violence présente aux quatre coins du monde qui s'étale à la télévision et dans la presse.
Il est évident dans le contexte actuel qu'en ajoutant aux voix de la réaction qui se sont déjà portées sur Sarkozy au premier tour, celles que j'ai citées dans le paragraphe précédent, il est pratiquement sûr d'être élu.
Il ne suffit pas de déclarer que des pans entiers de la petite bourgeoisie qui n'ont pas été convaincus par les arguments du PS se sont portés sur Sarkozy pour expliquer ses 31% et la situation politique au soir du 22 avril, voilà ce que je tenais à préciser.
Car, par ailleurs, il est évident aussi que tous les travailleurs et jeunes qui ont voté pour Besancenot, Laguiller, Buffet ou Bové ne voteront pas au second tour, le contraire signifierait qu'ils auraient déjà oublié que leur candidat a été laminé à l'exception de Besancenot, par les appels répétés au "vote utile" dés le premier tour par Royal et le PS, sans parler des difficultés rencontrées pour obtenir les parrainages. De plus, son rapprochement avec Bayrou, le second candidat naturel de la bourgeoisie, va déclencher des réactions de rejet d'une part des électeurs de Royal qui s'abstiendront ou voteront blanc. Je peux me tromper, mais en faisant et refaisant les comptes dans tous les sens, logiquement Sarkozy devrait être élu le 6 mai prochain, peut-être même avec une nette majorité.
Bayrou a annoncé la création d'un nouveau parti, le parti social-démocrate, damant le pion à Schivardi et Gluckstein qui avait peut-être eu la même idée ou quelque chose d'approchant avec leurs "amis" élus de tous les bords politiques, MPF, UMP, UDF, etc.
Bayrou a peut-être tiré un coup d'avance sur la direction du PS, en prenant les devants face à la crise qui va s'amplifier au sein du PS à la suite de l'échec de Royal, afin de rallier des pans entiers du PS ou la quasi-totalité du PS qui pourrait se fondre dans ce nouveau parti, ce qui présenterait l'avantage pour eux de conserver leur particularité (de façade) grâce à la particule "sociale" inclue dans le nom de ce parti, tout en permettant à leur appareil de continuer à exister en complémentarité avec celui de Bayrou.
Ces dernières années, Bayrou a déjà largement préparé le terrain à ce genre de scénario en laissant partir à l'UMP les militants et dirigeants qui ne voulaient pas s'orienter dans cette voie-là, mais aussi en votant à l'Assemblée nationale à plusieurs reprises avec le PS contre l'UMP. Même si une majorité des députés de l'UDF ont annoncé qu'ils voteront pour Sarkozy, cela ne remet pas forcément en cause la stratégie de Bayrou. Quand on regarde bien, le parti dont Bayrou vient d'annoncer la création ressemble davantage au SPD et au Labour Party qui sont des partis sociaux-démocrates, plutôt qu'au PS. Attendons les prochains développements pour en dire plus.
Finalement, qu'est-ce qui distingue encore et empêcherait un Giscard et un Delors de se côtoyer dans le même parti ? Rien, tout les réunis au contraire, aussi bien la doctrine sociale de l'Eglise, le capitalisme que l'Union européenne dont ils sont de fervents défenseurs depuis toujours.
Un dernier mot sur les résultats du premier tour.
En réalité, les seuls perdants dans cette affaire, ce sont tous ceux qui ont cru bon d'appeler depuis des mois à "battre la droite" à l'instar du tandem pathétique Schivardi-Gluckstein, sans proposer la moindre alternative politique concrète et cohérente aux institutions réactionnaires de la Ve République, interdisant de la sorte au prolétariat d'exprimer son rejet de la politique défendue notamment par Sarkozy, Bayrou, Royal, de Villiers et Le Pen.
Camarades, "aux masses", hâtons-nous de préparer ensemble le troisième tour, la lutte des classes continue et n'attend pas...
(source : AFP et Le Monde 26.04.07)