Que le non soit majoritaire dans le pays, cela ne fait
aucun doute. Encore faut-il qu’il le soit dans les urnes le
29 mai. C’est la seule chose qui compte pour les travailleurs
et la défense de la démocratie. C’est la seule chose
qu’il faut empêcher pour les tenants de l’Union européenne.
Pour cela, tous les moyens sont bons. Qu’on en juge.
Chaque électeur va recevoir dans les prochaines semaines
une enveloppe de 283 grammes, contenant le texte du traité,
deux bulletins de vote et un courrier de présentation de
douze pages.
L’envoi d’un texte de Constitution de plusieurs centaines
de pages vise de toute évidence à dégoûter l’électeur et à le
pousser vers l’abstention.
Mais pour l’électeur qui voudrait s’informer, sans ingurgiter
cet indigeste pavé, l’Etat a tout prévu.
Dans un document imprimé en gros caractères sur sept
pages, l’électeur pourra prendre connaissance de l’« exposé
des motifs » supposé résumer de façon idyllique un projet de
« Constitution » qualifiée de « plus démocratique », « plus efficace
» et « favorisant la croissance, l’emploi ».
Seulement voilà : la « Constitution » européenne ne peut
pas donner ce qu’elle n’a pas. Conscients de l’attachement de
nos concitoyens à la démocratie et aux services publics, les
auteurs de ce document ont donc pris quelques libertés avec
le texte lui-même, et à 42 millions d’exemplaires, s’il vous
plaît ! En effet, on lit dans ce document envoyé aux
électeurs : « Le traité fait de l’accès aux services publics un droit fondamental. Il reconnaît et permet de défendre leur spécificité
“afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale de
l’Union” (article III-122). »
Or le texte de la « Constitution » européenne ne prononce
pas les mots « services publics » ! L’article III-122 dont il est
question, le voici dans sa véritable formulation : « Eu égard à
la place qu’occupent les services d’intérêt économique général en
tant que services auxquels tous dans l’Union attribuent une
valeur, ainsi qu’au rôle qu’ils jouent dans la promotion de sa
cohésion sociale et territoriale (…). » Cela n’a rien à voir !
Rappelons-le : le service d’intérêt économique général a été
défini par la Commission européenne elle-même dans son
Livre blanc du printemps 2004 : « Les termes “services d’intérêt
général” et “services d’intérêt économique général” ne doivent
pas être confondus avec l’expression “services publics”
(…). Le fait que les fournisseurs de services d’intérêt général
soient publics ou privés n’a pas d’importance dans le droit communautaire.
»
La différence n’est pas mince ! A l’heure où la privatisation
ouverte ou rampante menace tous les services publics, à l’heure où le statut même des fonctionnaires (sans lequel il
n’y a pas de service public) est lui-même dans la ligne de
mire (lire page 3), la substitution du SIEG au service public,
c’est la destruction du service public lui-même. Que les partisans
du oui aient recours à ce piteux stratagème en dit long
sur la nature même de la « Constitution » européenne, dont le
véritable contenu est considéré par ses propres partisans
comme une vérité qu’il faut cacher.
Il en découle ceci : aucun travailleur, aucun jeune, aucun
démocrate attaché à la République et à la laïcité ne doit
considérer la victoire du vote non comme acquise.
Tout reste à faire, et en particulier s’agissant du démontage
pied à pied des mensonges et autres manipulations des
partisans du oui.Tout reste à faire, qui peut et doit l’être « par
en bas » dans les réunions d’explications, dans les meetings,
dans les appels lancés dans une entreprise, dans un secteur
professionnel, dans les localités.Tout reste à faire, qui peut et
doit l’être dans l’articulation la plus précise de chaque revendication
ouvrière et démocratique avec l’exigence de la victoire
du non.
La bataille ne fait que commencer. Chacune et chacun
peut y prendre sa place avec efficacité, là où il est, dans son
lieu de travail, dans sa localité, dans son quartier, dans son
entourage. Rien ne doit être épargné. Le vote non doit l’emporter.
Daniel Gluckstein
Informations ouvrières - Semaine du 24 au 30 mars 2005 - n° 684
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